Tradition de fin d’année bien ancrée à Québec, les Contes à passer le temps sont présentés à guichets fermés pour leur 14e édition « sur glace ». Enfilant leurs patins, les membres de l’équipe de la Vierge folle exécutent plusieurs beaux jeux, mais manquent quelques occasions de marquer des buts.
L’ambiance chaleureuse, la volonté d’ancrer les contes dans les quartiers centraux de Québec et dans l’histoire de la ville, le mélange d’émotions complexes et d’humour débridé ont fait des Contes une expérience à vivre et à revivre. L’alignement à l’écriture et à l’interprétation se renouvelle chaque saison grâce à un mélange de vétérans et de recrues. Si on en vient à reconnaître les tactiques gagnantes – ces stratégies narratives qui fonctionnent à tous les coups – on peut tout de même apprécier la finesse d’exécution et l’agilité des joueurs et joueuses dans le feu de l’action. Bref, notre rapport avec ce rendez-vous annuel se compare facilement avec celui que les fans entretiennent avec leur équipe préférée : un mélange d’exigence, d’indulgence, de nostalgie et d’excitation.
Cette année, le thème est bien choisi et ouvre d’intéressantes possibilités. Ça démarre en trombe avec Comment j’ai appris à respirer, coécrit par Sophie Thibeault (qui l’interprète) et Maxime Robin (qui signe la mise en scène du spectacle). La comédienne raconte de façon colorée comment elle est née bleue-blanc-rouge, presque asphyxiée. Avec son jeu investi et des tournures punchées, elle capte facilement l’attention du public, appuyée par des interventions dynamiques d’un chœur et d’un trio musical.
De Lance et compte à Charlie Brown
La conception musicale de Frédéric Brunet est d’ailleurs l’un des points forts de cette édition. Le mélange de guitare, percussions, xylophone, orgue portatif et voix permet de livrer un répertoire qui va du thème de la série télévisée Lance et compte à une version endiablée de Les anges dans nos campagnes. Belle idée de reprendre après l’entracte avec Charlie Brown’s Skating de Vince Guaraldi – bien que la partition de piano soit peut-être un peu trop relevée pour la comédienne Miryam Amrouche. Ce passage un peu brouillon aurait été une belle occasion de créer une joyeuse chorégraphie de groupe sur la patinoire.
Amrouche, benjamine de la distribution, interprète avec agilité l’inventif Get Busy with the Fizzy de Rosalie Cournoyer. Dans ce conte urbain, une étudiante se retrouve à la Fabrique du vin, lieu inusité de la rue Saint-Jean, la veille du jour de l’An pour remplir sa bouteille de Soda Stream. L’autrice jongle habilement entre humour et émotion en liant une vieille sorcière, un traumatisme vécu pendant la crise du verglas et plusieurs références populaires.
On reconnaît la plume de Sophie Grenier-Héroux dans Assis-toi pis rêve encore, l’histoire bien construite, attendrissante, mais un peu convenue d’un grincheux notoire (Vincent Champoux) à qui une rencontre inopinée avec son idole, un champion de course sur glace, redonnera le goût du bonheur.
Délirante relecture du mythe d’Orphée, L’amour au temps des souffleuses III : Le Retour du Kid de Jean-Michel Girouard avait tout pour être le conte le plus enlevant de cette édition. On a malheureusement perdu plusieurs bouts du récit foisonnant, la voix de Marc-Antoine Marceau étant couverte par le bruit de ses patins sur la surface synthétique ou par les chants retentissants de ses acolytes à des moments clés.
Drôle de choix de reprendre L’évangile selon Muriel, écrit par Maxime Robin, bonifié de plusieurs ajouts pour s’insérer dans la thématique « sur glace ». L’histoire, qui passe du quotidien dans un centre de soins palliatifs au récit détaillé d’une vie, était déjà dense, et les ajouts brouillent encore davantage les pistes. La livraison juste, mais plutôt monocorde d’Erika Gagnon ne parvient pas à rattraper l’affaire. La comédienne d’expérience sait pourtant mettre de la couleur dans son jeu, comme le démontre son interprétation d’un l’entraîneur véreux dans le dernier conte.
Campé en 1915, ce dernier segment intitulé Rapides et dangereuses (signé Maxime Robin) fait écho, comme à l’habitude, à l’ouverture du spectacle. Il met en vedette des hockeyeuses fluides, dont la grand-mère de Sophie Thibault, au temps de la Première Guerre mondiale. On frôle la fan fiction en collectant les rires à coups d’anachronismes et de phrases bien envoyées.
Cette conclusion énergique est bienvenue après une soirée qui s’étire un peu en longueur. Plusieurs contes dont la durée frôle la demi-heure auraient bénéficié d’une édition plus resserrée et d’une livraison avec davantage de relief. On renoue tout de même avec bonheur avec la tradition des Contes, en leur souhaitant d’autres années glorieuses.
Textes : Sophie Thibeault, Maxime Robin, Sophie Grenier-Héroux, Rosalie Cournoyer et Jean-Michel Girouard. Mise en scène : Maxime Robin. Conception sonore : Frédéric Brunet. Avec Erika Gagnon, Marc-Antoine Marceau, Vincent Champoux, Myriam Amrouche, Sophie Thibeault, Frédéric Brunet. Une production de La vierge folle présentée à la Maison Chevalier jusqu’au 30 décembre 2024.
Tradition de fin d’année bien ancrée à Québec, les Contes à passer le temps sont présentés à guichets fermés pour leur 14e édition « sur glace ». Enfilant leurs patins, les membres de l’équipe de la Vierge folle exécutent plusieurs beaux jeux, mais manquent quelques occasions de marquer des buts.
L’ambiance chaleureuse, la volonté d’ancrer les contes dans les quartiers centraux de Québec et dans l’histoire de la ville, le mélange d’émotions complexes et d’humour débridé ont fait des Contes une expérience à vivre et à revivre. L’alignement à l’écriture et à l’interprétation se renouvelle chaque saison grâce à un mélange de vétérans et de recrues. Si on en vient à reconnaître les tactiques gagnantes – ces stratégies narratives qui fonctionnent à tous les coups – on peut tout de même apprécier la finesse d’exécution et l’agilité des joueurs et joueuses dans le feu de l’action. Bref, notre rapport avec ce rendez-vous annuel se compare facilement avec celui que les fans entretiennent avec leur équipe préférée : un mélange d’exigence, d’indulgence, de nostalgie et d’excitation.
Cette année, le thème est bien choisi et ouvre d’intéressantes possibilités. Ça démarre en trombe avec Comment j’ai appris à respirer, coécrit par Sophie Thibeault (qui l’interprète) et Maxime Robin (qui signe la mise en scène du spectacle). La comédienne raconte de façon colorée comment elle est née bleue-blanc-rouge, presque asphyxiée. Avec son jeu investi et des tournures punchées, elle capte facilement l’attention du public, appuyée par des interventions dynamiques d’un chœur et d’un trio musical.
De Lance et compte à Charlie Brown
La conception musicale de Frédéric Brunet est d’ailleurs l’un des points forts de cette édition. Le mélange de guitare, percussions, xylophone, orgue portatif et voix permet de livrer un répertoire qui va du thème de la série télévisée Lance et compte à une version endiablée de Les anges dans nos campagnes. Belle idée de reprendre après l’entracte avec Charlie Brown’s Skating de Vince Guaraldi – bien que la partition de piano soit peut-être un peu trop relevée pour la comédienne Miryam Amrouche. Ce passage un peu brouillon aurait été une belle occasion de créer une joyeuse chorégraphie de groupe sur la patinoire.
Amrouche, benjamine de la distribution, interprète avec agilité l’inventif Get Busy with the Fizzy de Rosalie Cournoyer. Dans ce conte urbain, une étudiante se retrouve à la Fabrique du vin, lieu inusité de la rue Saint-Jean, la veille du jour de l’An pour remplir sa bouteille de Soda Stream. L’autrice jongle habilement entre humour et émotion en liant une vieille sorcière, un traumatisme vécu pendant la crise du verglas et plusieurs références populaires.
On reconnaît la plume de Sophie Grenier-Héroux dans Assis-toi pis rêve encore, l’histoire bien construite, attendrissante, mais un peu convenue d’un grincheux notoire (Vincent Champoux) à qui une rencontre inopinée avec son idole, un champion de course sur glace, redonnera le goût du bonheur.
Délirante relecture du mythe d’Orphée, L’amour au temps des souffleuses III : Le Retour du Kid de Jean-Michel Girouard avait tout pour être le conte le plus enlevant de cette édition. On a malheureusement perdu plusieurs bouts du récit foisonnant, la voix de Marc-Antoine Marceau étant couverte par le bruit de ses patins sur la surface synthétique ou par les chants retentissants de ses acolytes à des moments clés.
Drôle de choix de reprendre L’évangile selon Muriel, écrit par Maxime Robin, bonifié de plusieurs ajouts pour s’insérer dans la thématique « sur glace ». L’histoire, qui passe du quotidien dans un centre de soins palliatifs au récit détaillé d’une vie, était déjà dense, et les ajouts brouillent encore davantage les pistes. La livraison juste, mais plutôt monocorde d’Erika Gagnon ne parvient pas à rattraper l’affaire. La comédienne d’expérience sait pourtant mettre de la couleur dans son jeu, comme le démontre son interprétation d’un l’entraîneur véreux dans le dernier conte.
Campé en 1915, ce dernier segment intitulé Rapides et dangereuses (signé Maxime Robin) fait écho, comme à l’habitude, à l’ouverture du spectacle. Il met en vedette des hockeyeuses fluides, dont la grand-mère de Sophie Thibault, au temps de la Première Guerre mondiale. On frôle la fan fiction en collectant les rires à coups d’anachronismes et de phrases bien envoyées.
Cette conclusion énergique est bienvenue après une soirée qui s’étire un peu en longueur. Plusieurs contes dont la durée frôle la demi-heure auraient bénéficié d’une édition plus resserrée et d’une livraison avec davantage de relief. On renoue tout de même avec bonheur avec la tradition des Contes, en leur souhaitant d’autres années glorieuses.
Contes à passer le temps
Textes : Sophie Thibeault, Maxime Robin, Sophie Grenier-Héroux, Rosalie Cournoyer et Jean-Michel Girouard. Mise en scène : Maxime Robin. Conception sonore : Frédéric Brunet. Avec Erika Gagnon, Marc-Antoine Marceau, Vincent Champoux, Myriam Amrouche, Sophie Thibeault, Frédéric Brunet. Une production de La vierge folle présentée à la Maison Chevalier jusqu’au 30 décembre 2024.