Dans la salle d’ESPACE GO aménagée selon un dispositif bi-frontal, deux gradins de spectateurs et spectatrices se font face, comme dans un effet de miroir. Au centre, un plateau circulaire en mouvement où gît une femme vêtue de leggings et d’un soutien-gorge. À ses côtés, une robe chiffonnée, des bottillons et un téléphone cellulaire. Tandis que le public prend place, le corps s’anime secoué par des spasmes sporadiques. Hirsute, le visage défait, la femme s’assoit, se lève et entame une longue errance verbale de plus d’une heure. Nous apprenons alors qu’elle est une infirmière québécoise ayant œuvré pour Médecins Sans Frontières en République centrafricaine, en Côte d’Ivoire et à bord de l’Aquarius, navire ayant secouru des migrants en Méditerranée.
Larguée par son amie de cœur, Marie part à l’étranger pour faire œuvre utile. Elle en revient, sapée par un violent choc post-traumatique. L’infirmière est révoltée, désillusionnée, écœurée ; s’en prenant tantôt à ses collègues et à son patron, tantôt aux régimes des pays impliqués ainsi qu’à elle-même et à sa propre famille. Arpentant l’espace en rotation, parfois dans le sens du mouvement et le plus souvent à contre-courant, elle nous dévoile les horreurs auxquelles elle a été confrontée, les injustices qu’elle a subies et les contradictions avec lesquelles elle doit composer. Tout cela dans un discours hachuré et généralement déroutant.
Un jeu qui fait mal
La comédienne Debbie Lynch-White offre ici une performance hors du commun en s’attaquant au texte sulfureux de Cristopher Morris, mis en scène à froid, sans fioritures par Édith Patenaude. Délaissant toute pudeur, elle incarne avec une violence, une souffrance et un abandon inouïs cette femme à l’orée de la folie. Elle déambule comme une automate dans cette ronde absurde et infinie tout en vociférant, éructant son désarroi et sa répulsion, condamnant ainsi l’indifférence des uns face à la souffrance des autres. Quasiment en état de transe, l’actrice livre un soliloque volcanique efficacement enveloppé d’une angoissante trame sonore signée Alexander MacSween et finement irradié par les éclairages de Marie-Aube St-Amand Duplessis. Les lumières crues et les effets de brouillard accentuent les descriptions insoutenables et les pensées fantomatiques qui occupent le cerveau chaotique de cette femme qui s’accroche tant bien que mal à la vie.
Puis, telle une éclaircie au creux ténébreux du désarroi, la dernière scène laisse filtrer un peu d’espoir alors que Marie, immobile, délestée de ses convulsions et de sa gestuelle erratique, semble sereine ou à tout le moins résignée. Se rappelant les paroles d’un ami disparu, elle prononce enfin le mot « amour » en guise d’épilogue. Dans la grisaille d’un mois de novembre qui tremble sous l’effroi des guerres et des atrocités, cette pièce constitue un moment de réflexion, certes difficile, mais combien diablement utile.
Texte : Cristopher Morris. Traduction : Maxime Allen. Mise en scène : Édith Patenaude. Assistance à la mise en scène et régie : Chloé Ekker. Scénographie et costumes : Gillian Gallo. Lumières : Marie-Aube St-Amand Duplessis. Musique et conception sonore : Alexander MacSween. Sonorisation : Frédéric Auger. Avec : Debbie Lynch-White. Une production de Human Cargo en collaboration avec ESPACE GO présentée à ESPACE GO jusqu’au 2 décembre 2023.
Dans la salle d’ESPACE GO aménagée selon un dispositif bi-frontal, deux gradins de spectateurs et spectatrices se font face, comme dans un effet de miroir. Au centre, un plateau circulaire en mouvement où gît une femme vêtue de leggings et d’un soutien-gorge. À ses côtés, une robe chiffonnée, des bottillons et un téléphone cellulaire. Tandis que le public prend place, le corps s’anime secoué par des spasmes sporadiques. Hirsute, le visage défait, la femme s’assoit, se lève et entame une longue errance verbale de plus d’une heure. Nous apprenons alors qu’elle est une infirmière québécoise ayant œuvré pour Médecins Sans Frontières en République centrafricaine, en Côte d’Ivoire et à bord de l’Aquarius, navire ayant secouru des migrants en Méditerranée.
Larguée par son amie de cœur, Marie part à l’étranger pour faire œuvre utile. Elle en revient, sapée par un violent choc post-traumatique. L’infirmière est révoltée, désillusionnée, écœurée ; s’en prenant tantôt à ses collègues et à son patron, tantôt aux régimes des pays impliqués ainsi qu’à elle-même et à sa propre famille. Arpentant l’espace en rotation, parfois dans le sens du mouvement et le plus souvent à contre-courant, elle nous dévoile les horreurs auxquelles elle a été confrontée, les injustices qu’elle a subies et les contradictions avec lesquelles elle doit composer. Tout cela dans un discours hachuré et généralement déroutant.
Un jeu qui fait mal
La comédienne Debbie Lynch-White offre ici une performance hors du commun en s’attaquant au texte sulfureux de Cristopher Morris, mis en scène à froid, sans fioritures par Édith Patenaude. Délaissant toute pudeur, elle incarne avec une violence, une souffrance et un abandon inouïs cette femme à l’orée de la folie. Elle déambule comme une automate dans cette ronde absurde et infinie tout en vociférant, éructant son désarroi et sa répulsion, condamnant ainsi l’indifférence des uns face à la souffrance des autres. Quasiment en état de transe, l’actrice livre un soliloque volcanique efficacement enveloppé d’une angoissante trame sonore signée Alexander MacSween et finement irradié par les éclairages de Marie-Aube St-Amand Duplessis. Les lumières crues et les effets de brouillard accentuent les descriptions insoutenables et les pensées fantomatiques qui occupent le cerveau chaotique de cette femme qui s’accroche tant bien que mal à la vie.
Puis, telle une éclaircie au creux ténébreux du désarroi, la dernière scène laisse filtrer un peu d’espoir alors que Marie, immobile, délestée de ses convulsions et de sa gestuelle erratique, semble sereine ou à tout le moins résignée. Se rappelant les paroles d’un ami disparu, elle prononce enfin le mot « amour » en guise d’épilogue. Dans la grisaille d’un mois de novembre qui tremble sous l’effroi des guerres et des atrocités, cette pièce constitue un moment de réflexion, certes difficile, mais combien diablement utile.
Tremblements
Texte : Cristopher Morris. Traduction : Maxime Allen. Mise en scène : Édith Patenaude. Assistance à la mise en scène et régie : Chloé Ekker. Scénographie et costumes : Gillian Gallo. Lumières : Marie-Aube St-Amand Duplessis. Musique et conception sonore : Alexander MacSween. Sonorisation : Frédéric Auger. Avec : Debbie Lynch-White. Une production de Human Cargo en collaboration avec ESPACE GO présentée à ESPACE GO jusqu’au 2 décembre 2023.