Le plus récent opus du Cirque Éloize a été créé l’été dernier à Havre-Aubert, aux Îles-de-la-Madeleine. Cette singulière région est d’ailleurs le cœur battant du spectacle. Au rythme des chansons à la résonance traditionnelle du groupe madelinot Suroît, interprétées en direct sur scène, des numéros circassiens s’enchevêtrent à la trame narrative tissée avec une irrésistible faconde par le conteur Cédric Landry, compatriote du trio de musiciens. Lançons-le d’emblée : ce spectacle absolument charmant et regorgeant d’âme s’avère une franche réussite.
Landry s’adresse à l’auditoire en toute simplicité, toujours avec un brin d’humour qu’il sait agilement éviter de trop appuyer, s’exprimant sur les différents accents présents dans l’archipel, sur la démarche des insulaires, habitués à lutter contre le vent, puis racontant quelques légendes campées dans la glace et au milieu des bourrasques éoliennes. La musique, tantôt entraînante, tantôt lancinante, de Suroît, alliant différents instruments à cordes à l’accordéon et à l’harmonica, évoquent la faune marine et les éléments de la nature, tandis que l’environnement sonore étoffe l’ambiance de quelques bruits de vagues et de goélands. Tout concourt donc à ce qu’on en vienne prestement à oublier qu’on se trouve dans l’immense salle Maisonneuve de la Place des Arts. Il ne s’agit pas là d’un mince exploit.
C’est précisément la cohésion exceptionnelle – qui a fait la marque des grands succès de la compagnie orchestrée par Jeannot Painchaud, pensons à Saloon, par exemple – entre toutes les composantes d’Entre Ciel et Mer qui lui permet de transporter le public dans un univers exhaustif, fascinant et éminemment chaleureux. Une brillante mise en scène de Michel-Maxime Legault – qui signe aussi celle de la pièce Le Roi danse, actuellement présentée au Théâtre Denise-Pelletier –, dont Félix Dagenais a ensuite pris la relève. S’y révèle particulièrement admirable l’habilité du dosage entre ces divers éléments qui jamais ne se cannibalisent. Il n’y a guère de second violon dans cet harmonieux amalgame où les disciplines s’unissent de façon organique et féconde plutôt que de se passer le relais. Certains numéros circassiens se superposent même aux interventions narratives, ce qui bonifie l’effet des uns et des autres.
Ainsi, des acrobaties au mât chinois ponctuent l’histoire d’une église en bois ayant dû être construite trois fois à la suite de deux incendies subséquents. Cette approche atteint un résultat encore plus achevé dans un tableau sur le temps et le sens de la vie, où se côtoient le conteur et l’artiste Cléa Perion à la roue Cyr. Non seulement cet enchaînement de circonvolutions captive-t-il par sa beauté, mais on peut en outre y voir une métaphore du propos du conteur : un cercle qui tourne inexorablement jusqu’à ce qu’il s’arrête pour de bon, à l’intérieur duquel un être humain tente de s’accomplir.
Tous pour un
Il est sans doute heureux que les prestations circassiennes s’inscrivent dans une proposition artistique si riche, car, de façon générale, il faut bien admettre qu’elles ne s’avèrent pas des plus novatrices. Les amateurs et amatrices aguerri·es d’arts du cirque y retrouveront des suites de mouvements plutôt usités. On appréciera tout de même la vigueur du numéro de cerceau aérien de Florence Amar, ainsi que la joliesse de sa chorégraphie au tissu, dans laquelle elle campe une mariée fort expressive. C’est d’ailleurs coiffée de son gréement, faisant office de voile nuptiale, qu’elle entrera sur scène.
Il importe de le souligner : les costumes de Mireille Vachon, les éclairages de Robin Kittel Ouimet – un demi-cercle en fond de scène prenant diverses teintes vibrantes, du bleu céruléen au violet byzantin en passant par moult nuances d’orangé – de même que la scénographie de Mario Bouchard (une maisonnette de bois aux multiples usages) participent largement à la cohérence et à l’efficacité de la production, de même qu’à son atmosphère cordiale et pittoresque suscitant juste ce qu’il faut de dépaysement pour que l’on ait envie de prolonger le voyage.
Texte : Cédric Landry. Mise en scène : Michel-Maxime Legault. Mise en scène associée : Félix Dagenais. Musique : Suroît. Arrangements et direction musicale : Cédric Dind-Lavoie. Chorégraphies : Julie Pérron. Scénographie : Mario Bouchard. Costumes : Mireille Vachon. Maquillages et coiffures : Justine Denoncourt. Éclairages : Robin Kittel Ouimet. Conseils acrobatiques : Nicolas Boivin-Gravel. Masques : Pierrette Molaison. Avec Cédric Landry, Florence Amar, Esteban Immer, Amie Patching, Delaney Bayles, Matthis Guyon Matte, Cléa Perion, Henri Paul Bénard, Félix Leblanc et Simon-Charles Cyr. Une production du Cirque Éloize présenté à la salle Maisonneuve de la Place des Arts du 16 au 18 novembre 2023, puis en tournée.
Le plus récent opus du Cirque Éloize a été créé l’été dernier à Havre-Aubert, aux Îles-de-la-Madeleine. Cette singulière région est d’ailleurs le cœur battant du spectacle. Au rythme des chansons à la résonance traditionnelle du groupe madelinot Suroît, interprétées en direct sur scène, des numéros circassiens s’enchevêtrent à la trame narrative tissée avec une irrésistible faconde par le conteur Cédric Landry, compatriote du trio de musiciens. Lançons-le d’emblée : ce spectacle absolument charmant et regorgeant d’âme s’avère une franche réussite.
Landry s’adresse à l’auditoire en toute simplicité, toujours avec un brin d’humour qu’il sait agilement éviter de trop appuyer, s’exprimant sur les différents accents présents dans l’archipel, sur la démarche des insulaires, habitués à lutter contre le vent, puis racontant quelques légendes campées dans la glace et au milieu des bourrasques éoliennes. La musique, tantôt entraînante, tantôt lancinante, de Suroît, alliant différents instruments à cordes à l’accordéon et à l’harmonica, évoquent la faune marine et les éléments de la nature, tandis que l’environnement sonore étoffe l’ambiance de quelques bruits de vagues et de goélands. Tout concourt donc à ce qu’on en vienne prestement à oublier qu’on se trouve dans l’immense salle Maisonneuve de la Place des Arts. Il ne s’agit pas là d’un mince exploit.
C’est précisément la cohésion exceptionnelle – qui a fait la marque des grands succès de la compagnie orchestrée par Jeannot Painchaud, pensons à Saloon, par exemple – entre toutes les composantes d’Entre Ciel et Mer qui lui permet de transporter le public dans un univers exhaustif, fascinant et éminemment chaleureux. Une brillante mise en scène de Michel-Maxime Legault – qui signe aussi celle de la pièce Le Roi danse, actuellement présentée au Théâtre Denise-Pelletier –, dont Félix Dagenais a ensuite pris la relève. S’y révèle particulièrement admirable l’habilité du dosage entre ces divers éléments qui jamais ne se cannibalisent. Il n’y a guère de second violon dans cet harmonieux amalgame où les disciplines s’unissent de façon organique et féconde plutôt que de se passer le relais. Certains numéros circassiens se superposent même aux interventions narratives, ce qui bonifie l’effet des uns et des autres.
Ainsi, des acrobaties au mât chinois ponctuent l’histoire d’une église en bois ayant dû être construite trois fois à la suite de deux incendies subséquents. Cette approche atteint un résultat encore plus achevé dans un tableau sur le temps et le sens de la vie, où se côtoient le conteur et l’artiste Cléa Perion à la roue Cyr. Non seulement cet enchaînement de circonvolutions captive-t-il par sa beauté, mais on peut en outre y voir une métaphore du propos du conteur : un cercle qui tourne inexorablement jusqu’à ce qu’il s’arrête pour de bon, à l’intérieur duquel un être humain tente de s’accomplir.
Tous pour un
Il est sans doute heureux que les prestations circassiennes s’inscrivent dans une proposition artistique si riche, car, de façon générale, il faut bien admettre qu’elles ne s’avèrent pas des plus novatrices. Les amateurs et amatrices aguerri·es d’arts du cirque y retrouveront des suites de mouvements plutôt usités. On appréciera tout de même la vigueur du numéro de cerceau aérien de Florence Amar, ainsi que la joliesse de sa chorégraphie au tissu, dans laquelle elle campe une mariée fort expressive. C’est d’ailleurs coiffée de son gréement, faisant office de voile nuptiale, qu’elle entrera sur scène.
Il importe de le souligner : les costumes de Mireille Vachon, les éclairages de Robin Kittel Ouimet – un demi-cercle en fond de scène prenant diverses teintes vibrantes, du bleu céruléen au violet byzantin en passant par moult nuances d’orangé – de même que la scénographie de Mario Bouchard (une maisonnette de bois aux multiples usages) participent largement à la cohérence et à l’efficacité de la production, de même qu’à son atmosphère cordiale et pittoresque suscitant juste ce qu’il faut de dépaysement pour que l’on ait envie de prolonger le voyage.
Entre Ciel et Mer
Texte : Cédric Landry. Mise en scène : Michel-Maxime Legault. Mise en scène associée : Félix Dagenais. Musique : Suroît. Arrangements et direction musicale : Cédric Dind-Lavoie. Chorégraphies : Julie Pérron. Scénographie : Mario Bouchard. Costumes : Mireille Vachon. Maquillages et coiffures : Justine Denoncourt. Éclairages : Robin Kittel Ouimet. Conseils acrobatiques : Nicolas Boivin-Gravel. Masques : Pierrette Molaison. Avec Cédric Landry, Florence Amar, Esteban Immer, Amie Patching, Delaney Bayles, Matthis Guyon Matte, Cléa Perion, Henri Paul Bénard, Félix Leblanc et Simon-Charles Cyr. Une production du Cirque Éloize présenté à la salle Maisonneuve de la Place des Arts du 16 au 18 novembre 2023, puis en tournée.