Critiques

Michelin : Tendres banalités

© Stéphane Bourgeois

Jusqu’au 21 septembre prochain, Michel-Maxime Legault incarne Michelin sur les planches du théâtre Denise Pelletier. Tiré de son tout premier livre qui a remporté un franc succès cet hiver, Michelin, paru chez Quartz, nous amène dans sa vie personnelle, dans ses souvenirs et ses réflexions, de la ferme aux scènes de théâtre entouré de l’amour d’une famille imparfaite, comme tant d’autres.

Saint-Polycarpe, Québec. Michel-Maxime nous plonge dans les années 1980 de sa tendre enfance. Aujourd’hui à l’aube de ses 40 ans, il est tiraillé par le prénom qu’il a failli avoir, Michelin, mais pas seulement. De ses expériences à la ferme à sa relation avec sa sœur schizophrène en passant par son hypersensibilité et la vieillesse de ses parents, le comédien retrace toute sa vie devant nos yeux, avec délicatesse et humour.

En effet, pendant plus d’une heure, il nous tient en haleine à travers ses anecdotes et fait rire l’audience autant par ses références culturelles que par son autodérision. Le ton est léger, l’ambiance est douce. Même le décor nous invite à un moment cosy, reproduisant la ferme avec des lumières tamisées. Car la ferme est LE lieu où tout se déroule. Né dans une famille d’agriculteurs, Michel-Maxime y a vécu toutes les expériences qu’elle induit. Traite des vaches, conduite du tracteur, deuil des bêtes tuées ou mortes, le comédien n’y a finalement jamais trouvé sa place et s’est toujours senti « un peu à part ». Malgré ce triste constat, il en retire de multiples histoires qui, malgré leur passé parfois quelque peu traumatique, ressortent aujourd’hui avec quelques blagues bien pesées et surtout, beaucoup d’amour. On voit à travers son discours les années de travail de ses parents et l’admiration qu’il a toujours eue pour eux.

© Stéphane Bourgeois

Pour revivre les moments marquants de sa vie avec nous, Michel-Maxime suit les seaux à lait qui s’illuminent et regorgent d’objets-souvenirs. À travers des lumières simples, quelques sons bien dosés et des projections paisibles, la scénographie est parfaitement harmonieuse avec le ton du texte et son auteur. Quelques détails, basiques, mais surprenants, comme un fil à linge, nous ramènent en enfance et nous font sourire. La mise en scène est délicate, jamais surchargée et se marie complètement aux différents moments de la vie de Michel-Maxime, du repas de Noël dansant au pneu qui dévoile plusieurs de ces facettes et significations en passant par le chaos dans la ferme après un événement tragique.

En plus d’évoquer sa famille et la ferme, Michel-Maxime nous plonge aussi dans ses ressentis, dévoile son hypersensibilité, encore une fois avec un soupçon de malice. Il raconte aussi son coming out, son amour pour le théâtre et sa crise de la quarantaine, accompagnée d’une quête d’identité. Malgré toute la lourdeur que ces thématiques peuvent parfois soulever, le comédien le fait ici avec un pas de recul qui lui permet une légèreté et une analyse de ses quarante années de vie sur Terre. Il n’est pas là pour plomber le moral du public, lancer des reproches à ses proches ou tout envoyer valser. Il se présente pour décrire ce qu’il a vécu, le comprendre avec lucidité et un cœur débordant d’amour. Ce n’est pas un homme en crise que l’on a devant nous, mais quelqu’un qui a utilisé le chaos et le départ d’un âge pivot pour faire un bilan, pour dézoomer sur sa vie pour mieux se connaître et s’assumer.

Confidences universelles

Michelin parle du passé, des relations humaines, d’identité, de rêves, du temps qui passe, mais surtout, Michelin parle de l’amour d’une famille. Et bien que son histoire soit unique et personnelle à lui, elle nous touche tous et toutes. Car nous avons chacun et chacune d’entre nous des histoires de familles, des personnages que nous avons créés inspirés de nos mononcles, et nos cousines. Toutes ces histoires et ces protagonistes, aussi grotesques et imparfaites qu’on pourrait croire ne sont-elles pas finalement la vraie définition d’une famille ? Et si c’est le cas, ce sont alors ces travers et ces défauts-là qu’il faut savoir chérir, aimer malgré tout. Et c’est ce que nous transmet cette pièce. Toujours avec pudeur, douceur et surtout une grande tendresse. On sent tout l’amour que le personnage et le comédien a pour cet entourage qui a parfois du mal à le comprendre, mais l’aime de tout son cœur.

Ainsi, toutes les relations que Michel-Maxime décrit font transparaître le respect des siens et l’amour incommensurable qu’il leur porte, que ce soit avec sa mère qui, à un âge avancé, se libère enfin par la danse et la musique, ou avec sa sœur dont la santé mentale est fragile, mais qui le guide dans sa vie en lui disant ses quatre vérités, ou avec son frère, qu’il considère comme jaloux, mais qui lui prouvera toute sa vie son admiration. À la fin de Michelin, on a nous aussi un peu l’impression de faire partie de la famille et on a surtout envie de continuer à construire des souvenirs et des anecdotes avec la nôtre.

© Stéphane Bourgeois

Michelin

Auteur/interprète : Michel-Maxime Legault. Metteuse en scène : Marie-Thérèse Fortin. Assistance à la mise en scène et régie : Sandy Caron. Dramaturgie : Alexandre Castonguay. Scénographie : Jonas Veroff Bouchard. Costumes et accessoires : Églantine Mailly. Musique : Carl Mathieu Neher. Éclairages : Lyne Rioux. Vidéo : Éliot Laprise. Mouvement : Fabien Piché. Direction de production : Catherine Desjardins-Jolin. Au Théâtre Denise-Pelletier jusqu’au 21 septembre 2024.