Bronx Gothic, créé en 2014, est une pièce emblématique de la carrière de la chorégraphe et écrivaine new-yorkaise d’origine nigériane Okwui Okpokwasili. Celle-ci l’a interprété pendant plusieurs années avant de passer le flambeau à l’artiste Wanjiru Kamuyu, puissante dans cette création hybride. À l’image de l’ensemble de l’œuvre de la chorégraphe, Bronx Gothic est un objet multidisciplinaire à la fois intime et politique qui n’hésite pas à s’attaquer à nos œillères.
Spectacle multidisciplinaire, car l’on retrouve cet échange épistolaire en partie fictif entre deux jeunes filles noires campées dans le Bronx des années 80, mais également du chant et de la performance. Pendant la première demi-heure, Wanjiru Kamuyu, debout dans un coin de la scène entourée de rideaux blancs de chaque côté, évoquant l’intimité d’une chambre, tremble. Encore et encore. Ce corps de femme sans visage pris de spasmes évoque le traumatisme continuel et intergénérationnel et nous le projette en plein visage dans ce qui devient une spirale hypnotique.
Ce début audacieux, qui ne fait que transmettre ce que maintes femmes noires portent en elles comme violences systémiques, cède subitement la place à la parole de ces deux enfants qui s’échangent des lettres dans un langage cru et imagé, à travers des mots marqués par la violence de leur condition. Wanjiru Kamuyu incarne avec adresse cette narration initiatique qui touche à la sexualité, à la haine internalisée, à l’image corporelle, aux violences sexuelles et qui dévoile en arrière-plan une sororité maudite.
Ces deux protagonistes sont différenciés par un changement de ton dans la voix de l’interprète, mais également par des caractères assez distincts dans leur prise de parole. Toutefois, l’enchaînement du récit insère parfois le doute de la dissociation d’identité, comme si les insultes qu’elles se proféraient l’une envers l’autre relevaient plutôt de la dévalorisation de soi. Les petites filles noires qui se regardent dans le miroir ne voient que ce que la société leur projette : qu’elles ne seront jamais assez.
Pour balancer ce va-et-vient, Wanjiru Kamuyu entonne parfois le chant, nous permettant ainsi de reprendre notre souffle. Cela ajoute une touche lumineuse dans un spectacle qui est exigeant et qui n’a pas à s’excuser de l’être. L’œuvre raconte une violence cyclique, ce qui la rend d’actualité et qui explique qu’elle a été autant reprise depuis sa création. En même temps, dans le fait qu’il y a eu une passation dans l’interprétation, elle raconte également qu’il n’y a pas que le traumatisme qui peut être transmis. La réappropriation de soi, aussi, fait partie de l’héritage.
Texte et chansons originales : Okwui Okpokwasili. Performance : par Wanjiru Kamuyu. Mise en scène, scénographie et lumières : Peter Born. Musique : Peter Born et Okwui Okpokwasili. Remerciements : Veronica Okeke. Conseil son : Philip White. Opération des surtitres : Karyne Doucet-Larouche. Une production de Sweat Variant, présentée à l’Édifice Wilder – Espace Danse dans le cadre du Festival TransAmériques du 6 au 8 juin 2023.
Bronx Gothic, créé en 2014, est une pièce emblématique de la carrière de la chorégraphe et écrivaine new-yorkaise d’origine nigériane Okwui Okpokwasili. Celle-ci l’a interprété pendant plusieurs années avant de passer le flambeau à l’artiste Wanjiru Kamuyu, puissante dans cette création hybride. À l’image de l’ensemble de l’œuvre de la chorégraphe, Bronx Gothic est un objet multidisciplinaire à la fois intime et politique qui n’hésite pas à s’attaquer à nos œillères.
Spectacle multidisciplinaire, car l’on retrouve cet échange épistolaire en partie fictif entre deux jeunes filles noires campées dans le Bronx des années 80, mais également du chant et de la performance. Pendant la première demi-heure, Wanjiru Kamuyu, debout dans un coin de la scène entourée de rideaux blancs de chaque côté, évoquant l’intimité d’une chambre, tremble. Encore et encore. Ce corps de femme sans visage pris de spasmes évoque le traumatisme continuel et intergénérationnel et nous le projette en plein visage dans ce qui devient une spirale hypnotique.
Ce début audacieux, qui ne fait que transmettre ce que maintes femmes noires portent en elles comme violences systémiques, cède subitement la place à la parole de ces deux enfants qui s’échangent des lettres dans un langage cru et imagé, à travers des mots marqués par la violence de leur condition. Wanjiru Kamuyu incarne avec adresse cette narration initiatique qui touche à la sexualité, à la haine internalisée, à l’image corporelle, aux violences sexuelles et qui dévoile en arrière-plan une sororité maudite.
Ces deux protagonistes sont différenciés par un changement de ton dans la voix de l’interprète, mais également par des caractères assez distincts dans leur prise de parole. Toutefois, l’enchaînement du récit insère parfois le doute de la dissociation d’identité, comme si les insultes qu’elles se proféraient l’une envers l’autre relevaient plutôt de la dévalorisation de soi. Les petites filles noires qui se regardent dans le miroir ne voient que ce que la société leur projette : qu’elles ne seront jamais assez.
Pour balancer ce va-et-vient, Wanjiru Kamuyu entonne parfois le chant, nous permettant ainsi de reprendre notre souffle. Cela ajoute une touche lumineuse dans un spectacle qui est exigeant et qui n’a pas à s’excuser de l’être. L’œuvre raconte une violence cyclique, ce qui la rend d’actualité et qui explique qu’elle a été autant reprise depuis sa création. En même temps, dans le fait qu’il y a eu une passation dans l’interprétation, elle raconte également qu’il n’y a pas que le traumatisme qui peut être transmis. La réappropriation de soi, aussi, fait partie de l’héritage.
Bronx Gothic
Texte et chansons originales : Okwui Okpokwasili. Performance : par Wanjiru Kamuyu. Mise en scène, scénographie et lumières : Peter Born. Musique : Peter Born et Okwui Okpokwasili. Remerciements : Veronica Okeke. Conseil son : Philip White. Opération des surtitres : Karyne Doucet-Larouche. Une production de Sweat Variant, présentée à l’Édifice Wilder – Espace Danse dans le cadre du Festival TransAmériques du 6 au 8 juin 2023.