La nef offre une liturgie sans paroles où les temps s’enchaînent avec solennité. Dans une Usine C transformée en temple pour l’occasion, le décor d’une opulente sobriété compose un ensemble à la fois exotique et familier. Aucun élément ne brise la symétrie du lieu sacré, et les lignes épurées de l’autel surélevé qui en occupe le centre sont parfaitement perpendiculaires aux colonnes de lumière projetées sur les musiciens occupant les quatre coins de la salle.
Le grand prêtre de cette cérémonie, c’est Cédric Delorme-Bouchard, directeur artistique de Chambre noire, qui coproduit avec Ballet-Opéra-Pantomime (BOP) le troisième volet d’un triptyque entamé il y a quelques années (Lamelles, 2018 et Intérieur, 2022).
La troupe de BOP, une compagnie centrée sur la musique classique et contemporaine, donne à La Nef sa charpente de chair et de son. Cette deuxième collaboration entre BOP et Delorme-Bouchard se tourne encore une fois vers le compositeur français Olivier Messiaen et son œuvre musicale contemporaine. Lui-même organiste et musicologue, fervent catholique influencé par Debussy, par les rythmes de l’Inde et de l’Europe médiévales ainsi que par les chants d’oiseaux, Messiaen se voit ici arrangé et mis en scène de façon grandiose.
Quatre pianos à queue, rien de moins, délimitent l’espace scénique – autant d’organes qui donnent l’impulsion à toute l’action. Le préambule de la performance leur appartient entièrement et permet au public d’apprivoiser cette musique méconnue avant d’appréhender les éléments visuels et le spectacle dans son ensemble. D’un piano à l’autre, les mélodies s’érigent seules puis se rencontrent, dissonent, se contrarient en contrepoint pour finir par se nicher au creux les unes des autres en de réconfortantes, mais fugitives harmonies.
Fugues et fulgurances
Huit danseur·ses naviguent au fil de cette musique atemporelle. De solo en monologue, chaque interprète cède sa place sous la pyramide de lumière à celle ou celui qui suit, qui de bonne grâce, qui à son corps défendant. Ces ballerines et ces funambules, ces derviches et ces baladins se meuvent en une gestuelle languide ou enflammée, usant de leur ombre éloquente pour ponctuer leur danse. Pas de communauté dans cet ensemble d’individus; les rencontres sont brèves et peu fructueuses, et lorsqu’il y a communication, c’est sous forme d’écho ou de miroir – sans interaction et sans réponse. Par leurs trajectoires toujours parallèles, ils et elles expriment la grande solitude de ces corps qui cherchent la lumière.
Chacun des courts tableaux crée une atmosphère bien particulière où la chorégraphie, l’éclairage et le son combinés évoquent tantôt un printemps doré baigné de miel et d’érotisme, tantôt une froide enceinte tendant vers l’ultraviolet, tantôt encore un demi-jour bleuté où palpitent les ailes et les tambours.
Delorme-Bouchard, prolifique concepteur lumière, scénographe et metteur en scène, place une fois de plus la lumière au centre – littéralement – du spectacle. La surface de la scène, placée de façon à ce que le public la voie sans faire de contorsion, fait office d’écran horizontal qui ajoute à l’éclairage proprement dit les éléments d’un décor intangible mais bien visible. Découpages, cadrages, motifs futuristes ou ludiques, ces images mobiles prolongent et contextualisent les mouvements des danseur·ses qui évoluent à l’intérieur.
Dans le ballet des corps et dans les éclairages changeants, on peut se demander si la nef dont il est question ici n’est pas davantage celle d’un grand voilier, où chaque membre de l’équipage affairé joue un rôle bien précis, et dont les voiles sans cesse en mouvement modulent la luminosité du jour. Mais le spectacle préserve, dans ses tableaux les plus doux, le caractère sacré qui, comme sous la voûte d’une cathédrale, s’immisce par la lumière que filtrent ses vitraux colorés et par les accords de ses grandes orgues.
Mise en scène, lumière et scénographie : Cédric Delorme-Bouchard. Musiques : Olivier Messiaen, Alexis Raynault et Sophie Dupuis. Direction musicale et arrangements : Hubert Tanguay-Labrosse. Pianistes : Samuel Blanchette-Gagnon, Isabelle David, Mehdi Ghazi et Gaspard Tanguay-Labrosse. Mouvement : Danielle Lecourtois. Ritualiste : Christelle Franca. Conception vidéo et intégration : Samuel Boucher. Dramaturgie vidéo : Cédric Delorme-Bouchard et Samuel Boucher. Conception costumes : Camille Jupa. Direction technique : Jenny Huot. Sonorisation : Nataq Huault. Avec David Albert-Toth, Leslie Baker, Marc Boivin, Mélanie Chouinard, Jennyfer Desbiens, Myriam Foisy, Lucie Grégoire et Emmanuel Proulx. Une coproduction de Chambre noire et Ballet Opéra Pantomime, présentée à l’Usine C du 12 au 17 mai 2023.
La nef offre une liturgie sans paroles où les temps s’enchaînent avec solennité. Dans une Usine C transformée en temple pour l’occasion, le décor d’une opulente sobriété compose un ensemble à la fois exotique et familier. Aucun élément ne brise la symétrie du lieu sacré, et les lignes épurées de l’autel surélevé qui en occupe le centre sont parfaitement perpendiculaires aux colonnes de lumière projetées sur les musiciens occupant les quatre coins de la salle.
Le grand prêtre de cette cérémonie, c’est Cédric Delorme-Bouchard, directeur artistique de Chambre noire, qui coproduit avec Ballet-Opéra-Pantomime (BOP) le troisième volet d’un triptyque entamé il y a quelques années (Lamelles, 2018 et Intérieur, 2022).
La troupe de BOP, une compagnie centrée sur la musique classique et contemporaine, donne à La Nef sa charpente de chair et de son. Cette deuxième collaboration entre BOP et Delorme-Bouchard se tourne encore une fois vers le compositeur français Olivier Messiaen et son œuvre musicale contemporaine. Lui-même organiste et musicologue, fervent catholique influencé par Debussy, par les rythmes de l’Inde et de l’Europe médiévales ainsi que par les chants d’oiseaux, Messiaen se voit ici arrangé et mis en scène de façon grandiose.
Quatre pianos à queue, rien de moins, délimitent l’espace scénique – autant d’organes qui donnent l’impulsion à toute l’action. Le préambule de la performance leur appartient entièrement et permet au public d’apprivoiser cette musique méconnue avant d’appréhender les éléments visuels et le spectacle dans son ensemble. D’un piano à l’autre, les mélodies s’érigent seules puis se rencontrent, dissonent, se contrarient en contrepoint pour finir par se nicher au creux les unes des autres en de réconfortantes, mais fugitives harmonies.
Fugues et fulgurances
Huit danseur·ses naviguent au fil de cette musique atemporelle. De solo en monologue, chaque interprète cède sa place sous la pyramide de lumière à celle ou celui qui suit, qui de bonne grâce, qui à son corps défendant. Ces ballerines et ces funambules, ces derviches et ces baladins se meuvent en une gestuelle languide ou enflammée, usant de leur ombre éloquente pour ponctuer leur danse. Pas de communauté dans cet ensemble d’individus; les rencontres sont brèves et peu fructueuses, et lorsqu’il y a communication, c’est sous forme d’écho ou de miroir – sans interaction et sans réponse. Par leurs trajectoires toujours parallèles, ils et elles expriment la grande solitude de ces corps qui cherchent la lumière.
Chacun des courts tableaux crée une atmosphère bien particulière où la chorégraphie, l’éclairage et le son combinés évoquent tantôt un printemps doré baigné de miel et d’érotisme, tantôt une froide enceinte tendant vers l’ultraviolet, tantôt encore un demi-jour bleuté où palpitent les ailes et les tambours.
Delorme-Bouchard, prolifique concepteur lumière, scénographe et metteur en scène, place une fois de plus la lumière au centre – littéralement – du spectacle. La surface de la scène, placée de façon à ce que le public la voie sans faire de contorsion, fait office d’écran horizontal qui ajoute à l’éclairage proprement dit les éléments d’un décor intangible mais bien visible. Découpages, cadrages, motifs futuristes ou ludiques, ces images mobiles prolongent et contextualisent les mouvements des danseur·ses qui évoluent à l’intérieur.
Dans le ballet des corps et dans les éclairages changeants, on peut se demander si la nef dont il est question ici n’est pas davantage celle d’un grand voilier, où chaque membre de l’équipage affairé joue un rôle bien précis, et dont les voiles sans cesse en mouvement modulent la luminosité du jour. Mais le spectacle préserve, dans ses tableaux les plus doux, le caractère sacré qui, comme sous la voûte d’une cathédrale, s’immisce par la lumière que filtrent ses vitraux colorés et par les accords de ses grandes orgues.
La nef
Mise en scène, lumière et scénographie : Cédric Delorme-Bouchard. Musiques : Olivier Messiaen, Alexis Raynault et Sophie Dupuis. Direction musicale et arrangements : Hubert Tanguay-Labrosse. Pianistes : Samuel Blanchette-Gagnon, Isabelle David, Mehdi Ghazi et Gaspard Tanguay-Labrosse. Mouvement : Danielle Lecourtois. Ritualiste : Christelle Franca. Conception vidéo et intégration : Samuel Boucher. Dramaturgie vidéo : Cédric Delorme-Bouchard et Samuel Boucher. Conception costumes : Camille Jupa. Direction technique : Jenny Huot. Sonorisation : Nataq Huault. Avec David Albert-Toth, Leslie Baker, Marc Boivin, Mélanie Chouinard, Jennyfer Desbiens, Myriam Foisy, Lucie Grégoire et Emmanuel Proulx. Une coproduction de Chambre noire et Ballet Opéra Pantomime, présentée à l’Usine C du 12 au 17 mai 2023.