Après son succès au FTA, la pièce Surveillée et punie ouvre la saison au Théâtre Prospero. Dans une mise en scène de Philippe Cyr, Debbie Lynch-White et Safia Nolin déconstruisent brillamment, en paroles et en musique avec un chœur, les propos haineux qui ont accablé la chanteuse depuis des années.
En assistant à la présentation de saison au Prospero , il s’en dégageait une très grande complicité avec Philippe Cyr et Safia Nolin, ça semble fondamental vu la nature du projet ?
Absolument ! On se connaissait déjà un peu, mais la matière avec laquelle on travaillait nous a plongé∙es rapidement dans une grande intimité et une grande vulnérabilité. Puis, on s’est permis d’y aller ensemble. C’est un processus qui a été très difficile par moments, mais toujours réalisé avec beaucoup de bienveillance, d’écoute, de respect et d’amour entre nous et envers Safia.
Il semble aussi clair que la confiance partagée ainsi que votre expérience de théâtre l’ont aidée à vivre l’aventure. Est-ce qu’il s’agit d’une énergie différente que celle vécue avec des interprètes d’expérience ?
Oui, c’était différent et très rafraîchissant même si chaque projet, selon moi, est abordé et exploré de façon unique. Safia vient du monde de la musique et, on s’entend, elle a une grande expérience de la scène et de la création dans son domaine. On s’est toutes les deux beaucoup apporté, mais je pense que le plus grand contraste qu’on a remarqué était entre le côté improvisé et spontané, entre ce que les spectacles de musique permettent dans les interactions et la rigueur du parcours d’une partition de théâtre dans la répétition des mêmes trajets. Ce n’est pas la même concentration. C’était le fun de voir Safia plonger dans notre monde et je pense qu’elle y a trouvé son plaisir !
Un chœur n’est pas un orchestre symphonique, mais il possède une présence imposante aussi. Comment cela agit-il sur vous en scène ?
C’est immensément puissant et vulnérabilisant. Un chœur, c’est un groupe d’humains, devant toi, qui te regardent et qui interprètent. Leur présence est imposante. Malgré une certaine créativité dans les insultes qui peut faire sourire, les mots proférés sont d’une grande violence et sont difficiles à recevoir. À un moment, dans le travail, j’ai dû trouver des stratégies pour ne plus trop les entendre et juste un peu déplacer mon écoute parce que ça me faisait trop pleurer. Écouter sans trop me laisser traverser. Il fallait trouver comment se glisse la fiction dans une matière aussi vraie et ce détachement m’a beaucoup aidée. La musique et les voix ont le pouvoir de nous connecter à nos plus grandes fragilités…
Est-ce que le spectacle est de nature à faire comprendre aux détracteurs de Safia Nolin tous les dommages qu’ils ont causés ? Avez-vous eu des échos ?
Pour l’instant je n’ai pas vraiment d’écho, mais c’est certain qu’une partie de moi espère qu’on ne prêchera pas juste aux converti·es. Lors des spectacles au FTA, on a senti une immense vague d’amour et de solidarité envers Safia et ça me rendait tellement heureuse ! Mais j’espère que ses détracteurs auront le courage de quitter leurs écrans et venir observer l’ampleur de leurs actes dans la vraie vie. On se doit de réfléchir collectivement à cette haine qu’on se permet de répandre et à ses conséquences.
Impossible de ne pas parler du financement des arts vivants en ce moment, est-ce que ça vous inquiète comme interprète ?
Ça m’inquiète comme interprète et, surtout, comme citoyenne. Je suis tannée que ce qu’on fait en arts vivants ne soit vu que comme une passion et non un vrai métier. On se dit toujours qu’on ne sauve pas de vie, mais moi je pense qu’on en transforme. Personnellement, les arts vivants ne cessent de m’aider à me repositionner dans ma vie, à me comprendre, à comprendre l’autre, à cultiver mon empathie, à me divertir, etc. Pouvoir se retrouver pour repenser le monde ensemble est essentiel, selon moi. Et c’est essoufflant de toujours sentir qu’on doive défendre notre place et notre valeur aux yeux des gouvernements.
Surveillée et punie est présentée au Théâtre Prospero jusqu’au 27 septembre 2024.
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Après son succès au FTA, la pièce Surveillée et punie ouvre la saison au Théâtre Prospero. Dans une mise en scène de Philippe Cyr, Debbie Lynch-White et Safia Nolin déconstruisent brillamment, en paroles et en musique avec un chœur, les propos haineux qui ont accablé la chanteuse depuis des années.
En assistant à la présentation de saison au Prospero , il s’en dégageait une très grande complicité avec Philippe Cyr et Safia Nolin, ça semble fondamental vu la nature du projet ?
Absolument ! On se connaissait déjà un peu, mais la matière avec laquelle on travaillait nous a plongé∙es rapidement dans une grande intimité et une grande vulnérabilité. Puis, on s’est permis d’y aller ensemble. C’est un processus qui a été très difficile par moments, mais toujours réalisé avec beaucoup de bienveillance, d’écoute, de respect et d’amour entre nous et envers Safia.
Il semble aussi clair que la confiance partagée ainsi que votre expérience de théâtre l’ont aidée à vivre l’aventure. Est-ce qu’il s’agit d’une énergie différente que celle vécue avec des interprètes d’expérience ?
Oui, c’était différent et très rafraîchissant même si chaque projet, selon moi, est abordé et exploré de façon unique. Safia vient du monde de la musique et, on s’entend, elle a une grande expérience de la scène et de la création dans son domaine. On s’est toutes les deux beaucoup apporté, mais je pense que le plus grand contraste qu’on a remarqué était entre le côté improvisé et spontané, entre ce que les spectacles de musique permettent dans les interactions et la rigueur du parcours d’une partition de théâtre dans la répétition des mêmes trajets. Ce n’est pas la même concentration. C’était le fun de voir Safia plonger dans notre monde et je pense qu’elle y a trouvé son plaisir !
Un chœur n’est pas un orchestre symphonique, mais il possède une présence imposante aussi. Comment cela agit-il sur vous en scène ?
C’est immensément puissant et vulnérabilisant. Un chœur, c’est un groupe d’humains, devant toi, qui te regardent et qui interprètent. Leur présence est imposante. Malgré une certaine créativité dans les insultes qui peut faire sourire, les mots proférés sont d’une grande violence et sont difficiles à recevoir. À un moment, dans le travail, j’ai dû trouver des stratégies pour ne plus trop les entendre et juste un peu déplacer mon écoute parce que ça me faisait trop pleurer. Écouter sans trop me laisser traverser. Il fallait trouver comment se glisse la fiction dans une matière aussi vraie et ce détachement m’a beaucoup aidée. La musique et les voix ont le pouvoir de nous connecter à nos plus grandes fragilités…
Est-ce que le spectacle est de nature à faire comprendre aux détracteurs de Safia Nolin tous les dommages qu’ils ont causés ? Avez-vous eu des échos ?
Pour l’instant je n’ai pas vraiment d’écho, mais c’est certain qu’une partie de moi espère qu’on ne prêchera pas juste aux converti·es. Lors des spectacles au FTA, on a senti une immense vague d’amour et de solidarité envers Safia et ça me rendait tellement heureuse ! Mais j’espère que ses détracteurs auront le courage de quitter leurs écrans et venir observer l’ampleur de leurs actes dans la vraie vie. On se doit de réfléchir collectivement à cette haine qu’on se permet de répandre et à ses conséquences.
Impossible de ne pas parler du financement des arts vivants en ce moment, est-ce que ça vous inquiète comme interprète ?
Ça m’inquiète comme interprète et, surtout, comme citoyenne. Je suis tannée que ce qu’on fait en arts vivants ne soit vu que comme une passion et non un vrai métier. On se dit toujours qu’on ne sauve pas de vie, mais moi je pense qu’on en transforme. Personnellement, les arts vivants ne cessent de m’aider à me repositionner dans ma vie, à me comprendre, à comprendre l’autre, à cultiver mon empathie, à me divertir, etc. Pouvoir se retrouver pour repenser le monde ensemble est essentiel, selon moi. Et c’est essoufflant de toujours sentir qu’on doive défendre notre place et notre valeur aux yeux des gouvernements.
Surveillée et punie est présentée au Théâtre Prospero jusqu’au 27 septembre 2024.
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