Après avoir vu Bénévolat, on comprend que ce texte de Maud de Palma-Duquet ait reçu en 2022 le prix Gratien-Gélinas remis par le Centre des auteurs dramatiques. Ce huis clos dans un petit local de prison où une aspirante étudiante en médecine offre des cours de français à un détenu qui souhaite terminer son secondaire est en effet plein d’humour et de finesse, et évite les clichés auxquels la situation somme toute assez convenue se prêterait aisément.
La grande force de la pièce réside dans la construction de personnages complexes et nuancés, que tout semble opposer, mais qui se rejoignent dans une détresse psychologique partagée, quoique d’origine différente. Tandis qu’Anthony, qui a grandi livré à lui-même et a commis un crime irréparable sous l’emprise de la drogue, voit sa jeunesse gâchée derrière les barreaux, Amaryllis, jeune femme privilégiée dotée d’une piscine creusée et d’une gouvernante, voit la sienne minée par l’angoisse et l’obsession de performance. Tous deux sont enfermés dans des vies qui semblent ne jamais leur avoir appartenu, prédestinées par les circonstances de leurs origines et de leur entourage.
Apprivoiser l’autre
Au fil des dialogues, entre deux règles de grammaire, ils révèlent leurs failles et leurs peurs par bribes, avec pudeur, tandis que des monologues en aparté étoffent notre compréhension de leur monde intérieur et nous révèlent l’ampleur de leur solitude.
La langue très maîtrisée de l’autrice permet à la fois de camper l’origine sociale des personnages et de montrer comment le vocabulaire et la syntaxe façonnent la pensée et contribuent à creuser les inégalités. Sans moraliser ni psychologiser, Maud de Palma-Duquet nous offre de poser un regard sur l’éducation, le système de justice, la pression que la société fait peser sur les individus et le sentiment d’impuissance qui en découle.
Les costumes proposés par Didier Senécal reflètent la personnalité des protagonistes : tandis que le pantalon beige, les mocassins marron et le chandail sans manche d’Amaryllis trahissent son conformisme, son sérieux et la priorité qu’elle donne à l’intellect, le coton ouaté d’Anthony, orné de gribouillages enfantins, évoque un jeune homme immature, qui a été tiré trop vite de l’enfance.
Si les personnages paraissent aussi crédibles et attachants, c’est en grande partie grâce au talent des interprètes, Stéphanie Arav et Mathieu Richard, qui font naître sous nos yeux, avec retenue, une amitié improbable. Arav insuffle à Amaryllis une anxiété maladive teintée d’autodestruction, avec en rempart une condescendance fragile, tandis que Richard est à la fois bravache, désillusionné et rongé par la honte et la culpabilité. La gamme d’émotions du comédien est particulièrement impressionnante et on a du mal à le quitter des yeux. Si la direction d’acteur de Rose-Anne Déry s’avère impeccable, sa mise en scène, qui repose sur un découpage de l’espace par fonction (une partie figure un local impersonnel au mobilier blanc, tandis que le reste est vide), est un peu moins précise, mais sans que cela affecte la réussite de l’ensemble.
Texte : Maud de Palma-Duquet. Mise en scène : Rose-Anne Déry. Interprétation : Stéphanie Arav et Mathieu Richard. Assistance à la mise en scène : Charlotte Ménard. Décor : Xavier Mary. Costumes et accessoires : Didier Senécal. Éclairages : Leticia Hamaoui. Musique : Étienne Thibeault et Sarah Laurendeau. Une production de Tableau Noir en codiffusion avec La Manufacture, présentée à La Licorne jusqu’au 23 février 2024.
Après avoir vu Bénévolat, on comprend que ce texte de Maud de Palma-Duquet ait reçu en 2022 le prix Gratien-Gélinas remis par le Centre des auteurs dramatiques. Ce huis clos dans un petit local de prison où une aspirante étudiante en médecine offre des cours de français à un détenu qui souhaite terminer son secondaire est en effet plein d’humour et de finesse, et évite les clichés auxquels la situation somme toute assez convenue se prêterait aisément.
La grande force de la pièce réside dans la construction de personnages complexes et nuancés, que tout semble opposer, mais qui se rejoignent dans une détresse psychologique partagée, quoique d’origine différente. Tandis qu’Anthony, qui a grandi livré à lui-même et a commis un crime irréparable sous l’emprise de la drogue, voit sa jeunesse gâchée derrière les barreaux, Amaryllis, jeune femme privilégiée dotée d’une piscine creusée et d’une gouvernante, voit la sienne minée par l’angoisse et l’obsession de performance. Tous deux sont enfermés dans des vies qui semblent ne jamais leur avoir appartenu, prédestinées par les circonstances de leurs origines et de leur entourage.
Apprivoiser l’autre
Au fil des dialogues, entre deux règles de grammaire, ils révèlent leurs failles et leurs peurs par bribes, avec pudeur, tandis que des monologues en aparté étoffent notre compréhension de leur monde intérieur et nous révèlent l’ampleur de leur solitude.
La langue très maîtrisée de l’autrice permet à la fois de camper l’origine sociale des personnages et de montrer comment le vocabulaire et la syntaxe façonnent la pensée et contribuent à creuser les inégalités. Sans moraliser ni psychologiser, Maud de Palma-Duquet nous offre de poser un regard sur l’éducation, le système de justice, la pression que la société fait peser sur les individus et le sentiment d’impuissance qui en découle.
Les costumes proposés par Didier Senécal reflètent la personnalité des protagonistes : tandis que le pantalon beige, les mocassins marron et le chandail sans manche d’Amaryllis trahissent son conformisme, son sérieux et la priorité qu’elle donne à l’intellect, le coton ouaté d’Anthony, orné de gribouillages enfantins, évoque un jeune homme immature, qui a été tiré trop vite de l’enfance.
Si les personnages paraissent aussi crédibles et attachants, c’est en grande partie grâce au talent des interprètes, Stéphanie Arav et Mathieu Richard, qui font naître sous nos yeux, avec retenue, une amitié improbable. Arav insuffle à Amaryllis une anxiété maladive teintée d’autodestruction, avec en rempart une condescendance fragile, tandis que Richard est à la fois bravache, désillusionné et rongé par la honte et la culpabilité. La gamme d’émotions du comédien est particulièrement impressionnante et on a du mal à le quitter des yeux. Si la direction d’acteur de Rose-Anne Déry s’avère impeccable, sa mise en scène, qui repose sur un découpage de l’espace par fonction (une partie figure un local impersonnel au mobilier blanc, tandis que le reste est vide), est un peu moins précise, mais sans que cela affecte la réussite de l’ensemble.
Bénévolat
Texte : Maud de Palma-Duquet. Mise en scène : Rose-Anne Déry. Interprétation : Stéphanie Arav et Mathieu Richard. Assistance à la mise en scène : Charlotte Ménard. Décor : Xavier Mary. Costumes et accessoires : Didier Senécal. Éclairages : Leticia Hamaoui. Musique : Étienne Thibeault et Sarah Laurendeau. Une production de Tableau Noir en codiffusion avec La Manufacture, présentée à La Licorne jusqu’au 23 février 2024.