« J’ai quitté Kinshasa en première classe ». Dès le début de Nzinga, Tatiana Zinga Botao, en solo sur une scène dépouillée, distille habilement une cordialité provocatrice qui pique, informe et bouscule à la fois. Actuellement en résidence de création au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui, le Théâtre de la Sentinelle, qu’elle codirige avec Lyndz Dantiste et Philippe Racine, caresse l’ambition de « normaliser la représentation diverse dans la sphère théâtrale pour renforcer la relève artistique des personnes racisées ». Et c’est en effet une belle prise de parole que celle de cette femme noire, immigrante, congolaise et québécoise, qui met en scène la richesse de son tracé biographique complexe.
Le texte d’Alexis Diamond et de Marie Louise Bibish Mumbum, avec la collaboration de la comédienne, tisse la trame des passés coloniaux, anciens et récents, de son pays d’origine, la République démocratique du Congo, sur laquelle est brodé le récit d’une filiation spirituelle avec une reine des siècles passés. D’emblée, la question qui résonnera d’un bout à l’autre du spectacle est posée : « Tu viens d’où ? ». Véritable moteur du spectacle, la phrase se moulera au récit et à la performance, empruntant différentes tonalités et des sens multiples.
D’une reine l’autre
Dans son monologue dynamique, au débit un peu précipité, Tatiana Zinga Botao montre une autre réalité que celle de la misère qui domine le discours sur l’Afrique subsaharienne. « On peut tout prendre à un peuple sauf ses ancêtres », assène-t-elle, et c’est justement d’ancêtres, ou plus exactement de prédécesseurs dont il est question dans ce spectacle. Elle y présente la vie et l’illustre carrière de son homonyme du XVIe siècle, Nzinga Mbandi, reine du Ndongo et du Matamba. Cette remarquable figure de résistance africaine au colonialisme est encore glorifiée par les Congolais, sa statue érigée triomphalement au beau milieu de la capitale. Diplomate, dirigeante et stratège militaire, la reine Nzinga a tenu tête aux Portugais. Nzinga et Zinga sont ainsi mises en parallèle face à l’implacable pouvoir de « civilisation », dont les femmes sont bien souvent les victimes principales. Sur le plan individuel, se civiliser, c’est aussi lisser sa personne, se ranger, devenir raisonnable — en somme, se rendre éminemment « mariable ».
Le spectacle fait découvrir à son public un Congo en dehors des grands titres de l’actualité. Au moyen de musique, d’expressions, de légendes et d’anecdotes sympathiques, il construit un récit en amont des crises des migrants, des grandes minières et des scandales de corruption qui constituent, malheureusement, les facettes de la région les plus connues du public occidental. Il peint le portrait d’un peuple fier et bon vivant, dont le respect de la parole donnée et l’hommage aux ancêtres forment les valeurs fondamentales. Ces illustrations ont l’avantage d’égayer le ton un tant soit peu didactique qui prend parfois le dessus, cartes géographiques à l’appui.
La mise en scène d’Albertine M. Itela oblige les spectateurs et les spectatrices à considérer la comédienne, et son propos, sous différents angles. Comme d’autres avant elle — on pensera notamment aux enquêteurs génétiques de L.U.C.A., spectacle présenté dans le cadre du festival Phénomena, qui intégraient les confidences de membres du public dans leur narration — Tatiana Zinga Botao s’assure de mettre le dialogue au centre du discours identitaire. Le public est mis à contribution, à la fois cajolé et apostrophé, pour démontrer l’importance relative de la filiation et l’origine commune de chaque humain : le ventre de sa mère.
Texte : Alexis Diamond et Marie Louise Bibish Mumbu avec la collaboration de Tatiana Zinga Botao. Mise en scène : Albertine M. Itela. Assistance à la mise en scène : Josianne Dulong-Savignac. Scénographie : Xavier Mary. Lumière : Valérie Bourque. Environnement sonore : Larsen Lupin. Vidéo : Joy Boissière. Costumes : Ange Blédja Kouassi. Mouvement : Claudia Chan Tak. Maquillages : Audrey Toulouse. Peinture scénique : Véronique Pagnoux. Intégration vidéo : Vladimir Cara. Régie : Ariane Brière. Direction de production : Marie-Christine Martel. Direction technique : Xavier Côté. Avec Tatiana Zinga Botao. Une production du Théâtre de la Sentinelle, présentée au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui jusqu’au 25 novembre 2023.
« J’ai quitté Kinshasa en première classe ». Dès le début de Nzinga, Tatiana Zinga Botao, en solo sur une scène dépouillée, distille habilement une cordialité provocatrice qui pique, informe et bouscule à la fois. Actuellement en résidence de création au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui, le Théâtre de la Sentinelle, qu’elle codirige avec Lyndz Dantiste et Philippe Racine, caresse l’ambition de « normaliser la représentation diverse dans la sphère théâtrale pour renforcer la relève artistique des personnes racisées ». Et c’est en effet une belle prise de parole que celle de cette femme noire, immigrante, congolaise et québécoise, qui met en scène la richesse de son tracé biographique complexe.
Le texte d’Alexis Diamond et de Marie Louise Bibish Mumbum, avec la collaboration de la comédienne, tisse la trame des passés coloniaux, anciens et récents, de son pays d’origine, la République démocratique du Congo, sur laquelle est brodé le récit d’une filiation spirituelle avec une reine des siècles passés. D’emblée, la question qui résonnera d’un bout à l’autre du spectacle est posée : « Tu viens d’où ? ». Véritable moteur du spectacle, la phrase se moulera au récit et à la performance, empruntant différentes tonalités et des sens multiples.
D’une reine l’autre
Dans son monologue dynamique, au débit un peu précipité, Tatiana Zinga Botao montre une autre réalité que celle de la misère qui domine le discours sur l’Afrique subsaharienne. « On peut tout prendre à un peuple sauf ses ancêtres », assène-t-elle, et c’est justement d’ancêtres, ou plus exactement de prédécesseurs dont il est question dans ce spectacle. Elle y présente la vie et l’illustre carrière de son homonyme du XVIe siècle, Nzinga Mbandi, reine du Ndongo et du Matamba. Cette remarquable figure de résistance africaine au colonialisme est encore glorifiée par les Congolais, sa statue érigée triomphalement au beau milieu de la capitale. Diplomate, dirigeante et stratège militaire, la reine Nzinga a tenu tête aux Portugais. Nzinga et Zinga sont ainsi mises en parallèle face à l’implacable pouvoir de « civilisation », dont les femmes sont bien souvent les victimes principales. Sur le plan individuel, se civiliser, c’est aussi lisser sa personne, se ranger, devenir raisonnable — en somme, se rendre éminemment « mariable ».
Le spectacle fait découvrir à son public un Congo en dehors des grands titres de l’actualité. Au moyen de musique, d’expressions, de légendes et d’anecdotes sympathiques, il construit un récit en amont des crises des migrants, des grandes minières et des scandales de corruption qui constituent, malheureusement, les facettes de la région les plus connues du public occidental. Il peint le portrait d’un peuple fier et bon vivant, dont le respect de la parole donnée et l’hommage aux ancêtres forment les valeurs fondamentales. Ces illustrations ont l’avantage d’égayer le ton un tant soit peu didactique qui prend parfois le dessus, cartes géographiques à l’appui.
La mise en scène d’Albertine M. Itela oblige les spectateurs et les spectatrices à considérer la comédienne, et son propos, sous différents angles. Comme d’autres avant elle — on pensera notamment aux enquêteurs génétiques de L.U.C.A., spectacle présenté dans le cadre du festival Phénomena, qui intégraient les confidences de membres du public dans leur narration — Tatiana Zinga Botao s’assure de mettre le dialogue au centre du discours identitaire. Le public est mis à contribution, à la fois cajolé et apostrophé, pour démontrer l’importance relative de la filiation et l’origine commune de chaque humain : le ventre de sa mère.
Nzinga
Texte : Alexis Diamond et Marie Louise Bibish Mumbu avec la collaboration de Tatiana Zinga Botao. Mise en scène : Albertine M. Itela. Assistance à la mise en scène : Josianne Dulong-Savignac. Scénographie : Xavier Mary. Lumière : Valérie Bourque. Environnement sonore : Larsen Lupin. Vidéo : Joy Boissière. Costumes : Ange Blédja Kouassi. Mouvement : Claudia Chan Tak. Maquillages : Audrey Toulouse. Peinture scénique : Véronique Pagnoux. Intégration vidéo : Vladimir Cara. Régie : Ariane Brière. Direction de production : Marie-Christine Martel. Direction technique : Xavier Côté. Avec Tatiana Zinga Botao. Une production du Théâtre de la Sentinelle, présentée au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui jusqu’au 25 novembre 2023.