Pièce attendue, Ma vie rouge Kubrick est présentement à l’affiche à la Salle Fred-Barry du Théâtre Denise-Pelletier. Eric Jean signe la mise en scène et l’adaptation du livre éponyme du regretté Simon Roy. Dans cette œuvre, l’auteur tisse des liens entre les traumatismes qui ont marqué son histoire familiale et le film horrifique The Shining, de Stanley Kubrick.
Dans le long métrage sorti en 1980, lui-même basé sur un roman de Stephen King, un aspirant écrivain devient gardien dans un hôtel niché dans les montagnes enneigées du Colorado. Le protagoniste, incarné par Jack Nicholson, sombre peu à peu dans la folie, allant même jusqu’à tenter d’assassiner son épouse et leur jeune fils.
Simon Roy était fasciné par ce film depuis son enfance. Dans son premier ouvrage, lancé en 2014, il le dissèque et s’y raccroche, pour comprendre son propre récit familial, imprégné par la violence, le deuil, le suicide et un féminicide. En résulte une série de vignettes fascinantes et troublantes, qu’Eric Jean a choisi d’adapter pour les planches. Après une mise en lecture l’année dernière au Festival international de la littérature, le spectacle est maintenant présenté au public dans sa version définitive.
Les thèmes qui y sont abordés sont nombreux, de l’influence de l’art sur les auteurs de tueries de masse à la transmission de la violence à l’intérieur d’un clan, en passant par le contrôle des armes à feu et les troubles de santé mentale. Si chaque être humain a une part d’ombre, qu’est-ce qui réveille le monstre en soi ? Comment éviter de se laisser engloutir par son passé ? Ce sont les questions qui taraudent le personnage principal de Ma vie rouge Kubrick, sorte d’alter ego de Simon Roy.
Les idées et les réflexions foisonnent dans ce court spectacle d’un peu plus d’une heure. Les anecdotes de vie du protagoniste, de même que ses réflexions sur le long métrage culte se succèdent à un rythme effréné. L’acte de spectature peut devenir ardu pour ceux et celles qui n’ont jamais vu le film de Stanley Kubrick. Surtout que le metteur en scène, Eric Jean, a préféré ne pas donner toutes les clés au public dans les premières minutes de la pièce. Les détails des traumatismes vécus par la famille Roy sont révélés petit à petit, ce qui ajoute à l’atmosphère mystérieuse dans laquelle baigne la création.
Un travail minutieux
Dans le rôle principal, Mickaël Gouin est convaincant. D’un ton posé, il livre les confidences et les théories de Simon Roy avec tout le flegme dont était pourvu l’écrivain québécois. Il est accompagné de Marc-Antoine Sinibaldi, qui entre dans la peau de plusieurs personnages avec aisance. Leur complicité est palpable. La scène dans laquelle l’alter ego de Roy discute avec Lloyd, le barman de l’Hôtel Overlook, comme le fait Jack Torrance dans le film de Kubrick, est assurément l’une des plus fortes de la pièce.
Pour dynamiser ce texte dense, Eric Jean a conçu une chorégraphie fluide et efficace. Ses deux acteurs occupent bien l’espace, dans une scénographie épurée, mais fort évocatrice. Le metteur en scène, connu pour le soin rigoureux qu’il accorde aux détails, multiplie les références dans sa nouvelle création.
Sur un imposant écran, des passages du long métrage et des extraits du scénario sont projetés. On y voit même l’inoubliable motif du tapis de l’Overlook, un imprimé aux formes géométriques presque hypnotiques. À certains moments, le mur devient blanc, recouvert d’un papier peint élimé, sur lequel les ombres de Gouin et Sinibaldi rappellent les nombreux fantômes qui hantent l’esprit de Simon Roy, tout autant que les couloirs de l’hôtel de The Shining.
Pour compléter ce décor minimaliste, une machine à écrire d’une autre époque, mais surtout une grande moquette cramoisie, un clin d’œil à la scène dans laquelle un torrent de sang se déverse devant l’ascenseur de l’édifice. Des éclairages judicieux confèrent à l’ensemble une aura élégante et dramatique, qui sied bien au verbe raffiné de Roy et à la facture visuelle léchée de Kubrick.
Ma vie rouge Kubrick est une plongée passionnante dans les méandres de la pensée d’un homme abattu par les tragédies, mais en quête d’un peu de lumière. Une exploration qui plaira encore davantage aux cinéphiles familier·ères avec le long métrage qui y est examiné. Mais le spectacle est avant tout une formidable démonstration de la puissance de l’art, qui peut nous permettre de comprendre notre monde et, parfois, nous empêcher de basculer dans la noirceur.
Texte : Simon Roy. Adaptation et mise en scène : Eric Jean. Avec : Mickaël Gouin et Marc-Antoine Sinibaldi. Assistance à la mise en scène, direction de production et régie : Thomas Lapointe. Décor et accessoires : Eric Jean et Thomas Lapointe. Patine scénique : Véronique Pagnoux. Costumes : Marie-Audrey Jacques. Lumière : Cédric Delorme-Bouchard. Conception sonore : Arthur Champagne. Vidéo : Julien Blais. Assistance à la vidéo : Zachary Noël Ferland. Collaboration au mouvement : Danielle Lecourtois. Une production des 2 Mondes présentée au Théâtre Denise-Pelletier jusqu’au 16 novembre 2024. Une tournée est prévue en 2025.
Pièce attendue, Ma vie rouge Kubrick est présentement à l’affiche à la Salle Fred-Barry du Théâtre Denise-Pelletier. Eric Jean signe la mise en scène et l’adaptation du livre éponyme du regretté Simon Roy. Dans cette œuvre, l’auteur tisse des liens entre les traumatismes qui ont marqué son histoire familiale et le film horrifique The Shining, de Stanley Kubrick.
Dans le long métrage sorti en 1980, lui-même basé sur un roman de Stephen King, un aspirant écrivain devient gardien dans un hôtel niché dans les montagnes enneigées du Colorado. Le protagoniste, incarné par Jack Nicholson, sombre peu à peu dans la folie, allant même jusqu’à tenter d’assassiner son épouse et leur jeune fils.
Simon Roy était fasciné par ce film depuis son enfance. Dans son premier ouvrage, lancé en 2014, il le dissèque et s’y raccroche, pour comprendre son propre récit familial, imprégné par la violence, le deuil, le suicide et un féminicide. En résulte une série de vignettes fascinantes et troublantes, qu’Eric Jean a choisi d’adapter pour les planches. Après une mise en lecture l’année dernière au Festival international de la littérature, le spectacle est maintenant présenté au public dans sa version définitive.
Les thèmes qui y sont abordés sont nombreux, de l’influence de l’art sur les auteurs de tueries de masse à la transmission de la violence à l’intérieur d’un clan, en passant par le contrôle des armes à feu et les troubles de santé mentale. Si chaque être humain a une part d’ombre, qu’est-ce qui réveille le monstre en soi ? Comment éviter de se laisser engloutir par son passé ? Ce sont les questions qui taraudent le personnage principal de Ma vie rouge Kubrick, sorte d’alter ego de Simon Roy.
Les idées et les réflexions foisonnent dans ce court spectacle d’un peu plus d’une heure. Les anecdotes de vie du protagoniste, de même que ses réflexions sur le long métrage culte se succèdent à un rythme effréné. L’acte de spectature peut devenir ardu pour ceux et celles qui n’ont jamais vu le film de Stanley Kubrick. Surtout que le metteur en scène, Eric Jean, a préféré ne pas donner toutes les clés au public dans les premières minutes de la pièce. Les détails des traumatismes vécus par la famille Roy sont révélés petit à petit, ce qui ajoute à l’atmosphère mystérieuse dans laquelle baigne la création.
Un travail minutieux
Dans le rôle principal, Mickaël Gouin est convaincant. D’un ton posé, il livre les confidences et les théories de Simon Roy avec tout le flegme dont était pourvu l’écrivain québécois. Il est accompagné de Marc-Antoine Sinibaldi, qui entre dans la peau de plusieurs personnages avec aisance. Leur complicité est palpable. La scène dans laquelle l’alter ego de Roy discute avec Lloyd, le barman de l’Hôtel Overlook, comme le fait Jack Torrance dans le film de Kubrick, est assurément l’une des plus fortes de la pièce.
Pour dynamiser ce texte dense, Eric Jean a conçu une chorégraphie fluide et efficace. Ses deux acteurs occupent bien l’espace, dans une scénographie épurée, mais fort évocatrice. Le metteur en scène, connu pour le soin rigoureux qu’il accorde aux détails, multiplie les références dans sa nouvelle création.
Sur un imposant écran, des passages du long métrage et des extraits du scénario sont projetés. On y voit même l’inoubliable motif du tapis de l’Overlook, un imprimé aux formes géométriques presque hypnotiques. À certains moments, le mur devient blanc, recouvert d’un papier peint élimé, sur lequel les ombres de Gouin et Sinibaldi rappellent les nombreux fantômes qui hantent l’esprit de Simon Roy, tout autant que les couloirs de l’hôtel de The Shining.
Pour compléter ce décor minimaliste, une machine à écrire d’une autre époque, mais surtout une grande moquette cramoisie, un clin d’œil à la scène dans laquelle un torrent de sang se déverse devant l’ascenseur de l’édifice. Des éclairages judicieux confèrent à l’ensemble une aura élégante et dramatique, qui sied bien au verbe raffiné de Roy et à la facture visuelle léchée de Kubrick.
Ma vie rouge Kubrick est une plongée passionnante dans les méandres de la pensée d’un homme abattu par les tragédies, mais en quête d’un peu de lumière. Une exploration qui plaira encore davantage aux cinéphiles familier·ères avec le long métrage qui y est examiné. Mais le spectacle est avant tout une formidable démonstration de la puissance de l’art, qui peut nous permettre de comprendre notre monde et, parfois, nous empêcher de basculer dans la noirceur.
Ma vie rouge Kubrick
Texte : Simon Roy. Adaptation et mise en scène : Eric Jean. Avec : Mickaël Gouin et Marc-Antoine Sinibaldi. Assistance à la mise en scène, direction de production et régie : Thomas Lapointe. Décor et accessoires : Eric Jean et Thomas Lapointe. Patine scénique : Véronique Pagnoux. Costumes : Marie-Audrey Jacques. Lumière : Cédric Delorme-Bouchard. Conception sonore : Arthur Champagne. Vidéo : Julien Blais. Assistance à la vidéo : Zachary Noël Ferland. Collaboration au mouvement : Danielle Lecourtois. Une production des 2 Mondes présentée au Théâtre Denise-Pelletier jusqu’au 16 novembre 2024. Une tournée est prévue en 2025.