Ancrée dans des situations familières, la nouvelle pièce de Simon Boudreault jette un regard humoristique et décalé sur des enjeux sociaux actuels. Elle emploie pourtant une forme, la comédie à tableaux, et un ton à la fois tendre et absurde qu’on a peu vu et entendu au théâtre dans la dernière décennie.
Les projets documentaires, les tragédies contemporaines, les comédies grinçantes et les récits déconstruits ou qui intègrent d’autres formes d’art sont légion dans le paysage théâtral actuel. Dis-moi qui tu es, je te dirai ce que tu dis syntonise un autre canal, plein de candeur – du moins de prime abord. La proposition se penche sur les relations interpersonnelles et les codes sociaux, loin des grands drames, des abus, des traumatismes, avec un humour, une efficacité et une sensibilité qui font réfléchir, mais surtout, qui font du bien.
Entre observation et introspection, l’auteur, qui joue aussi dans la pièce, met au jour les mécanismes à l’œuvre dans les conversations et exploite les enchaînements de pensées qui dérivent. Chaque tableau est une sorte d’étude de cas des interactions humaines : un admirateur qui aborde une autrice dans un café, une rencontre parent-enseignante, une entrevue d’embauche dans une quincaillerie, une pause-dîner entre collègues. Et chaque tableau contient un retournement inattendu, voire carrément délirant, qui décale la réalité et la retourne comme un gant. On est quelque part entre la pièce Les sept jours de Simon Labrosse et la série télévisée Black Mirror.
Un laboratoire bien rodé
Les interprètes se relaient pour interpréter les savoureux personnages principaux, mais, lorsqu’ils sont observateurs et narrateurs, ils revêtent des blouses blanches qui donnent à la pièce des allures de laboratoire humain. Les didascalies livrées à haute voix installent les ambiances, servent de ressorts comiques et ajoutent des couches aux dialogues bien construits et bien livrés.
Les personnages joués par Marie-Josée Bastien, Charles-Étienne Beaulne, Simon Boudreault, Gaïa Cherrat Naghshi et Hugues Frenette sont juste assez typés, avec quelques postures, expressions ou accent choisis et pleinement assumés. Ils maîtrisent les échanges dynamiques et les silences et tirent profit d’un jeu souvent physique. Tout est bien rodé, sans fausse note. On reconnaît la touche de la metteuse en scène Lorraine Côté dans cet heureux dosage de rythme, de folie et de vérité.
Le tout se déroule dans un décor chaleureux et polyvalent signé Vano Hotton, qui agence les teintes de terracotta et de vert olive, les murs accordéons et cercles colorés. Les ambiances musicales et lumineuses de Stéphane Caron et Jérôme Huot s’accordent aux tons variés des tableaux, alors que les costumes de Julie Lévesque campent tout à fait les personnalités de la pléthore d’individus qui défile.
Il y a nécessairement des tableaux qui résonnent plus que d’autres, mais le mélange d’absurde et d’observations justes, ainsi que l’harmonie générale de la proposition suscite facilement l’adhésion du public qui, chose rare, applaudit spontanément entre les scènes.
Joyeuse et comique, la pièce ne reste pourtant pas en surface et ne tente pas de faire la leçon. Entre autres trouvailles, imaginer un service de location d’ami ou un service de messagerie humaine pour mener les conversations difficiles a quelque chose d’attendrissant à une époque où certaines personnes discutent davantage avec l’IA qu’avec leurs proches. Le fossé qui sépare parfois la réalité des parents débordés et celle du personnel du système scolaire était un terreau fertile pour planter un délire autour d’une sculpture de pénis en pâte à modeler. Le constat, finalement, est simple : il y a mille manières de chercher et de trouver le bonheur – aussi bizarres soient-elles.
Texte : Simon Boudreault. Mise en scène : Lorraine Côté assistée de Thomas Royer. Décor : Vano Hotton. Costumes : Julie Lévesque. Musique : Stéphane Caron. Régie : Christian Garon. Éclairages : Jérôme Huot. Accessoires : Émilie Potvin. Avec Marie-Josée Bastien, Charles-Étienne Beaulne, Simon Boudreault, Gaïa Cherrat Naghshi et Hugues Frenette. Une coproduction de Théâtre La Bordée, du Théâtre Niveau Parking et de Simoniaques Théâtre présentée à La Bordée jusqu’au 22 mars 2025.
Ancrée dans des situations familières, la nouvelle pièce de Simon Boudreault jette un regard humoristique et décalé sur des enjeux sociaux actuels. Elle emploie pourtant une forme, la comédie à tableaux, et un ton à la fois tendre et absurde qu’on a peu vu et entendu au théâtre dans la dernière décennie.
Les projets documentaires, les tragédies contemporaines, les comédies grinçantes et les récits déconstruits ou qui intègrent d’autres formes d’art sont légion dans le paysage théâtral actuel. Dis-moi qui tu es, je te dirai ce que tu dis syntonise un autre canal, plein de candeur – du moins de prime abord. La proposition se penche sur les relations interpersonnelles et les codes sociaux, loin des grands drames, des abus, des traumatismes, avec un humour, une efficacité et une sensibilité qui font réfléchir, mais surtout, qui font du bien.
Entre observation et introspection, l’auteur, qui joue aussi dans la pièce, met au jour les mécanismes à l’œuvre dans les conversations et exploite les enchaînements de pensées qui dérivent. Chaque tableau est une sorte d’étude de cas des interactions humaines : un admirateur qui aborde une autrice dans un café, une rencontre parent-enseignante, une entrevue d’embauche dans une quincaillerie, une pause-dîner entre collègues. Et chaque tableau contient un retournement inattendu, voire carrément délirant, qui décale la réalité et la retourne comme un gant. On est quelque part entre la pièce Les sept jours de Simon Labrosse et la série télévisée Black Mirror.
Un laboratoire bien rodé
Les interprètes se relaient pour interpréter les savoureux personnages principaux, mais, lorsqu’ils sont observateurs et narrateurs, ils revêtent des blouses blanches qui donnent à la pièce des allures de laboratoire humain. Les didascalies livrées à haute voix installent les ambiances, servent de ressorts comiques et ajoutent des couches aux dialogues bien construits et bien livrés.
Les personnages joués par Marie-Josée Bastien, Charles-Étienne Beaulne, Simon Boudreault, Gaïa Cherrat Naghshi et Hugues Frenette sont juste assez typés, avec quelques postures, expressions ou accent choisis et pleinement assumés. Ils maîtrisent les échanges dynamiques et les silences et tirent profit d’un jeu souvent physique. Tout est bien rodé, sans fausse note. On reconnaît la touche de la metteuse en scène Lorraine Côté dans cet heureux dosage de rythme, de folie et de vérité.
Le tout se déroule dans un décor chaleureux et polyvalent signé Vano Hotton, qui agence les teintes de terracotta et de vert olive, les murs accordéons et cercles colorés. Les ambiances musicales et lumineuses de Stéphane Caron et Jérôme Huot s’accordent aux tons variés des tableaux, alors que les costumes de Julie Lévesque campent tout à fait les personnalités de la pléthore d’individus qui défile.
Il y a nécessairement des tableaux qui résonnent plus que d’autres, mais le mélange d’absurde et d’observations justes, ainsi que l’harmonie générale de la proposition suscite facilement l’adhésion du public qui, chose rare, applaudit spontanément entre les scènes.
Joyeuse et comique, la pièce ne reste pourtant pas en surface et ne tente pas de faire la leçon. Entre autres trouvailles, imaginer un service de location d’ami ou un service de messagerie humaine pour mener les conversations difficiles a quelque chose d’attendrissant à une époque où certaines personnes discutent davantage avec l’IA qu’avec leurs proches. Le fossé qui sépare parfois la réalité des parents débordés et celle du personnel du système scolaire était un terreau fertile pour planter un délire autour d’une sculpture de pénis en pâte à modeler. Le constat, finalement, est simple : il y a mille manières de chercher et de trouver le bonheur – aussi bizarres soient-elles.
Dis-moi qui tu es, je te dirai ce que tu dis
Texte : Simon Boudreault. Mise en scène : Lorraine Côté assistée de Thomas Royer. Décor : Vano Hotton. Costumes : Julie Lévesque. Musique : Stéphane Caron. Régie : Christian Garon. Éclairages : Jérôme Huot. Accessoires : Émilie Potvin. Avec Marie-Josée Bastien, Charles-Étienne Beaulne, Simon Boudreault, Gaïa Cherrat Naghshi et Hugues Frenette. Une coproduction de Théâtre La Bordée, du Théâtre Niveau Parking et de Simoniaques Théâtre présentée à La Bordée jusqu’au 22 mars 2025.