La jeune autrice Elisabeth Lavoie annonce d’emblée qu’elle est en amour avec l’amour. Pour son premier texte dramatique, elle se réclame du mythe d’Orphée, descendu aux Enfers pour en ramener Eurydice, son amante. Mais ici, l’action se déroule dans un espace saturé de matelas recouverts de draps de satin et de tulles. Écrin de volupté, lieu de caresses inépuisables de deux jeunes femmes foudroyées au premier regard. Toutes deux subjuguées au même instant par Éros, dissimulé dans un café nommé Orgasme, adouci par du sucre à la crème. Ce premier coup de foudre viendra hanter les deux amoureuses dans leur relation tumultueuse.
Le discours amoureux tient en une seule phrase : « Je t’aime ». L’énoncé se veut cependant vindicatif, comme s’il résumait à lui seul le monde entier. À peine l’amour est-il consumé qu’il s’estompe. Les élans lascifs, les baisers, la chair enflammée s’effritent bientôt dans l’incertitude. C’est le cœur du drame. Rien d’autre ne justifie la séparation, sinon le doute et son enchaînement de passions négatives : la jalousie, l’abandon, le désespoir.
Le texte disloqué est ténu et répétitif. Une boucle sans fin qui s’augmente à chaque tour des scories que génèrent la peur, les reproches, les accusations, la crainte de l’autre. L’enfermement sur le couple conduit au même éclatement.
Excès de style
Pamplemousse pêche par excès de style. Chacun des aspects scénographiques fonctionne très bien. L’éclairage, en isolant et en magnifiant une ligne du visage, une partie du corps, une bataille de souque à la corde, un enveloppement dans le tulle, agit en révélateur de tension. Ces découpages lumineux viennent accentuer une lecture poétique des événements entremêlés à une chorégraphie orchestrée par Harold Rhéaume. Les éclairages et la trame sonore emportent le public dans des zones temporelles et spatiales qui se superposent. La parole, parfois banale, parfois poétique, reprend sans cesse les mêmes moments de fusion et de rupture, dans un registre différent, soit, mais qui n’apporte au fond aucune nouvelle information sinon un léger glissement d’émotion. Le travail des corps, quoiqu’ample et généreux, ne parvient pas à rendre l’amour torride comme le laisse entendre le texte. Quelques heureux moments de plénitude et de complicité ne suffisent pas à nous convaincre de la déchirure. Soulignons la performance de Pascale Chiasson, jeune comédienne prometteuse, qui connaît des instants de grâce. En ce soir de première, le rapport intime entre les deux amantes manquait de cet émoi viscéral qui soude et brise les corps extasiés.
Comme dit l’adage, qui trop embrasse mal étreint. Bien que chacune des composantes du spectacle soit impeccable et certaines scènes remarquables, Pamplemousse navigue en apesanteur, comme si le drame résidait dans la seule rencontre. Aucun autre élément déclencheur ne vient perturber la passion. Et pourtant, à peine se sont-elles reconnues qu’elles s’éloignent. Les personnages se confondent et s’abîment dans une mise en scène évanescente où la prolifération des styles, au lieu d’amplifier notre plaisir, provoque en bout de course une sorte de lassitude. Comme si la multiplication des perceptions sur la rencontre et la séparation atténuait la dramaturgie plutôt que de la pousser au bout de sa logique.
Texte : Elisabeth Lavoie. Mise en scène : Elisabeth Lavoie, Joanie Lehoux. Assistance à la mise en scène : Anne-Virginie Bérubé. Conception : Samy Girard, Simon Rollin, Pierre-Olivier Roussel, Émily Walhman. Direction de production : Samy Girard. Conseil dramaturgique : Natalie Fontalvo. Direction de mouvement : Harold Rhéaume. Répétition : Marianne Amyot. Avec Pascale Chiasson et Elisabeth Lavoie. Une production du collectif Les Moires, présentée à Premier Acte jusqu’au 3 février 2024.
La jeune autrice Elisabeth Lavoie annonce d’emblée qu’elle est en amour avec l’amour. Pour son premier texte dramatique, elle se réclame du mythe d’Orphée, descendu aux Enfers pour en ramener Eurydice, son amante. Mais ici, l’action se déroule dans un espace saturé de matelas recouverts de draps de satin et de tulles. Écrin de volupté, lieu de caresses inépuisables de deux jeunes femmes foudroyées au premier regard. Toutes deux subjuguées au même instant par Éros, dissimulé dans un café nommé Orgasme, adouci par du sucre à la crème. Ce premier coup de foudre viendra hanter les deux amoureuses dans leur relation tumultueuse.
Le discours amoureux tient en une seule phrase : « Je t’aime ». L’énoncé se veut cependant vindicatif, comme s’il résumait à lui seul le monde entier. À peine l’amour est-il consumé qu’il s’estompe. Les élans lascifs, les baisers, la chair enflammée s’effritent bientôt dans l’incertitude. C’est le cœur du drame. Rien d’autre ne justifie la séparation, sinon le doute et son enchaînement de passions négatives : la jalousie, l’abandon, le désespoir.
Le texte disloqué est ténu et répétitif. Une boucle sans fin qui s’augmente à chaque tour des scories que génèrent la peur, les reproches, les accusations, la crainte de l’autre. L’enfermement sur le couple conduit au même éclatement.
Excès de style
Pamplemousse pêche par excès de style. Chacun des aspects scénographiques fonctionne très bien. L’éclairage, en isolant et en magnifiant une ligne du visage, une partie du corps, une bataille de souque à la corde, un enveloppement dans le tulle, agit en révélateur de tension. Ces découpages lumineux viennent accentuer une lecture poétique des événements entremêlés à une chorégraphie orchestrée par Harold Rhéaume. Les éclairages et la trame sonore emportent le public dans des zones temporelles et spatiales qui se superposent. La parole, parfois banale, parfois poétique, reprend sans cesse les mêmes moments de fusion et de rupture, dans un registre différent, soit, mais qui n’apporte au fond aucune nouvelle information sinon un léger glissement d’émotion. Le travail des corps, quoiqu’ample et généreux, ne parvient pas à rendre l’amour torride comme le laisse entendre le texte. Quelques heureux moments de plénitude et de complicité ne suffisent pas à nous convaincre de la déchirure. Soulignons la performance de Pascale Chiasson, jeune comédienne prometteuse, qui connaît des instants de grâce. En ce soir de première, le rapport intime entre les deux amantes manquait de cet émoi viscéral qui soude et brise les corps extasiés.
Comme dit l’adage, qui trop embrasse mal étreint. Bien que chacune des composantes du spectacle soit impeccable et certaines scènes remarquables, Pamplemousse navigue en apesanteur, comme si le drame résidait dans la seule rencontre. Aucun autre élément déclencheur ne vient perturber la passion. Et pourtant, à peine se sont-elles reconnues qu’elles s’éloignent. Les personnages se confondent et s’abîment dans une mise en scène évanescente où la prolifération des styles, au lieu d’amplifier notre plaisir, provoque en bout de course une sorte de lassitude. Comme si la multiplication des perceptions sur la rencontre et la séparation atténuait la dramaturgie plutôt que de la pousser au bout de sa logique.
Pamplemousse
Texte : Elisabeth Lavoie. Mise en scène : Elisabeth Lavoie, Joanie Lehoux. Assistance à la mise en scène : Anne-Virginie Bérubé. Conception : Samy Girard, Simon Rollin, Pierre-Olivier Roussel, Émily Walhman. Direction de production : Samy Girard. Conseil dramaturgique : Natalie Fontalvo. Direction de mouvement : Harold Rhéaume. Répétition : Marianne Amyot. Avec Pascale Chiasson et Elisabeth Lavoie. Une production du collectif Les Moires, présentée à Premier Acte jusqu’au 3 février 2024.