Le thème de la filiation est sur toutes les scènes en ce moment, celui de la mort un peu moins. Avec sa pièce Faire la mort, Krystel Descary tisse un lien solide entre les deux. « Comment faire le deuil d’une personne toujours vivante ? », se demande-t-elle dans cette autofiction documentée sur l’absence, voire l’invisibilité du père, aux yeux d’une mère monoparentale et de sa fille. La jeune Krystel ne rencontrera son géniteur qu’à l’âge adulte et, par la suite, aux dix ans. Cet homme mutique achète la paix en donnant de l’argent, et rien d’autre, à sa fille sidérée : « Comment tu fais toi, pour faire comme si j’existais pas ? Comme si j’étais déjà morte. »
Quand elle apprendra la mort de ce père ingrat, qu’on déteste dès la première « lettre d’amour » qu’il envoie à la mère de Krystel, son deuil est déjà fait. Mais c’est une perte qu’elle a traînée pendant toute sa vie et qui l’a menée à emprunter divers chemins thérapeutiques afin de faciliter son propre apprentissage de la mort. Vivre c’est apprendre à mourir, dit-on parfois en philosophie. La partie documentée du spectacle nous présente la dramaturge et comédienne Krystel Descary, dès le début, en tant que « spécialiste » de la mort. Ses apartés fort édifiants expliquent les processus qui mènent au trépas, au dernier souffle, mais aussi au deuil que doivent faire les proches d’une personne mourante.
L’essentiel de la pièce porte cependant sur les questionnements existentiels de la jeune Krystel (interprétée avec fougue par Laetitia Isambert-Denis), ses relations tumultueuses avec sa mère (l’excellente Isabelle Vincent) et sa meilleure amie, la tout aussi convaincante Joanie Martel. Quoique le texte de leurs échanges permette d’insérer de l’humour dans le traitement du thème principal, il n’évite pas certains clichés adolescents ou futilités, comme le tout premier aparté, un avertissement servi au public sur le sujet délicat de la pièce, et la suggestion, qui leur est faite, de quitter la salle si jamais… Étonnant, puisque ledit sujet est traité avec subtilité et délicatesse tout au long, comme le confirment les applaudissements à la fin, empreints de respect et d’émotion.
Ce bémol n’enlève rien à la nécessité d’une thématique, trop rarement présentée sur scène, abordée de front comme ici. Faire la mort bénéficie d’ailleurs d’une mise en scène attentive et tout aussi délicate de la part de Marie-Ève Milot. La scénographie de Geneviève Lizotte est extraordinaire : quelques accessoires dispersés sur scène pour évoquer les divers lieux de l’action, mais surtout la terre meuble (poussière, poussière…) recouvrant le sol et les volumineux rideaux de fond de scène qui donnent à l’ensemble un climat de réserve et de gravité, bref de dignité. De même, la musique de Mykalle Bielinski (non sans rappeler celle de ses propres spectacles Gloria et Mythe) frôle parfois le sublime. Les éclairages d’Étienne Boucher sont également à mentionner.
Oui, cette pièce représente un beau et nécessaire travail d’édification. L’objectif que se donnent l’autrice et comédienne avec la metteuse en scène de parler sereinement de la mort est atteint. Se réapproprier la mort, l’apprivoiser, avant qu’il ne soit trop tard. En faire une réalité de la vie, comme c’est le cas dans d’autres cultures millénaires différentes de la nôtre, l’accepter pour vivre mieux. Pas uniquement d’un point de vue hédoniste, comme le suggérait Montaigne, mais lui faire confiance et marcher avec elle comme avec une amie sans savoir où elle nous mène.
Texte et interprétation de Krystel Descary. Mise en scène : Marie-Ève Milot. Dramaturgie : Marie-Claude St-Laurent. Assistance à la mise en scène et régie : Josianne Dulong-Savignac. Éclairages : Étienne Boucher. Costumes : Cynthia St-Gelais. Assistance aux costumes : Sarah Chabrier. Accessoires : Marie-Jeanne Rizkallah. Conception sonore : Mykalle Bielinski. Intégration, spatialisation et régie sonores : Gabrielle Couillard. Maquillages et coiffures : Justine Denoncourt-Bélanger. Habilleuses : Jeanne Dupré et Julia Allehaux-Villaño. Direction de production et de création : Suzanne Crocker. Direction technique : Alex Gendron. Interprétation : Mykalle Bielienski, Krystel Descary, Laetitia Isambert-Denis, Joanie Martel, Pier Paquette et Isabelle Vincent. Une production d’Espace Go présentée à Espace Go jusqu’au 8 décembre 2024.
Le thème de la filiation est sur toutes les scènes en ce moment, celui de la mort un peu moins. Avec sa pièce Faire la mort, Krystel Descary tisse un lien solide entre les deux. « Comment faire le deuil d’une personne toujours vivante ? », se demande-t-elle dans cette autofiction documentée sur l’absence, voire l’invisibilité du père, aux yeux d’une mère monoparentale et de sa fille. La jeune Krystel ne rencontrera son géniteur qu’à l’âge adulte et, par la suite, aux dix ans. Cet homme mutique achète la paix en donnant de l’argent, et rien d’autre, à sa fille sidérée : « Comment tu fais toi, pour faire comme si j’existais pas ? Comme si j’étais déjà morte. »
Quand elle apprendra la mort de ce père ingrat, qu’on déteste dès la première « lettre d’amour » qu’il envoie à la mère de Krystel, son deuil est déjà fait. Mais c’est une perte qu’elle a traînée pendant toute sa vie et qui l’a menée à emprunter divers chemins thérapeutiques afin de faciliter son propre apprentissage de la mort. Vivre c’est apprendre à mourir, dit-on parfois en philosophie. La partie documentée du spectacle nous présente la dramaturge et comédienne Krystel Descary, dès le début, en tant que « spécialiste » de la mort. Ses apartés fort édifiants expliquent les processus qui mènent au trépas, au dernier souffle, mais aussi au deuil que doivent faire les proches d’une personne mourante.
L’essentiel de la pièce porte cependant sur les questionnements existentiels de la jeune Krystel (interprétée avec fougue par Laetitia Isambert-Denis), ses relations tumultueuses avec sa mère (l’excellente Isabelle Vincent) et sa meilleure amie, la tout aussi convaincante Joanie Martel. Quoique le texte de leurs échanges permette d’insérer de l’humour dans le traitement du thème principal, il n’évite pas certains clichés adolescents ou futilités, comme le tout premier aparté, un avertissement servi au public sur le sujet délicat de la pièce, et la suggestion, qui leur est faite, de quitter la salle si jamais… Étonnant, puisque ledit sujet est traité avec subtilité et délicatesse tout au long, comme le confirment les applaudissements à la fin, empreints de respect et d’émotion.
Ce bémol n’enlève rien à la nécessité d’une thématique, trop rarement présentée sur scène, abordée de front comme ici. Faire la mort bénéficie d’ailleurs d’une mise en scène attentive et tout aussi délicate de la part de Marie-Ève Milot. La scénographie de Geneviève Lizotte est extraordinaire : quelques accessoires dispersés sur scène pour évoquer les divers lieux de l’action, mais surtout la terre meuble (poussière, poussière…) recouvrant le sol et les volumineux rideaux de fond de scène qui donnent à l’ensemble un climat de réserve et de gravité, bref de dignité. De même, la musique de Mykalle Bielinski (non sans rappeler celle de ses propres spectacles Gloria et Mythe) frôle parfois le sublime. Les éclairages d’Étienne Boucher sont également à mentionner.
Oui, cette pièce représente un beau et nécessaire travail d’édification. L’objectif que se donnent l’autrice et comédienne avec la metteuse en scène de parler sereinement de la mort est atteint. Se réapproprier la mort, l’apprivoiser, avant qu’il ne soit trop tard. En faire une réalité de la vie, comme c’est le cas dans d’autres cultures millénaires différentes de la nôtre, l’accepter pour vivre mieux. Pas uniquement d’un point de vue hédoniste, comme le suggérait Montaigne, mais lui faire confiance et marcher avec elle comme avec une amie sans savoir où elle nous mène.
Faire la mort
Texte et interprétation de Krystel Descary. Mise en scène : Marie-Ève Milot. Dramaturgie : Marie-Claude St-Laurent. Assistance à la mise en scène et régie : Josianne Dulong-Savignac. Éclairages : Étienne Boucher. Costumes : Cynthia St-Gelais. Assistance aux costumes : Sarah Chabrier. Accessoires : Marie-Jeanne Rizkallah. Conception sonore : Mykalle Bielinski. Intégration, spatialisation et régie sonores : Gabrielle Couillard. Maquillages et coiffures : Justine Denoncourt-Bélanger. Habilleuses : Jeanne Dupré et Julia Allehaux-Villaño. Direction de production et de création : Suzanne Crocker. Direction technique : Alex Gendron. Interprétation : Mykalle Bielienski, Krystel Descary, Laetitia Isambert-Denis, Joanie Martel, Pier Paquette et Isabelle Vincent. Une production d’Espace Go présentée à Espace Go jusqu’au 8 décembre 2024.