Avant que quelque mouvement ait habité la scène, l’on entend le personnage principal d’Echo se présenter. Elle se nomme Future et nous rappelle que « les actions les plus petites peuvent avoir un grand impact ». On craint alors le pire, soit un spectacle moralisateur, au contenu « conscientisant » cousu de fil blanc. Or il n’en sera rien. Au contraire, il serait sans doute ardu de deviner – si on ne le sait pas à l’avance – que la toute dernière création en chapiteau du Cirque du Soleil parle de créer un nouveau monde, de notre relation avec la nature, tant la part dramaturgique de la production apparaît diffuse.
Le public est plutôt face à un enchaînement de numéros circassiens de haute voltige, sis dans un univers fantasmagorique, où la fumée succède au feu, où les animaux sont à moitié humains et où des lucioles surdimensionnées volent au-dessus des spectateurs et spectatrices. Et, à ce titre, le spectacle s’avère très réussi.
Il va sans dire que les costumes, tel que le commande la tradition cirque-du-soleillienne, jouent un rôle cardinal dans l’esthétique de l’œuvre orchestrée par le metteur en scène Mukhtar Omar Sharif Mukhtar. Notons que le complet y règne avec superbe. Celui-ci se montre vivement pigmenté (ou mi-blanc, mi-coloré) pour certain·es, tandis qu’il s’affiche d’une blancheur immaculée pour les personnages d’animaux. Il est alors complété par une tête, dont la texture évoque celle du papier, où chaque bête (aigle, lion, lama, éléphant, gazelle, perroquet…) est parfaitement identifiable. Cette faune ne cesse de fasciner, notamment lorsqu’elle s’anime en mouvements de groupe.
Indéniable maestria
Concourt aussi à cette ambiance onirique la musique, tantôt festive tantôt épique, interprétée en direct par des musicien·nes et des chanteuses. Les projections, aux habiles effets optiques, participent également à nourrir l’émerveillement qui règne sous le Grand chapiteau érigé dans le Vieux-Port de Montréal. Celles-ci ont pour écran un cube gigantesque qui avance, recule, pivote – ce qui permet d’exploiter optimalement le potentiel de la scène circulaire –, se perce de trous et va jusqu’à se départir de quatre de ses faces, pour ne garder que ses arêtes, son sol et son toit. Ce pavillon ajouré, cerné d’authentiques flammes, servira d’aire de jeu à deux fildeféristes (l’Ukrainien Tars Hoi et le Guyanais Antino Pansa) dont l’agilité et la maîtrise du fil mou épatent.
Ce numéro se révèle certes l’un des plus marquants du spectacle. Citons aussi l’élégant et impressionnant duo de suspension capillaire de Charlotte O’Sullivan et de Penelope Scheidler, véritables fakirs contemporaines. Si l’on ne savait que l’une est canadienne et l’autre, autrichienne, on jurerait voir des jumelles stellaires attachées à une matrice imaginaire flottant dans l’espace, non par des cordons ombilicaux, mais bien par leurs chevelures, qu’elles unissent l’une à l’autre à l’aide d’anneaux et de crochets. Les contorsions du Congolais Strauss Serpent, qui disloque ses épaules à volonté, donnent aussi la chair de poule.
La virtuosité n’étant pas une denrée rare au Cirque du Soleil, on sera, en outre, soufflé·e par les exploits de jeux icariens du duo éthiopien formé par Abiy Negash et Seife Buser. Le voltigeur virevolte allègrement, tandis que son porteur, sur le dos, ne manque jamais de le rattraper… avec ses pieds. D’autres prestations s’avèrent fort habiles, sans toutefois réinventer leurs disciplines respectives. C’est hélas le cas du dernier numéro, présentant trois planches coréennes côte à côte. Heureusement, le tableau final, avec ses projections et ses créatures animalières, achève le spectacle de belle façon.
On aura compris que ce n’est pas pour la richesse de sa trame narrative qu’on ira voir Echo. Ni pour découvrir une nouvelle vision du cirque contemporain. Ce que propose ce spectacle, ce sont des prouesses physiques, souvent époustouflantes – même les clowns ébahissent par leurs numéros d’équilibre avec des empilades de boîtes de carton – et une esthétique générale – incluant une superbe marionnette géante d’une huitaine de mètres environ – qui ravit l’œil. Un plaisir sémillant qu’il serait bien triste de bouder.
Texte et mise en scène : Mukhtar Omar Sharif Mukhtar. Direction de création : Chantal Tremblay. Costumes : Nicolas Vaudelet. Musique : Jade Pybus, Andy Theakstone et Hugo Montecristo. Consultation musicale : Thierry Angers. Conception sonore : Jacques Boucher. Éclairages : Martin Labrecque. Projections : Jérôme Delapierre. Conception des performances acrobatiques : Daniel Cola. Conception des appareils acrobatiques : Jaque Paquin. Chorégraphies : Andrew Skeels. Chorégraphies acrobatiques : John Cartin. Maquillages : Julio Cesar Da Sylveira. Direction d’orchestre : Micheal Liberman. Interprétation musicale : Edyta Krzemien, Jonathan Stombres, Pascale Brigitte Boilard, Lizzy Munson, Anna Follia Jordan et Agata Kruszewska. Avec Louana Seclet, Philippe Dupuis, Piotr Kopacz, Clément Malin, Caio Sorana, Strauss Serpent, Taras Hoi, Antino Pansa, Charlotte O’Sullivan, Penelope Elena Scheidler, Seife Desta Buser, Abiy Saleamlak Negash, Taye Gebeyehu Yemam, Sammy Mededu Mohammed, Yared Wolde Chraga, Asnake Shimelis Dinberu, Abel Matiyas Disasa, Teka Bacha Debele, Abeselom Demeke Kebede, Bruktawit Lijalem Wondiyfraw, Hayder Nuredin Badeg, Getaw Mamo Tekeda, Getnet Feleke Ayele, Lucas Coelho Costa, Neal Courter, Ethan Lottman, Ivan Tushnov, Iana Lebedeva, Denis Degtyarev, Lucas Matias Suarez, Aleksandr Zebrov, Thomas Leask, Campbell Clarke, Joseph McAdam, Cooper Ayton, Luan De Souza Vieira Pretko, Daniel Alejandro Aguilar Briceno, Maxim Laurin, Alexey Ozerov et Sergey Ozerov. Une production du Cirque du Soleil, présentée au Grand Chapiteau du Vieux-Port jusqu’au 20 août 2023.
Avant que quelque mouvement ait habité la scène, l’on entend le personnage principal d’Echo se présenter. Elle se nomme Future et nous rappelle que « les actions les plus petites peuvent avoir un grand impact ». On craint alors le pire, soit un spectacle moralisateur, au contenu « conscientisant » cousu de fil blanc. Or il n’en sera rien. Au contraire, il serait sans doute ardu de deviner – si on ne le sait pas à l’avance – que la toute dernière création en chapiteau du Cirque du Soleil parle de créer un nouveau monde, de notre relation avec la nature, tant la part dramaturgique de la production apparaît diffuse.
Le public est plutôt face à un enchaînement de numéros circassiens de haute voltige, sis dans un univers fantasmagorique, où la fumée succède au feu, où les animaux sont à moitié humains et où des lucioles surdimensionnées volent au-dessus des spectateurs et spectatrices. Et, à ce titre, le spectacle s’avère très réussi.
Il va sans dire que les costumes, tel que le commande la tradition cirque-du-soleillienne, jouent un rôle cardinal dans l’esthétique de l’œuvre orchestrée par le metteur en scène Mukhtar Omar Sharif Mukhtar. Notons que le complet y règne avec superbe. Celui-ci se montre vivement pigmenté (ou mi-blanc, mi-coloré) pour certain·es, tandis qu’il s’affiche d’une blancheur immaculée pour les personnages d’animaux. Il est alors complété par une tête, dont la texture évoque celle du papier, où chaque bête (aigle, lion, lama, éléphant, gazelle, perroquet…) est parfaitement identifiable. Cette faune ne cesse de fasciner, notamment lorsqu’elle s’anime en mouvements de groupe.
Indéniable maestria
Concourt aussi à cette ambiance onirique la musique, tantôt festive tantôt épique, interprétée en direct par des musicien·nes et des chanteuses. Les projections, aux habiles effets optiques, participent également à nourrir l’émerveillement qui règne sous le Grand chapiteau érigé dans le Vieux-Port de Montréal. Celles-ci ont pour écran un cube gigantesque qui avance, recule, pivote – ce qui permet d’exploiter optimalement le potentiel de la scène circulaire –, se perce de trous et va jusqu’à se départir de quatre de ses faces, pour ne garder que ses arêtes, son sol et son toit. Ce pavillon ajouré, cerné d’authentiques flammes, servira d’aire de jeu à deux fildeféristes (l’Ukrainien Tars Hoi et le Guyanais Antino Pansa) dont l’agilité et la maîtrise du fil mou épatent.
Ce numéro se révèle certes l’un des plus marquants du spectacle. Citons aussi l’élégant et impressionnant duo de suspension capillaire de Charlotte O’Sullivan et de Penelope Scheidler, véritables fakirs contemporaines. Si l’on ne savait que l’une est canadienne et l’autre, autrichienne, on jurerait voir des jumelles stellaires attachées à une matrice imaginaire flottant dans l’espace, non par des cordons ombilicaux, mais bien par leurs chevelures, qu’elles unissent l’une à l’autre à l’aide d’anneaux et de crochets. Les contorsions du Congolais Strauss Serpent, qui disloque ses épaules à volonté, donnent aussi la chair de poule.
La virtuosité n’étant pas une denrée rare au Cirque du Soleil, on sera, en outre, soufflé·e par les exploits de jeux icariens du duo éthiopien formé par Abiy Negash et Seife Buser. Le voltigeur virevolte allègrement, tandis que son porteur, sur le dos, ne manque jamais de le rattraper… avec ses pieds. D’autres prestations s’avèrent fort habiles, sans toutefois réinventer leurs disciplines respectives. C’est hélas le cas du dernier numéro, présentant trois planches coréennes côte à côte. Heureusement, le tableau final, avec ses projections et ses créatures animalières, achève le spectacle de belle façon.
On aura compris que ce n’est pas pour la richesse de sa trame narrative qu’on ira voir Echo. Ni pour découvrir une nouvelle vision du cirque contemporain. Ce que propose ce spectacle, ce sont des prouesses physiques, souvent époustouflantes – même les clowns ébahissent par leurs numéros d’équilibre avec des empilades de boîtes de carton – et une esthétique générale – incluant une superbe marionnette géante d’une huitaine de mètres environ – qui ravit l’œil. Un plaisir sémillant qu’il serait bien triste de bouder.
Echo
Texte et mise en scène : Mukhtar Omar Sharif Mukhtar. Direction de création : Chantal Tremblay. Costumes : Nicolas Vaudelet. Musique : Jade Pybus, Andy Theakstone et Hugo Montecristo. Consultation musicale : Thierry Angers. Conception sonore : Jacques Boucher. Éclairages : Martin Labrecque. Projections : Jérôme Delapierre. Conception des performances acrobatiques : Daniel Cola. Conception des appareils acrobatiques : Jaque Paquin. Chorégraphies : Andrew Skeels. Chorégraphies acrobatiques : John Cartin. Maquillages : Julio Cesar Da Sylveira. Direction d’orchestre : Micheal Liberman. Interprétation musicale : Edyta Krzemien, Jonathan Stombres, Pascale Brigitte Boilard, Lizzy Munson, Anna Follia Jordan et Agata Kruszewska. Avec Louana Seclet, Philippe Dupuis, Piotr Kopacz, Clément Malin, Caio Sorana, Strauss Serpent, Taras Hoi, Antino Pansa, Charlotte O’Sullivan, Penelope Elena Scheidler, Seife Desta Buser, Abiy Saleamlak Negash, Taye Gebeyehu Yemam, Sammy Mededu Mohammed, Yared Wolde Chraga, Asnake Shimelis Dinberu, Abel Matiyas Disasa, Teka Bacha Debele, Abeselom Demeke Kebede, Bruktawit Lijalem Wondiyfraw, Hayder Nuredin Badeg, Getaw Mamo Tekeda, Getnet Feleke Ayele, Lucas Coelho Costa, Neal Courter, Ethan Lottman, Ivan Tushnov, Iana Lebedeva, Denis Degtyarev, Lucas Matias Suarez, Aleksandr Zebrov, Thomas Leask, Campbell Clarke, Joseph McAdam, Cooper Ayton, Luan De Souza Vieira Pretko, Daniel Alejandro Aguilar Briceno, Maxim Laurin, Alexey Ozerov et Sergey Ozerov. Une production du Cirque du Soleil, présentée au Grand Chapiteau du Vieux-Port jusqu’au 20 août 2023.