Qui a l’impression d’avoir déjà vu sur les planches la genèse fictive du chef-d’œuvre Cyrano de Bergerac n’a point la berlue, puisque le Festival Juste pour rire présentait sur la scène du Théâtre du Nouveau Monde, en 2018, la pièce Edmond du Français Alexis Michalik. Le Théâtre du Rideau Vert offre maintenant la version élaborée par Gabriel Sabourin de la création de ce drame épique et romantique. Or, l’auteur québécois a opté pour une approche légèrement différente du même sujet en amalgamant des éléments de la vie d’Edmond Rostand et certains aspects de l’existence de son personnage le plus illustre pour en faire une comédie aux accents feydeauesques.
Ainsi, le dramaturge épris de vers et de figures historiques méconnues se trouve affublé d’une généreuse péninsule nasale, et la future tirade « Non merci » de son Cyrano exprime d’abord son propre refus de poursuivre la carrière d’avocat que lui destinait son père. Celui-ci, dans Pif-Luisant, tente de détourner son fils d’un métier qui ne lui retourne guère son enthousiasme et il souhaite le ramener à son épouse, auquel le jeune Rostand ne semble plus porter le moindre intérêt, de même qu’à ses enfants. Deux choses le gardent plutôt à la maison de campagne familiale, soit l’espoir d’enfin pouvoir pondre une œuvre qui rencontrera de façon féconde le public… et la fille de l’intendante, Marie-Anne, après qui il soupire.
C’est à elle qu’il écrira toutes les lettres qui seront, ensuite, adressées à Roxanne dans la pièce qui le rendra célèbre. Car la domestique, friande de littérature, est néanmoins attirée par un soldat et aspirant acteur nanti d’un joli minois, mais dépourvu de bagout. S’ajoutent à cette trame les récriminations du majordome envers sa femme, l’intendante, qu’il soupçonne d’infidélité, d’abord avec le fromager du village, puis avec le boulanger.
C’est un roc… c’est un pic… c’est un cap !
Plus qu’à une célébration du génie artistique – bien que son Rostand manie la versification aussi agilement dans son quotidien que dans son œuvre, ce qui constitue l’un des aspects les plus réjouissants du spectacle – c’est surtout à une comédie que nous convie Gabriel Sabourin. Celui qui s’est intéressé au Paradoxe sur le comédien de Denis Diderot dans Les Gymnastes de l’émotion en 2002, puis à la vie de Georges Feydeau dans Le Prince des jouisseurs en 2014, signe certaines scènes de vaudeville (des ébats derrière une porte close, un échange interrompu par un coq au vin qui brûle…) que ne renierait certainement pas l’auteur du Dindon.
Ainsi, certaines blagues ne sauraient s’inscrire dans la catégorie des calembours finement ouvragés. Par exemple, lorsque le majordome jaloux demande à sa dulcinée pourquoi elle sent autant le fromage, celle-ci rétorque que c’est parce qu’elle vieillit. Disons qu’on est assez loin de la tirade du nez – qui inspire deux passages plutôt qu’un de ce spectacle d’une heure trente. Or, la mise en scène de Stéphane Brulotte, si elle s’avère vive sans trop de frénésie, ne fait pas non plus toujours dans la dentelle.
Heureusement, l’incarnation d’Olivier Morin de ce Rostand bergeracisé, entouré du jeu irréprochable de Roger La Rue (le père d’Edmond), Marie-Hélène Thibault (l’intendante) et Gabriel Sabourin lui-même (le majordome), captive. Il apporte toutes les teintes et demie teintes nécessaires à ce personnage ; il le rend humain dans ses aspirations comme dans ses insécurités, dans ses élans de bonté comme dans son égocentrisme, dans sa verve comme dans sa maladresse.
Notons aussi l’élégante scénographie de Loïc Lacroix Hoy, qui arrive, sans changement de décor, à maximiser l’espace à sa disposition, lui donnant même de la profondeur grâce à un escalier et à un œil-de-boeuf qui laisse entrer la lumière du jour, telle qu’habilement recréée par Renaud Pettigrew. Enfin, les splendides costumes de Pierre-Guy Lapointe complètent le raffinement esthétique de ce tableau historico-comique.
Texte : Gabriel Sabourin. Mise en scène : Stéphane Brulotte, assisté de Lou Arteau. Scénographie : Loïc Lacroix Hoy. Costumes : Pierre Guy Lapointe. Éclairages : Renaud Pettigrew. Musique : Ludovic Bonnier. Accessoires : Madeleine Saint-Jacques. Coiffures et maquillages : Amélie Bruneau-Longpré. Avec Élodie Grenier, Roger La Rue, Olivier Morin, Jean-François Pronovost, Gabriel Sabourin et Marie-Hélène Thibault. Une production du Théâtre du Rideau Vert, présentée au Théâtre du Rideau Vert jusqu’au 15 avril 2023.
Qui a l’impression d’avoir déjà vu sur les planches la genèse fictive du chef-d’œuvre Cyrano de Bergerac n’a point la berlue, puisque le Festival Juste pour rire présentait sur la scène du Théâtre du Nouveau Monde, en 2018, la pièce Edmond du Français Alexis Michalik. Le Théâtre du Rideau Vert offre maintenant la version élaborée par Gabriel Sabourin de la création de ce drame épique et romantique. Or, l’auteur québécois a opté pour une approche légèrement différente du même sujet en amalgamant des éléments de la vie d’Edmond Rostand et certains aspects de l’existence de son personnage le plus illustre pour en faire une comédie aux accents feydeauesques.
Ainsi, le dramaturge épris de vers et de figures historiques méconnues se trouve affublé d’une généreuse péninsule nasale, et la future tirade « Non merci » de son Cyrano exprime d’abord son propre refus de poursuivre la carrière d’avocat que lui destinait son père. Celui-ci, dans Pif-Luisant, tente de détourner son fils d’un métier qui ne lui retourne guère son enthousiasme et il souhaite le ramener à son épouse, auquel le jeune Rostand ne semble plus porter le moindre intérêt, de même qu’à ses enfants. Deux choses le gardent plutôt à la maison de campagne familiale, soit l’espoir d’enfin pouvoir pondre une œuvre qui rencontrera de façon féconde le public… et la fille de l’intendante, Marie-Anne, après qui il soupire.
C’est à elle qu’il écrira toutes les lettres qui seront, ensuite, adressées à Roxanne dans la pièce qui le rendra célèbre. Car la domestique, friande de littérature, est néanmoins attirée par un soldat et aspirant acteur nanti d’un joli minois, mais dépourvu de bagout. S’ajoutent à cette trame les récriminations du majordome envers sa femme, l’intendante, qu’il soupçonne d’infidélité, d’abord avec le fromager du village, puis avec le boulanger.
C’est un roc… c’est un pic… c’est un cap !
Plus qu’à une célébration du génie artistique – bien que son Rostand manie la versification aussi agilement dans son quotidien que dans son œuvre, ce qui constitue l’un des aspects les plus réjouissants du spectacle – c’est surtout à une comédie que nous convie Gabriel Sabourin. Celui qui s’est intéressé au Paradoxe sur le comédien de Denis Diderot dans Les Gymnastes de l’émotion en 2002, puis à la vie de Georges Feydeau dans Le Prince des jouisseurs en 2014, signe certaines scènes de vaudeville (des ébats derrière une porte close, un échange interrompu par un coq au vin qui brûle…) que ne renierait certainement pas l’auteur du Dindon.
Ainsi, certaines blagues ne sauraient s’inscrire dans la catégorie des calembours finement ouvragés. Par exemple, lorsque le majordome jaloux demande à sa dulcinée pourquoi elle sent autant le fromage, celle-ci rétorque que c’est parce qu’elle vieillit. Disons qu’on est assez loin de la tirade du nez – qui inspire deux passages plutôt qu’un de ce spectacle d’une heure trente. Or, la mise en scène de Stéphane Brulotte, si elle s’avère vive sans trop de frénésie, ne fait pas non plus toujours dans la dentelle.
Heureusement, l’incarnation d’Olivier Morin de ce Rostand bergeracisé, entouré du jeu irréprochable de Roger La Rue (le père d’Edmond), Marie-Hélène Thibault (l’intendante) et Gabriel Sabourin lui-même (le majordome), captive. Il apporte toutes les teintes et demie teintes nécessaires à ce personnage ; il le rend humain dans ses aspirations comme dans ses insécurités, dans ses élans de bonté comme dans son égocentrisme, dans sa verve comme dans sa maladresse.
Notons aussi l’élégante scénographie de Loïc Lacroix Hoy, qui arrive, sans changement de décor, à maximiser l’espace à sa disposition, lui donnant même de la profondeur grâce à un escalier et à un œil-de-boeuf qui laisse entrer la lumière du jour, telle qu’habilement recréée par Renaud Pettigrew. Enfin, les splendides costumes de Pierre-Guy Lapointe complètent le raffinement esthétique de ce tableau historico-comique.
Pif-Luisant
Texte : Gabriel Sabourin. Mise en scène : Stéphane Brulotte, assisté de Lou Arteau. Scénographie : Loïc Lacroix Hoy. Costumes : Pierre Guy Lapointe. Éclairages : Renaud Pettigrew. Musique : Ludovic Bonnier. Accessoires : Madeleine Saint-Jacques. Coiffures et maquillages : Amélie Bruneau-Longpré. Avec Élodie Grenier, Roger La Rue, Olivier Morin, Jean-François Pronovost, Gabriel Sabourin et Marie-Hélène Thibault. Une production du Théâtre du Rideau Vert, présentée au Théâtre du Rideau Vert jusqu’au 15 avril 2023.