Même si Jérémie Niel a mis en scène des textes de Phèdre, de Martin Crimp et d’Édouard Louis, son désir de répertoire québécois ne date pas d’hier. Il a trouvé dans la pièce de Pierre Perrault, Au cœur de la rose, un récit aux effluves mythiques où il est question d’échapper à un destin tracé d’avance. Québec, d’hier à aujourd’hui.
Comment êtes-vous entré en contact avec la seule pièce de théâtre écrite par le poète et cinéaste Pierre Perrault ?
Ça faisait longtemps que je souhaitais monter du répertoire québécois. J’en ai lu beaucoup. Je voulais une pièce qui se situait aux débuts de la dramaturgie contemporaine. Un ami m’a parlé de ce texte qui m’a séduit par tout l’univers qui se déploie autour. C’était en connexion avec ce que je fais et j’ai tout de suite voulu la monter. J’avais entrepris la démarche de remonter aux origines pour développer mes propres racines québécoises. Le décalage temporel [NDLR : le texte datant de la fin des années 50] permet un peu de recul qui assure une liberté esthétique et artistique.
C’est un texte poétique, métaphorique sur l’isolement puisque le récit se déroule sur une île du golfe Saint-Laurent dans un Québec plutôt conservateur, non ?
Il y a vraiment un combat entre les forces conservatrices et progressistes, entre les forces d’un ancrage dans le territoire et les forces qui veulent s’en extraire ou y échapper. Il y a un personnage de jeune femme qui cherche à fuir son destin et qui se retrouve face à une opposition très dure, représentée par sa mère et son père. C’est le nœud dramatique de la pièce. Elle a été créée au moment où la dramaturgie québécoise était sur le point d’arriver à Michel Tremblay. La politique est au cœur des écrits de Perrault, mais ce n’est pas juste ça.
On a d’ailleurs tendance à oublier qu’il était un grand poète avant de devenir cinéaste. On le sent dans sa pièce ?
C’est une fable complexe et le fait d’un véritable poète. Au moment où la dramaturgie québécoise s’inscrit dans l’urbanité et un langage très oral, il utilise une langue vraiment écrite qui est influencée par le vocabulaire très coloré des gens du fleuve, croisés lors de ses voyages. Il cherche à donner une mythologie au Québec, une mythologie au présent, plus qu’à traduire une réalité concrète, même s’il s’en sert un peu.
On ne peut pas vraiment parler d’un théâtre réaliste dans ce cas ?
J’ai l’impression de faire un théâtre réaliste, mais les gens ne le voient pas comme ça. Je cherche une forme d’extrême vérité dans le jeu des interprètes. On s’y enfonce tellement qu’on se rapproche de l’impressionnisme. Je dirais que je poursuis la même esthétique. Les interprètes sont au micro. C’est un jeu introverti qui est plus influencé par le cinéma que le théâtre. On y appose une signature contemporaine avec Cédric Delorme-Bouchard à la lumière et Karl Lemieux à la vidéo.
Il est question d’identité aussi dans le propos. Le texte nous parle encore aujourd’hui ?
Tout à fait. On est en adresse directe, pas dans une approche historique avec des costumes d’époque. C’est intemporel. J’aime bien les anachronismes, on sait que ça ne se passe pas de nos jours, mais sans autre précision. En même temps, le drame est très concret. Le conflit entre ceux et celles qui veulent quitter et ceux et celles qui veulent rester est un enjeu contemporain. Le rapport au territoire versus le rapport au monde, aussi. Enfin, les personnages féminins sont très forts, ce qui impressionne en raison de l’époque.
Au cœur de la rose (Généalogie d’une tristesse) est présentée à Espace Libre dans le cadre du Festival TransAmériques, du 25 au 29 mai 2024.
Même si Jérémie Niel a mis en scène des textes de Phèdre, de Martin Crimp et d’Édouard Louis, son désir de répertoire québécois ne date pas d’hier. Il a trouvé dans la pièce de Pierre Perrault, Au cœur de la rose, un récit aux effluves mythiques où il est question d’échapper à un destin tracé d’avance. Québec, d’hier à aujourd’hui.
Comment êtes-vous entré en contact avec la seule pièce de théâtre écrite par le poète et cinéaste Pierre Perrault ?
Ça faisait longtemps que je souhaitais monter du répertoire québécois. J’en ai lu beaucoup. Je voulais une pièce qui se situait aux débuts de la dramaturgie contemporaine. Un ami m’a parlé de ce texte qui m’a séduit par tout l’univers qui se déploie autour. C’était en connexion avec ce que je fais et j’ai tout de suite voulu la monter. J’avais entrepris la démarche de remonter aux origines pour développer mes propres racines québécoises. Le décalage temporel [NDLR : le texte datant de la fin des années 50] permet un peu de recul qui assure une liberté esthétique et artistique.
C’est un texte poétique, métaphorique sur l’isolement puisque le récit se déroule sur une île du golfe Saint-Laurent dans un Québec plutôt conservateur, non ?
Il y a vraiment un combat entre les forces conservatrices et progressistes, entre les forces d’un ancrage dans le territoire et les forces qui veulent s’en extraire ou y échapper. Il y a un personnage de jeune femme qui cherche à fuir son destin et qui se retrouve face à une opposition très dure, représentée par sa mère et son père. C’est le nœud dramatique de la pièce. Elle a été créée au moment où la dramaturgie québécoise était sur le point d’arriver à Michel Tremblay. La politique est au cœur des écrits de Perrault, mais ce n’est pas juste ça.
On a d’ailleurs tendance à oublier qu’il était un grand poète avant de devenir cinéaste. On le sent dans sa pièce ?
C’est une fable complexe et le fait d’un véritable poète. Au moment où la dramaturgie québécoise s’inscrit dans l’urbanité et un langage très oral, il utilise une langue vraiment écrite qui est influencée par le vocabulaire très coloré des gens du fleuve, croisés lors de ses voyages. Il cherche à donner une mythologie au Québec, une mythologie au présent, plus qu’à traduire une réalité concrète, même s’il s’en sert un peu.
On ne peut pas vraiment parler d’un théâtre réaliste dans ce cas ?
J’ai l’impression de faire un théâtre réaliste, mais les gens ne le voient pas comme ça. Je cherche une forme d’extrême vérité dans le jeu des interprètes. On s’y enfonce tellement qu’on se rapproche de l’impressionnisme. Je dirais que je poursuis la même esthétique. Les interprètes sont au micro. C’est un jeu introverti qui est plus influencé par le cinéma que le théâtre. On y appose une signature contemporaine avec Cédric Delorme-Bouchard à la lumière et Karl Lemieux à la vidéo.
Il est question d’identité aussi dans le propos. Le texte nous parle encore aujourd’hui ?
Tout à fait. On est en adresse directe, pas dans une approche historique avec des costumes d’époque. C’est intemporel. J’aime bien les anachronismes, on sait que ça ne se passe pas de nos jours, mais sans autre précision. En même temps, le drame est très concret. Le conflit entre ceux et celles qui veulent quitter et ceux et celles qui veulent rester est un enjeu contemporain. Le rapport au territoire versus le rapport au monde, aussi. Enfin, les personnages féminins sont très forts, ce qui impressionne en raison de l’époque.
Au cœur de la rose (Généalogie d’une tristesse) est présentée à Espace Libre dans le cadre du Festival TransAmériques, du 25 au 29 mai 2024.