Dans la pièce L’inframonde, le personnage de Roy l’admet d’emblée lorsque la détective Harrison lui fait subir un interrogatoire serré. Oui, il est pédophile, mais il a toujours résisté à ses pulsions morbides. Jamais il n’est passé à l’acte dans le monde réel. Mais le Refuge virtuel qu’il a créé dans un décor victorien lui permet d’assouvir tous ses désirs. Iris, jeune fille parfaite et consentante, se prête avec grâce aux fantasmes de Papa et de ses amis, elle est toujours disponible pour sa propre mort. Elle a été programmée pour cela. Simple, puisque dans ce monde d’avatars, il n’y a pas de conséquences.
Le texte de Jennifer Haley, brillamment construit, met en tension des questions fondamentales. Tout se joue entre le réel et le virtuel. Comme si les deux étaient dissociés. Roy maintient que le désir fantasmé ne relève pas du droit dans le monde réel. On ne peut pas policer les rêves. Il présente son Refuge comme un espace de guérison qui réussit à soigner toute paraphilie, là où la psychologie échoue.
Imbriquer univers et métavers
On comprend que cette pièce coup de poing, construite sur un malaise profond, ait gagné plusieurs prix. Elle soulève de grandes questions ontologiques, sur la nature même de notre humanité au moment où le numérique se place en substitut de la vie.
Le metteur en scène Maxime Perron a parfaitement compris la tension entre les deux mondes alors que le glissement de l’un à l’autre est imperceptible. Dans l’inframonde, tout est merveilleux, Iris est belle, les objets sont attrayants, les arbres magnifiques, mais dans les marges, il n’y a que noirceur et désolation. D’entrée de jeu, nous sommes aspirés dans ce gouffre d’élégance et de beauté.
Remarquable travail de l’équipe qui parvient à présenter une œuvre d’une rare cohésion. En maintenant une subtile confusion entre les personnages, sur les allers-retours d’un monde à l’autre, sur l’écart entre le numérique et le tangible, L’Inframonde nous déstabilise et nous plonge au cœur du questionnement. On ne peut y échapper. Chaque morceau du puzzle s’emboite comme une évidence.
Les projections vidéo et éclairages d’Émile Beauchemin se déposent dans la scénographie de Marianne Lebel, comme un bijou dans son écrin. La rupture de ton entre le Refuge et la périphérie est invisible, nous glissons de l’un à l’autre comme dans un nuage. Et Steve Hamel (Exercices de style) saupoudre un environnement sonore impeccable tout juste pour ajouter une teinte rassurante dans le délitement du monde.
La distribution est impeccable. Mais soulignons le travail de la jeune Octavie Carrée (découverte dans Blackbird) qui incarne Iris avec beaucoup de doigté. On hésite à la percevoir comme un être de chair ou un avatar. Et quelles prestations de Vincent Champoux et de Carol Cassistat ! L’un et l’autre, blessés et colériques lorsque confrontés à la loi et à l’ordre, mais portés par une douce exaltation dans le Refuge, offrent dans la scène finale un tableau d’anthologie. Les deux monstres du réel s’abolissent dans une tendresse sublime, ultime moment de grâce avant que les deux univers ne s’écroulent sur eux.
On sort de cette soirée avec la certitude d’avoir vécu un grand moment de théâtre !
Texte : Jennifer Haley. Traduction : Étienne Lepage. Mise en scène : Maxime Perron. Assistance à la mise en scène : Élisabeth Lavoie. Scénographie : Marianne Lebel. Intégration vidéo et éclairage : Émile Beauchemin. Conception sonore : Steve Hamel. Direction d’intimité : Stéphanie Breton. Actrice de répétition : Rosalie Daoust. Avec Octavie Carré, Carol Cassistat, Vincent Champoux, Rosalie Cournoyer, Vincent Massé-Gagné. Une production de L’Homme qui a vu l’ours, présentée à Premier Acte jusqu’au 1er avril.
Dans la pièce L’inframonde, le personnage de Roy l’admet d’emblée lorsque la détective Harrison lui fait subir un interrogatoire serré. Oui, il est pédophile, mais il a toujours résisté à ses pulsions morbides. Jamais il n’est passé à l’acte dans le monde réel. Mais le Refuge virtuel qu’il a créé dans un décor victorien lui permet d’assouvir tous ses désirs. Iris, jeune fille parfaite et consentante, se prête avec grâce aux fantasmes de Papa et de ses amis, elle est toujours disponible pour sa propre mort. Elle a été programmée pour cela. Simple, puisque dans ce monde d’avatars, il n’y a pas de conséquences.
Le texte de Jennifer Haley, brillamment construit, met en tension des questions fondamentales. Tout se joue entre le réel et le virtuel. Comme si les deux étaient dissociés. Roy maintient que le désir fantasmé ne relève pas du droit dans le monde réel. On ne peut pas policer les rêves. Il présente son Refuge comme un espace de guérison qui réussit à soigner toute paraphilie, là où la psychologie échoue.
Imbriquer univers et métavers
On comprend que cette pièce coup de poing, construite sur un malaise profond, ait gagné plusieurs prix. Elle soulève de grandes questions ontologiques, sur la nature même de notre humanité au moment où le numérique se place en substitut de la vie.
Le metteur en scène Maxime Perron a parfaitement compris la tension entre les deux mondes alors que le glissement de l’un à l’autre est imperceptible. Dans l’inframonde, tout est merveilleux, Iris est belle, les objets sont attrayants, les arbres magnifiques, mais dans les marges, il n’y a que noirceur et désolation. D’entrée de jeu, nous sommes aspirés dans ce gouffre d’élégance et de beauté.
Remarquable travail de l’équipe qui parvient à présenter une œuvre d’une rare cohésion. En maintenant une subtile confusion entre les personnages, sur les allers-retours d’un monde à l’autre, sur l’écart entre le numérique et le tangible, L’Inframonde nous déstabilise et nous plonge au cœur du questionnement. On ne peut y échapper. Chaque morceau du puzzle s’emboite comme une évidence.
Les projections vidéo et éclairages d’Émile Beauchemin se déposent dans la scénographie de Marianne Lebel, comme un bijou dans son écrin. La rupture de ton entre le Refuge et la périphérie est invisible, nous glissons de l’un à l’autre comme dans un nuage. Et Steve Hamel (Exercices de style) saupoudre un environnement sonore impeccable tout juste pour ajouter une teinte rassurante dans le délitement du monde.
La distribution est impeccable. Mais soulignons le travail de la jeune Octavie Carrée (découverte dans Blackbird) qui incarne Iris avec beaucoup de doigté. On hésite à la percevoir comme un être de chair ou un avatar. Et quelles prestations de Vincent Champoux et de Carol Cassistat ! L’un et l’autre, blessés et colériques lorsque confrontés à la loi et à l’ordre, mais portés par une douce exaltation dans le Refuge, offrent dans la scène finale un tableau d’anthologie. Les deux monstres du réel s’abolissent dans une tendresse sublime, ultime moment de grâce avant que les deux univers ne s’écroulent sur eux.
On sort de cette soirée avec la certitude d’avoir vécu un grand moment de théâtre !
L’Inframonde
Texte : Jennifer Haley. Traduction : Étienne Lepage. Mise en scène : Maxime Perron. Assistance à la mise en scène : Élisabeth Lavoie. Scénographie : Marianne Lebel. Intégration vidéo et éclairage : Émile Beauchemin. Conception sonore : Steve Hamel. Direction d’intimité : Stéphanie Breton. Actrice de répétition : Rosalie Daoust. Avec Octavie Carré, Carol Cassistat, Vincent Champoux, Rosalie Cournoyer, Vincent Massé-Gagné. Une production de L’Homme qui a vu l’ours, présentée à Premier Acte jusqu’au 1er avril.