Les sœurs jumelles Grace et Sugar Ducharme habitent seules au bord d’un dépotoir, nauséabond héritage familial dont les Saints-Parents étaient gestionnaires. À la veille de leur 30e anniversaire, Sugar sculpte une figurine qu’elle offrira en cadeau à son aînée. Puis, elle s’évanouit sur une musique trop intense pour elle. Entre alors un inconnu qui viendra détruire ce duo hors norme qui n’est pas sans rappeler le monstrueux film Qu’est-il arrivé à Baby Jane ? (1962).
Coupée du monde extérieur depuis la mort spectaculaire de leurs parents le jour de leurs vingt ans, Sugar vit recluse dans la maison, totalement dépendante de Grace qui reste fidèle au serment fait à leur défunte mère de veiller sur sa petite sœur toute sa vie. Trout Stanley, l’intrus, celui qui « porte le nom d’un poisson », sauve in extrémis Sugar au bord du suicide. Ancré sur un jeu de pouvoir et de soumission, l’équilibre précaire entre les deux jumelles est désormais rompu.
Le murmure insidieux du dépotoir
Trout Stanley devient le bouc émissaire de l’imbroglio entre elles, le révélateur qui cherche la vérité à travers le fouillis des mythes familiaux. Il pourrait être l’assassin recherché de « la danseuse nue championne de scrabble » ou l’orphelin en quête de réponses sur son destin.
Les trois personnages ducharmiens sont alors propulsés dans le maelstrom de leur improbable vie. La construction chancelante d’un univers inventé par l’ignorance réciproque des jumelles s’effondre sous les coups répétés du véritable amour. Celui des escargots que Trout décrit comme la première merveille du monde. Il faut plonger en soi pour distinguer les mythes de la réalité, pour liquéfier les mensonges et trouver sa nature profonde.
La menue Mélissa Merlo campe une Sugar fragile, qui peut endurer les atrocités, mais pas les choses simples de la vie, et qui s’évanouit sur commande pour conserver sa dignité. Mais de recluse à amoureuse libérée qui affronte le monde extérieur, elle se métamorphose subtilement en conquérante. Remarquable prestation. En contrepoint, sa voluptueuse et érotisante jumelle Grace présente une femme fantasque au corps amplifié qui cherche l’amour par la provocation publique. Elle veut séduire par tous les moyens, quitte à jouer les vamps sur une affiche de chasse, mêlant violence et sex appeal. Superbe présence de Stéfanelle Auger. Entre la lumière éclatante de Grace et la grisaille quotidienne de Sugar, Steve Jodoin soutient un Trout tout en nuance, subjugué par sa rencontre avec la triste jumelle. Sur un ton tragi-comique, le trio explore les aléas d’un karma insaisissable. Où il est question de morts inouïes, de gémellité, d’assassinat, de suicide…
Autour d’eux, embourbée dans des milliards de sacs noirs, l’humanité exhale les miasmes de la décomposition où Grace croit décrypter les mystères de ses congénères empêtrés dans des questions ontologiques.
La simplicité efficace de la mise en scène de Hugues Frenette, déployée au cœur d’un dépotoir, concentre l’attention sur le jeu des interprètes. Ce dépouillement met l’accent sur le brillant texte de Claudia Dey, autrice et dramaturge torontoise. Soulignons la très bonne adaptation de Manon St-Jules. Et allons-y pour deux heures sans heurts et beaucoup de joie.
Texte : Claudia Dey, traduit et adapté par Manon St-Jules. Mise en scène : Hugues Frenette. Assistance à la mise en scène : Thomas Royer. Scénographie : Vano Hotton. Éclairage : Denis Guérette. Direction de production : Laurie Salvail. Musique : Jason Kodie. Costumes : Camille Paris. Régie : Lorena B. Mugica. Avec Stéfanelle Auger, Mélissa Merlo et Steve Jodoin. Une coproduction du Théâtre Niveau Parking et et de L’UniThéâtre, présentée au Théâtre Périscope jusqu’au 24 février 2024.
Les sœurs jumelles Grace et Sugar Ducharme habitent seules au bord d’un dépotoir, nauséabond héritage familial dont les Saints-Parents étaient gestionnaires. À la veille de leur 30e anniversaire, Sugar sculpte une figurine qu’elle offrira en cadeau à son aînée. Puis, elle s’évanouit sur une musique trop intense pour elle. Entre alors un inconnu qui viendra détruire ce duo hors norme qui n’est pas sans rappeler le monstrueux film Qu’est-il arrivé à Baby Jane ? (1962).
Coupée du monde extérieur depuis la mort spectaculaire de leurs parents le jour de leurs vingt ans, Sugar vit recluse dans la maison, totalement dépendante de Grace qui reste fidèle au serment fait à leur défunte mère de veiller sur sa petite sœur toute sa vie. Trout Stanley, l’intrus, celui qui « porte le nom d’un poisson », sauve in extrémis Sugar au bord du suicide. Ancré sur un jeu de pouvoir et de soumission, l’équilibre précaire entre les deux jumelles est désormais rompu.
Le murmure insidieux du dépotoir
Trout Stanley devient le bouc émissaire de l’imbroglio entre elles, le révélateur qui cherche la vérité à travers le fouillis des mythes familiaux. Il pourrait être l’assassin recherché de « la danseuse nue championne de scrabble » ou l’orphelin en quête de réponses sur son destin.
Les trois personnages ducharmiens sont alors propulsés dans le maelstrom de leur improbable vie. La construction chancelante d’un univers inventé par l’ignorance réciproque des jumelles s’effondre sous les coups répétés du véritable amour. Celui des escargots que Trout décrit comme la première merveille du monde. Il faut plonger en soi pour distinguer les mythes de la réalité, pour liquéfier les mensonges et trouver sa nature profonde.
La menue Mélissa Merlo campe une Sugar fragile, qui peut endurer les atrocités, mais pas les choses simples de la vie, et qui s’évanouit sur commande pour conserver sa dignité. Mais de recluse à amoureuse libérée qui affronte le monde extérieur, elle se métamorphose subtilement en conquérante. Remarquable prestation. En contrepoint, sa voluptueuse et érotisante jumelle Grace présente une femme fantasque au corps amplifié qui cherche l’amour par la provocation publique. Elle veut séduire par tous les moyens, quitte à jouer les vamps sur une affiche de chasse, mêlant violence et sex appeal. Superbe présence de Stéfanelle Auger. Entre la lumière éclatante de Grace et la grisaille quotidienne de Sugar, Steve Jodoin soutient un Trout tout en nuance, subjugué par sa rencontre avec la triste jumelle. Sur un ton tragi-comique, le trio explore les aléas d’un karma insaisissable. Où il est question de morts inouïes, de gémellité, d’assassinat, de suicide…
Autour d’eux, embourbée dans des milliards de sacs noirs, l’humanité exhale les miasmes de la décomposition où Grace croit décrypter les mystères de ses congénères empêtrés dans des questions ontologiques.
La simplicité efficace de la mise en scène de Hugues Frenette, déployée au cœur d’un dépotoir, concentre l’attention sur le jeu des interprètes. Ce dépouillement met l’accent sur le brillant texte de Claudia Dey, autrice et dramaturge torontoise. Soulignons la très bonne adaptation de Manon St-Jules. Et allons-y pour deux heures sans heurts et beaucoup de joie.
Trout Stanley
Texte : Claudia Dey, traduit et adapté par Manon St-Jules. Mise en scène : Hugues Frenette. Assistance à la mise en scène : Thomas Royer. Scénographie : Vano Hotton. Éclairage : Denis Guérette. Direction de production : Laurie Salvail. Musique : Jason Kodie. Costumes : Camille Paris. Régie : Lorena B. Mugica. Avec Stéfanelle Auger, Mélissa Merlo et Steve Jodoin. Une coproduction du Théâtre Niveau Parking et et de L’UniThéâtre, présentée au Théâtre Périscope jusqu’au 24 février 2024.