Tunisie, décembre 2010, un jeune vendeur de fruits et de légumes s’immole par le feu après s’être fait injustement confisquer sa marchandise par la police. Cet acte désespéré sera l’élément déclencheur du Printemps arabe : vaste mouvement contestataire contre la pauvreté, le chômage, mais aussi contre la tyrannie et la corruption de nombreux gouvernements autoritaires du Moyen-Orient. En Syrie, les protestations, initialement pacifiques, ont dégénéré en une guerre civile qui, depuis 2011, a fait plus d’un demi-million de victimes et forcé l’exil d’environ 12 millions de Syrien·nes.
Bien avant ces événements, Philippe Ducros, auteur et metteur en scène de Chambres d’écho, s’était rendu deux fois en Syrie, en 2004 et en 2006, pour des projets artistiques. Il y a tissé des amitiés solides qui, malgré la guerre, ont perduré. La pièce témoigne des échanges qu’il a entretenus, de 2011 à 2020, avec une comédienne vivant à Damas. Voilà pour la réalité.
Côté fiction, nous voici en 2019, alors que Philippe (l’alter ego de Ducros), jeune idéaliste québécois et père de deux petites filles, tente de se rendre en Syrie pour y rejoindre Samia, une actrice avec qui il correspond depuis 2015. Le trajet aérien comporte toutefois une escale à Beyrouth, où une nouvelle flambée d’émeutes le confine à sa chambre d’hôtel. De plus, les autorités syriennes, mises au parfum de l’arrivée imminente de l’étranger à leur frontière, questionnent avec de plus en plus d’insistance la jeune femme sur les liens qu’elle entretient avec lui. Pendant 13 jours et 13 nuits, le duo va communiquer de façon virtuelle, tentant désespérément et en vain de permettre à Philippe de franchir les 115 kilomètres qui le séparent de son amie.
Explosion de mots
Au centre de la scène de l’Espace Libre, une chaise et une lampe sur une plateforme peu élevée, délimitée par de nombreux panneaux-écrans, constituent l’essentiel du décor. À la fois cabine d’avion, piste de danse et salle d’interrogatoire, l’aire de jeu représente principalement la chambre d’hôtel où est cantonné Philippe. Dehors, c’est le chaos. Et plus loin, la guerre qui n’en finit plus. Un flot d’images de déflagrations et de scènes de désolation déferle sur les murs qui entourent l’homme esseulé. Rivé sur sa tablette et sur son téléphone portable, branché sur les réseaux sociaux, il essaie de comprendre ce qui se passe, tout en textant Samia.
En plus de jouer respectivement leur rôle, les protagonistes se font aussi la conscience de l’autre, entremêlant la nouvelle soi-disant officielle, les points de vue politiques divergents, les rumeurs, le faux, le vrai et même l’hypothétique. La tentative de rapprochement entre les deux personnages, qui est au centre de ce drame, se voit ainsi noyée dans une logorrhée d’informations qui, tantôt, prend des airs de théâtre documentaire, mais aussi, trop souvent, est livrée sur un ton pamphlétaire qui finit par lasser. Le désir à l’origine de cette relation entre Philippe et Samia est à peine effleuré. Pourquoi ce père de famille est-il autant attiré par cette femme ? Et celle-ci, qu’attend-t-elle vraiment de lui ? Mounia Zahzam et Étienne Pilon portent le texte avec aplomb, certes, mais l’émotion n’est pas au rendez-vous. Tout se passe à distance, sans presque jamais se toucher, ni même se regarder ; elle et lui se croisent dans un ballet malheureusement beaucoup trop stérile.
Pour peu qu’on s’intéresse au conflit syrien, on n’apprendra peu de choses avec Chambres d’écho, sinon que oui, la désinformation existe et que peut-être, en effet, l’enfer des autres pourrait, un jour, devenir le nôtre.
Texte et mise en scène : Philippe Ducros. Soutien dramaturgique : Véronique Chagnon. Assistance à la mise en scène : Charlotte Ménard. Scénographie : Nadine Jaafar. Éclairages et régie : Thomas Godefroid. Conception vidéo : Gaspard Philippe et Thomas Payette. Musique : Ludovic Bonnier. Costumes : Marianne Lonergan Pilotto. Avec Étienne Pilon et Mounia Zahzam. Une production des Productions Hôtel-Motel, en codiffusion avec Espace Libre, présentée au Théâtre Espace Libre jusqu’au 4 mars 2023.
Tunisie, décembre 2010, un jeune vendeur de fruits et de légumes s’immole par le feu après s’être fait injustement confisquer sa marchandise par la police. Cet acte désespéré sera l’élément déclencheur du Printemps arabe : vaste mouvement contestataire contre la pauvreté, le chômage, mais aussi contre la tyrannie et la corruption de nombreux gouvernements autoritaires du Moyen-Orient. En Syrie, les protestations, initialement pacifiques, ont dégénéré en une guerre civile qui, depuis 2011, a fait plus d’un demi-million de victimes et forcé l’exil d’environ 12 millions de Syrien·nes.
Bien avant ces événements, Philippe Ducros, auteur et metteur en scène de Chambres d’écho, s’était rendu deux fois en Syrie, en 2004 et en 2006, pour des projets artistiques. Il y a tissé des amitiés solides qui, malgré la guerre, ont perduré. La pièce témoigne des échanges qu’il a entretenus, de 2011 à 2020, avec une comédienne vivant à Damas. Voilà pour la réalité.
Côté fiction, nous voici en 2019, alors que Philippe (l’alter ego de Ducros), jeune idéaliste québécois et père de deux petites filles, tente de se rendre en Syrie pour y rejoindre Samia, une actrice avec qui il correspond depuis 2015. Le trajet aérien comporte toutefois une escale à Beyrouth, où une nouvelle flambée d’émeutes le confine à sa chambre d’hôtel. De plus, les autorités syriennes, mises au parfum de l’arrivée imminente de l’étranger à leur frontière, questionnent avec de plus en plus d’insistance la jeune femme sur les liens qu’elle entretient avec lui. Pendant 13 jours et 13 nuits, le duo va communiquer de façon virtuelle, tentant désespérément et en vain de permettre à Philippe de franchir les 115 kilomètres qui le séparent de son amie.
Explosion de mots
Au centre de la scène de l’Espace Libre, une chaise et une lampe sur une plateforme peu élevée, délimitée par de nombreux panneaux-écrans, constituent l’essentiel du décor. À la fois cabine d’avion, piste de danse et salle d’interrogatoire, l’aire de jeu représente principalement la chambre d’hôtel où est cantonné Philippe. Dehors, c’est le chaos. Et plus loin, la guerre qui n’en finit plus. Un flot d’images de déflagrations et de scènes de désolation déferle sur les murs qui entourent l’homme esseulé. Rivé sur sa tablette et sur son téléphone portable, branché sur les réseaux sociaux, il essaie de comprendre ce qui se passe, tout en textant Samia.
En plus de jouer respectivement leur rôle, les protagonistes se font aussi la conscience de l’autre, entremêlant la nouvelle soi-disant officielle, les points de vue politiques divergents, les rumeurs, le faux, le vrai et même l’hypothétique. La tentative de rapprochement entre les deux personnages, qui est au centre de ce drame, se voit ainsi noyée dans une logorrhée d’informations qui, tantôt, prend des airs de théâtre documentaire, mais aussi, trop souvent, est livrée sur un ton pamphlétaire qui finit par lasser. Le désir à l’origine de cette relation entre Philippe et Samia est à peine effleuré. Pourquoi ce père de famille est-il autant attiré par cette femme ? Et celle-ci, qu’attend-t-elle vraiment de lui ? Mounia Zahzam et Étienne Pilon portent le texte avec aplomb, certes, mais l’émotion n’est pas au rendez-vous. Tout se passe à distance, sans presque jamais se toucher, ni même se regarder ; elle et lui se croisent dans un ballet malheureusement beaucoup trop stérile.
Pour peu qu’on s’intéresse au conflit syrien, on n’apprendra peu de choses avec Chambres d’écho, sinon que oui, la désinformation existe et que peut-être, en effet, l’enfer des autres pourrait, un jour, devenir le nôtre.
Chambres d’écho
Texte et mise en scène : Philippe Ducros. Soutien dramaturgique : Véronique Chagnon. Assistance à la mise en scène : Charlotte Ménard. Scénographie : Nadine Jaafar. Éclairages et régie : Thomas Godefroid. Conception vidéo : Gaspard Philippe et Thomas Payette. Musique : Ludovic Bonnier. Costumes : Marianne Lonergan Pilotto. Avec Étienne Pilon et Mounia Zahzam. Une production des Productions Hôtel-Motel, en codiffusion avec Espace Libre, présentée au Théâtre Espace Libre jusqu’au 4 mars 2023.