Insoutenables longues étreintes est un récit de voyage, celui de quatre personnes aux destins croisés qui, de New York à Berlin, cherchent l’impulsion qui donnera un sens à leur vie. Ainsi résumée, l’histoire semble un peu lourde, mais c’est sans compter avec la verve et l’humour du dramaturge russe Ivan Viripaev.
Monica, Amy, Charlie et Christophe se rencontrent à New York. À part Charlie, né à cet endroit, les trois autres viennent de l’Europe de l’Est, comme si la mégapole représentait le rêve d’une existence plus heureuse à l’Ouest. Le récit se termine, sauf pour Amy clouée à l’hôpital, à Berlin, ville fracturée et réunifiée. Le choix de ces deux lieux suggère que la quête intime des personnages — trouver le sens de leur vie et un possible équilibre entre aimer et vivre libre — s’ancre dans le contexte plus global d’un monde disloqué.
Ils et elles racontent leur propre histoire, la jouent et la commentent, de façon plutôt linéaire. Chacune d’elles est pourtant sans cesse bousculée, interrompue, déviée par un personnage prenant le relai du récit dans un flux de paroles ramenant cycliquement les mêmes mots, les mêmes images. Effet d’écho, de résonance qui révèle une expérience commune de parcours singuliers.
La fragmentation des récits s’accentue quand les protagonistes entrent tour à tour en dialogue avec « l’univers ». La « voix de l’univers », à la fois bienveillante et d’une ironie caustique, constitue un axe dramaturgique puissant, en matérialisant l’espoir d’autres vies possibles. La pièce, bien que narrant des histoires plutôt tragiques, s’avère souvent drôle, jamais ennuyante, quelque peu intrigante. La traduction de Galin Stoev et Sacha Carlson a été adaptée, à Prospero, pour intégrer quelques expressions québécoises et permettre aux interprètes d’évoluer dans un accent d’ici.
Conception
L’espace scénique, créé par le metteur en scène Philippe Cyr et ses complices à la conception, sert ce texte qui se déploie dans un climat chaotique. L’aire de jeu est constituée d’un plateau hexagonal, qui tourne parfois, sur lequel les interprètes se déplacent, constituant diverses figures, diverses constellations au gré des rencontres et des départs. En arrière-scène apparaît par moments une représentation stylisée de la voute céleste.
Les costumes moirés et parsemés de paillettes reflètent la « vie en plastique » dans laquelle les personnages évoluent, consommant sexe, drogue et bouffe, trouvant une rapide jouissance là où elles et ils cherchent une étreinte. Une lumière bleue domine la scène. À la fin, une fois traversées les épreuves qui jalonnent leur périple, les costumes seront partiellement enlevés, au profit de maillots couleur chair, et la lumière passera au rouge.
Dans la dramaturgie de Viripaev, la parole engage le corps des interprètes. Le jeu souple, éclectique et précis des comédiennes et comédiens sur la scène du Prospero en donne la preuve. Les interprètes passent d’une strate narrative à l’autre avec aisance, modifient leur voix, leur posture, leur gestuelle chaque fois qu’elles ou ils dialoguent avec « l’univers ». Leur performance a fait oublier les quelques problèmes techniques survenus lors de la première médiatique.
Tous les comparses, en début de pièce, se demandent s’ils peuvent apprendre à vivre. Cette quête se résout, à la fin du voyage, dans la mort. Mort des personnages, puisque chacune et chacun va au bout de son geste. Mort métaphorique, comme un abandon qui, seul, permet de trouver l’étreinte, de l’autoriser et de la recevoir. En choisissant d’accompagner l’image finale du Requiem de Mozart, Philippe Cyr souligne cette résolution dialectique au désir de vivre des personnages. Qu’il en soit ainsi !
Texte : Ivan Viripaev. Traduction : Galin Stoev, Sacha Carlson. Mise en scène : Philippe Cyr. Assistance à la mise en scène : Delphine Rochefort-Boulanger. Scénographie : Odile Gamache. Assistance à la scénographie : Charlie Loup Turcot. Costumes et accompagnement maquillage, coiffure : Wendy Kim Pires. Lumières : Cédric Delorme-Bouchard. Musique : Vincent Legault. Chef sonorisation : Frédéric Auger. Stagiaire à la dramaturgie : Samuel Tétreault. Avec Christine Beaulieu, Marc Beaupré, Joanie Guérin et Simon Lacroix. Une création du Prospero, présentée au Théâtre Prospero jusqu’au 22 avril 2023.
Insoutenables longues étreintes est un récit de voyage, celui de quatre personnes aux destins croisés qui, de New York à Berlin, cherchent l’impulsion qui donnera un sens à leur vie. Ainsi résumée, l’histoire semble un peu lourde, mais c’est sans compter avec la verve et l’humour du dramaturge russe Ivan Viripaev.
Monica, Amy, Charlie et Christophe se rencontrent à New York. À part Charlie, né à cet endroit, les trois autres viennent de l’Europe de l’Est, comme si la mégapole représentait le rêve d’une existence plus heureuse à l’Ouest. Le récit se termine, sauf pour Amy clouée à l’hôpital, à Berlin, ville fracturée et réunifiée. Le choix de ces deux lieux suggère que la quête intime des personnages — trouver le sens de leur vie et un possible équilibre entre aimer et vivre libre — s’ancre dans le contexte plus global d’un monde disloqué.
Ils et elles racontent leur propre histoire, la jouent et la commentent, de façon plutôt linéaire. Chacune d’elles est pourtant sans cesse bousculée, interrompue, déviée par un personnage prenant le relai du récit dans un flux de paroles ramenant cycliquement les mêmes mots, les mêmes images. Effet d’écho, de résonance qui révèle une expérience commune de parcours singuliers.
La fragmentation des récits s’accentue quand les protagonistes entrent tour à tour en dialogue avec « l’univers ». La « voix de l’univers », à la fois bienveillante et d’une ironie caustique, constitue un axe dramaturgique puissant, en matérialisant l’espoir d’autres vies possibles. La pièce, bien que narrant des histoires plutôt tragiques, s’avère souvent drôle, jamais ennuyante, quelque peu intrigante. La traduction de Galin Stoev et Sacha Carlson a été adaptée, à Prospero, pour intégrer quelques expressions québécoises et permettre aux interprètes d’évoluer dans un accent d’ici.
Conception
L’espace scénique, créé par le metteur en scène Philippe Cyr et ses complices à la conception, sert ce texte qui se déploie dans un climat chaotique. L’aire de jeu est constituée d’un plateau hexagonal, qui tourne parfois, sur lequel les interprètes se déplacent, constituant diverses figures, diverses constellations au gré des rencontres et des départs. En arrière-scène apparaît par moments une représentation stylisée de la voute céleste.
Les costumes moirés et parsemés de paillettes reflètent la « vie en plastique » dans laquelle les personnages évoluent, consommant sexe, drogue et bouffe, trouvant une rapide jouissance là où elles et ils cherchent une étreinte. Une lumière bleue domine la scène. À la fin, une fois traversées les épreuves qui jalonnent leur périple, les costumes seront partiellement enlevés, au profit de maillots couleur chair, et la lumière passera au rouge.
Dans la dramaturgie de Viripaev, la parole engage le corps des interprètes. Le jeu souple, éclectique et précis des comédiennes et comédiens sur la scène du Prospero en donne la preuve. Les interprètes passent d’une strate narrative à l’autre avec aisance, modifient leur voix, leur posture, leur gestuelle chaque fois qu’elles ou ils dialoguent avec « l’univers ». Leur performance a fait oublier les quelques problèmes techniques survenus lors de la première médiatique.
Tous les comparses, en début de pièce, se demandent s’ils peuvent apprendre à vivre. Cette quête se résout, à la fin du voyage, dans la mort. Mort des personnages, puisque chacune et chacun va au bout de son geste. Mort métaphorique, comme un abandon qui, seul, permet de trouver l’étreinte, de l’autoriser et de la recevoir. En choisissant d’accompagner l’image finale du Requiem de Mozart, Philippe Cyr souligne cette résolution dialectique au désir de vivre des personnages. Qu’il en soit ainsi !
Insoutenables longues étreintes
Texte : Ivan Viripaev. Traduction : Galin Stoev, Sacha Carlson. Mise en scène : Philippe Cyr. Assistance à la mise en scène : Delphine Rochefort-Boulanger. Scénographie : Odile Gamache. Assistance à la scénographie : Charlie Loup Turcot. Costumes et accompagnement maquillage, coiffure : Wendy Kim Pires. Lumières : Cédric Delorme-Bouchard. Musique : Vincent Legault. Chef sonorisation : Frédéric Auger. Stagiaire à la dramaturgie : Samuel Tétreault. Avec Christine Beaulieu, Marc Beaupré, Joanie Guérin et Simon Lacroix. Une création du Prospero, présentée au Théâtre Prospero jusqu’au 22 avril 2023.