En glaciale contrée scandinave, un peuple de femmes vikings, ou plutôt des viqueens, vit en harmonie avec la nature tout en semant la terreur autour de leurs terres et jusqu’à celles éloignées où, avides de victoires, de domination et de richesses, elles multiplient les raids. Le triumvirat mis en lumière par les autrices Laurie Léveillé et Laurence Laprise (la seconde signant aussi la mise en scène, assistée de la première) se compose de la cheffe aux dons surnaturels Ulfride, de la guerrière sanguinaire et invincible Svanhilde et de la stratège Frigg.
Ces trois femmes, habilement campées par Isabeau Blanche, Élodie Maher et Sally Sakho, attendent, à la suite d’une prophétie, l’arrivée de « l’élu », un reître redoutable qui les aidera à affronter le « Ragnarhomme », soit la fin du règne des femmes alors que ressurgiront leurs vis-à-vis masculins, jusqu’ici bannis sur une petite île qu’Ulfride visite une fois l’an afin d’assurer le renouvellement du clan par des naissances. Ce sauveur providentiel, Julien, viendra finalement du futur, soit de notre ère, où il aura remporté un concours permettant aux aspirants mâles alpha de jouer aux rustres dans une reconstitution historique d’un village viking. Comment ce concours s’est transmuté en voyage dans le temps ? Il est vaguement question d’un portail temporel…
Cette saga nordique repose sur le schéma classique de la quête et de la transformation : Julien devra se livrer à différentes épreuves pour prouver qu’il est bien le héros tant espéré et, ce faisant, passera du statut de nerd misogyne à celui d’allié courageux. Néanmoins, la trame narrative apparaît quelque peu alambiquée. Par moments, elle semble aussi tourner à vide, le déroulement des événements peinant à faire avancer véritablement l’action et à alimenter l’intérêt du spectateur ou de la spectatrice. Notons que la consultation préalable du « Lexique viqueen » offert sur le site du Centre du Théâtre d’Aujourd’hui augmente considérablement l’intelligibilité de la pièce.
Glorieuses valkyries
La proposition n’est pas sans rappeler celle de la Torontoise Erin Shields, Beau gars, offerte il y a deux ans dans la même salle, où les femmes détenaient tous les rôles de pouvoir au sein de la société et des productions culturelles, tandis que les hommes étaient réduits à leur valeur décorative et reproductive. Or la comparaison ne saurait être poussée plus loin, car le spectacle de 2023 s’appuyait sur une esthétique léchée et sur un récit, bien que composé de strates concentriques, limpide.
De fait, on s’étonne du manque de cohésion stylistique des costumes arborés par les héroïnes. Leur aspect bric-à-brac décrédibilise l’œuvre scénique proposée, et qu’il s’agisse d’une comédie ne change rien à l’affaire. Heureusement que les maquillages irisés de Karine Létourneau ainsi que les coiffures élaborées conçues par Mathieu Beauséjour apportent quelque cohérence à l’ensemble et quelque prestance aux protagonistes.
Bien entendu, si l’invisibilisation des femmes dans l’étude de l’histoire, un réel et important enjeu, est à la base de cette création — et en constitue, a contrario, l’un des principaux attraits —, Viqueens entretient ouvertement des ambitions comédiques. Des propos et parfois même le jeu délibérément outranciers visent cette finalité. Il en va de même de l’humour absurde déployé en abondance ainsi que de l’intégration (plus ou moins adroite) de multiples références à la culture populaire contemporaine (Astérix, les films Midsommar et Ésimésac, du Duché de Bicolline…). L’objectif de drôlerie est-il atteint ? Disons que certain·es membres du public devront se contenter de sourire çà et là. Il reste toutefois réjouissant de voir au théâtre des femmes plus grandes que nature faire leur loi, irradier de leur toute-puissance décomplexée.
Texte : Laurie Léveillé et Laurence Laprise. Mise en scène : Laurence Laprise, assistée de Laurie Léveillé. Conseils dramaturgiques : Olivier Morin. Scénographie et costumes : Camille Walsh. Maquillages : Karine Létourneau. Coiffures : Mathieu Beauséjour. Éclairages : Joëlle LeBlanc. Composition et environnement sonore : Laure Anderson. Accessoires : Élisabeth Coulon-Lafleur. Avec : Isabeau Blanche, Thomas Derasp-Verge, Élodie Maher, Sally Sakho et la voix de Guillaume Tremblay. Une production de Laurence Laprise et Laurie Léveillé en codiffusion avec le Centre du Théâtre d’Aujourd’hui, présentée à la salle Jean-Claude-Germain du Centre du Théâtre d’Aujourd’hui jusqu’au 16 février 2025.
En glaciale contrée scandinave, un peuple de femmes vikings, ou plutôt des viqueens, vit en harmonie avec la nature tout en semant la terreur autour de leurs terres et jusqu’à celles éloignées où, avides de victoires, de domination et de richesses, elles multiplient les raids. Le triumvirat mis en lumière par les autrices Laurie Léveillé et Laurence Laprise (la seconde signant aussi la mise en scène, assistée de la première) se compose de la cheffe aux dons surnaturels Ulfride, de la guerrière sanguinaire et invincible Svanhilde et de la stratège Frigg.
Ces trois femmes, habilement campées par Isabeau Blanche, Élodie Maher et Sally Sakho, attendent, à la suite d’une prophétie, l’arrivée de « l’élu », un reître redoutable qui les aidera à affronter le « Ragnarhomme », soit la fin du règne des femmes alors que ressurgiront leurs vis-à-vis masculins, jusqu’ici bannis sur une petite île qu’Ulfride visite une fois l’an afin d’assurer le renouvellement du clan par des naissances. Ce sauveur providentiel, Julien, viendra finalement du futur, soit de notre ère, où il aura remporté un concours permettant aux aspirants mâles alpha de jouer aux rustres dans une reconstitution historique d’un village viking. Comment ce concours s’est transmuté en voyage dans le temps ? Il est vaguement question d’un portail temporel…
Cette saga nordique repose sur le schéma classique de la quête et de la transformation : Julien devra se livrer à différentes épreuves pour prouver qu’il est bien le héros tant espéré et, ce faisant, passera du statut de nerd misogyne à celui d’allié courageux. Néanmoins, la trame narrative apparaît quelque peu alambiquée. Par moments, elle semble aussi tourner à vide, le déroulement des événements peinant à faire avancer véritablement l’action et à alimenter l’intérêt du spectateur ou de la spectatrice. Notons que la consultation préalable du « Lexique viqueen » offert sur le site du Centre du Théâtre d’Aujourd’hui augmente considérablement l’intelligibilité de la pièce.
Glorieuses valkyries
La proposition n’est pas sans rappeler celle de la Torontoise Erin Shields, Beau gars, offerte il y a deux ans dans la même salle, où les femmes détenaient tous les rôles de pouvoir au sein de la société et des productions culturelles, tandis que les hommes étaient réduits à leur valeur décorative et reproductive. Or la comparaison ne saurait être poussée plus loin, car le spectacle de 2023 s’appuyait sur une esthétique léchée et sur un récit, bien que composé de strates concentriques, limpide.
De fait, on s’étonne du manque de cohésion stylistique des costumes arborés par les héroïnes. Leur aspect bric-à-brac décrédibilise l’œuvre scénique proposée, et qu’il s’agisse d’une comédie ne change rien à l’affaire. Heureusement que les maquillages irisés de Karine Létourneau ainsi que les coiffures élaborées conçues par Mathieu Beauséjour apportent quelque cohérence à l’ensemble et quelque prestance aux protagonistes.
Bien entendu, si l’invisibilisation des femmes dans l’étude de l’histoire, un réel et important enjeu, est à la base de cette création — et en constitue, a contrario, l’un des principaux attraits —, Viqueens entretient ouvertement des ambitions comédiques. Des propos et parfois même le jeu délibérément outranciers visent cette finalité. Il en va de même de l’humour absurde déployé en abondance ainsi que de l’intégration (plus ou moins adroite) de multiples références à la culture populaire contemporaine (Astérix, les films Midsommar et Ésimésac, du Duché de Bicolline…). L’objectif de drôlerie est-il atteint ? Disons que certain·es membres du public devront se contenter de sourire çà et là. Il reste toutefois réjouissant de voir au théâtre des femmes plus grandes que nature faire leur loi, irradier de leur toute-puissance décomplexée.
Viqueens : saga nordique
Texte : Laurie Léveillé et Laurence Laprise. Mise en scène : Laurence Laprise, assistée de Laurie Léveillé. Conseils dramaturgiques : Olivier Morin. Scénographie et costumes : Camille Walsh. Maquillages : Karine Létourneau. Coiffures : Mathieu Beauséjour. Éclairages : Joëlle LeBlanc. Composition et environnement sonore : Laure Anderson. Accessoires : Élisabeth Coulon-Lafleur. Avec : Isabeau Blanche, Thomas Derasp-Verge, Élodie Maher, Sally Sakho et la voix de Guillaume Tremblay. Une production de Laurence Laprise et Laurie Léveillé en codiffusion avec le Centre du Théâtre d’Aujourd’hui, présentée à la salle Jean-Claude-Germain du Centre du Théâtre d’Aujourd’hui jusqu’au 16 février 2025.