Carolanne Foucher est comédienne, dramaturge et poète. On lui doit trois recueils de poésie ainsi que la pièce Manipuler avec soin. Pour sa nouvelle œuvre, Ici par hasard au CTD’A, elle collabore une première fois avec le metteur en scène Cédrik Lapratte-Roy, directeur de la compagnie La moindre des choses.
La pièce traite de sujets graves comme le suicide et le deuil. Comme dramaturge comment en arrive-t-on à insérer de l’humour, même noir, dans un récit ?
C.F. : En s’inspirant de la vraie vie ! Il n’y a pas à chercher si loin pour mettre de l’humour dans les dialogues quand on écrit quelque chose de réaliste. On passe notre temps à dire des choses drôles, parfois on s’en rend compte, souvent ça nous passe 10 pieds par-dessus la tête. Je pense que les personnages ne se rendent pas compte qu’ils sont drôles, mais plutôt qu’ils incarnent quelque chose que le public reconnaît, et qui fait rire.
L.-R. : Comme le texte de Carolanne était déjà rempli de toutes ces pépites d’humour, habilement parsemées ici et là, mon travail a surtout été de guider les interprètes pour qu’ils et elles réussissent à naviguer tout aussi bien entre l’humour et le drame. On a surtout travaillé sur les dynamiques familiales, parce que c’est principalement à travers elles que le public pourra se reconnaître. Les personnages utilisent, sans même s’en rendre compte, l’humour comme un moyen d’éviter d’accéder à leur douleur… ou peut-être que c’est l’inverse ? Peut-être que c’est plutôt leur façon d’éviter d’accéder à leur douleur qui est drôle ?
La poésie peut exprimer ce qu’on n’arrive pas toujours à mettre en mots. Ce genre littéraire doit également être une voie utile pour aborder les sujets de la pièce ?
C.F. : Oui absolument. C’est d’ailleurs ce que j’ai fait dans mon recueil de poésie, Submersible, qui aborde des thématiques semblables. Dans Ici par hasard, la poésie se révèle plutôt dans la mise en scène, parce que les dialogues sont restés très terre-à-terre, très francs.
L.-R. : Ici par hasard est un texte aux dialogues très réalistes. Le jeu des interprètes est naturel, proche d’elles et d’eux. Mais malgré ce côté terre-à-terre, je trouvais qu’une forme de poésie émergeait de la proposition de Carolanne. Bien sûr, mon regard a été influencé par l’amour que je porte à ses recueils Deux et demie et Submersible. Je crois que j’ai surtout voulu rendre hommage à cette poésie et sublimer le réel par la mise en scène. C’était l’envie profonde que j’avais pour cette pièce. J’avais besoin d’explorer autre chose que ce sur quoi j’avais travaillé auparavant. De créer des images qui amplifient et mettent en lumière ce que les personnages taisent, ce qu’ils et elles n’arrivent pas à exprimer. Alors oui, la poésie se révèle surtout dans la mise en scène et permet de mettre en mots ce qui reste trop difficile à dire.
Comment s’est déroulée cette première collaboration entre vous ?
C.F. : Dans la confiance ! Cédrik m’a fait confiance pour tout ce qui a eu trait au texte, et quand il a été temps de passer le puck vers la mise en scène, j’ai pu lui rendre la pareille. Après ça, j’avoue que j’ai aussi été touchée qu’il vienne valider avec moi ses instincts au fur et à mesure du processus. Ça signifiait aussi qu’il avait confiance en moi, que l’ego était mis de côté et qu’on travaillait de pair à faire le meilleur show possible.
L.-R. : Dans la confiance ! (rires). C’est essentiel pour moi, dans tous mes projets, d’intégrer le plus de voix possible. Je veux que l’œuvre sur laquelle je travaille appartienne à toute l’équipe. Avant même qu’une seule ligne soit écrite, Carolanne et moi avions déjà échangé sur nos envies, nos désirs et notre équipe de rêve. Ce projet a été conçu sur mesure pour et par les personnes qui y ont contribué. Le groupe a su capter l’essence de la démarche de La moindre des choses, en insufflant ses thématiques au texte. Ensemble, on a réussi à bâtir une proposition à la hauteur de nos ambitions, portée par la famille qu’on a créée.
La tâche de bien rendre un texte naviguant entre les genres peut être aussi stimulante que difficile pour les interprètes. Parlez-nous d’eux et elles ?
C.F. : Des Ferrari ! Non ! Des Cadillac ! Non ! Vous savez quoi ? La culture du char est morte, alors laissez-moi plutôt comparer les interprètes à des moyens de transports plus nobles: Des Tramways ! Des vélos ! Des piétons ! Je dis vraiment ça pour souligner qu’ils et elles sont super bon∙nes. Il faut dire que les rôles ont été écrits pour chacun d’entre eux et elles, alors leur générosité d’interprète a tout changé au moment des laboratoires de création. Ils et elles maîtrisent vraiment la comédie ET le drame du spectacle. Je ne sais pas ce que serait Ici par hasard si il n’y avait pas Mary-Lee, Odile, Simon. De vrais tramways.
L.-R. : Qu’est-ce que je peux dire de plus ? Je suis vendu, je le sais. Mais honnêtement, ils et elles ont été incroyables tout au long du processus créatif. C’est un privilège de travailler avec ces interprètes. J’ai déjà hâte à Ici par hasard 2. C’est une blague il n’y aura pas de 2. Mais peut-être un autre projet, qui sait ?
Le budget du CALQ c’est ici et maintenant ou presque… mais comment le sous-financement vous a-t-il affecté∙e ces dernières années ?
C.F. : Eh boy ! De mon côté, je viens tout juste de commencer à réaliser que ce serait pas mal d’être payée pour écrire. C’est-à-dire que toutes mes œuvres (poésie comme théâtre) ont été écrites sans demander de subventions. J’ai fait mes premières demandes cette année, et elles se sont toutes soldées par un refus. La conséquence ? Ça retarde mon calendrier d’écriture parce que je n’ai plus les moyens d’écrire « gratuitement » comme avant. Mon prochain texte – un roman – est trop ambitieux pour être écrit sans subventions. C’est trop de temps investi; c’est un trop grand risque financier.
L.-R. : Pour ce qui sont des projets de La moindre des choses, ce n’est plus un secret : Terrain glissant, présenté l’an dernier, a été créé avec la modique somme de 0 $ de financement public. J’ai vidé mon compte CELI pour le produire, puis j’ai vécu un épuisement professionnel après le projet. Mais ma volonté de créer est immense, et mon optimisme est toujours bien vivant. Ici par hasard est le premier projet que je produis et mets en scène qui a reçu un soutien financier pour sa création. Il est appuyé par le CAM et le CAC. Évidemment, nous avons essuyé un refus du CALQ, mais ayant vécu pire, j’ai réussi à monter un budget réaliste pour mener le projet à terme. Cependant, ce sont les artistes qui écopent. Nous arrivons à nous rémunérer, mais pas à la hauteur de notre talent, ni d’une vie décente. Cela dit, je suis très fier de la proposition artistique d’Ici par hasard. Nous avons dû faire certains sacrifices, car il était primordial pour moi de prioriser la rémunération des collaborateurs et des collaboratrices. Grâce au talent des conceptrices, notre proposition reste, à mon humble avis, très forte dans les circonstances.
La pièce Ici par hasard est présentée au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui du 10 au 29 mars 2025.
Carolanne Foucher est comédienne, dramaturge et poète. On lui doit trois recueils de poésie ainsi que la pièce Manipuler avec soin. Pour sa nouvelle œuvre, Ici par hasard au CTD’A, elle collabore une première fois avec le metteur en scène Cédrik Lapratte-Roy, directeur de la compagnie La moindre des choses.
La pièce traite de sujets graves comme le suicide et le deuil. Comme dramaturge comment en arrive-t-on à insérer de l’humour, même noir, dans un récit ?
C.F. : En s’inspirant de la vraie vie ! Il n’y a pas à chercher si loin pour mettre de l’humour dans les dialogues quand on écrit quelque chose de réaliste. On passe notre temps à dire des choses drôles, parfois on s’en rend compte, souvent ça nous passe 10 pieds par-dessus la tête. Je pense que les personnages ne se rendent pas compte qu’ils sont drôles, mais plutôt qu’ils incarnent quelque chose que le public reconnaît, et qui fait rire.
L.-R. : Comme le texte de Carolanne était déjà rempli de toutes ces pépites d’humour, habilement parsemées ici et là, mon travail a surtout été de guider les interprètes pour qu’ils et elles réussissent à naviguer tout aussi bien entre l’humour et le drame. On a surtout travaillé sur les dynamiques familiales, parce que c’est principalement à travers elles que le public pourra se reconnaître. Les personnages utilisent, sans même s’en rendre compte, l’humour comme un moyen d’éviter d’accéder à leur douleur… ou peut-être que c’est l’inverse ? Peut-être que c’est plutôt leur façon d’éviter d’accéder à leur douleur qui est drôle ?
La poésie peut exprimer ce qu’on n’arrive pas toujours à mettre en mots. Ce genre littéraire doit également être une voie utile pour aborder les sujets de la pièce ?
C.F. : Oui absolument. C’est d’ailleurs ce que j’ai fait dans mon recueil de poésie, Submersible, qui aborde des thématiques semblables. Dans Ici par hasard, la poésie se révèle plutôt dans la mise en scène, parce que les dialogues sont restés très terre-à-terre, très francs.
L.-R. : Ici par hasard est un texte aux dialogues très réalistes. Le jeu des interprètes est naturel, proche d’elles et d’eux. Mais malgré ce côté terre-à-terre, je trouvais qu’une forme de poésie émergeait de la proposition de Carolanne. Bien sûr, mon regard a été influencé par l’amour que je porte à ses recueils Deux et demie et Submersible. Je crois que j’ai surtout voulu rendre hommage à cette poésie et sublimer le réel par la mise en scène. C’était l’envie profonde que j’avais pour cette pièce. J’avais besoin d’explorer autre chose que ce sur quoi j’avais travaillé auparavant. De créer des images qui amplifient et mettent en lumière ce que les personnages taisent, ce qu’ils et elles n’arrivent pas à exprimer. Alors oui, la poésie se révèle surtout dans la mise en scène et permet de mettre en mots ce qui reste trop difficile à dire.
Comment s’est déroulée cette première collaboration entre vous ?
C.F. : Dans la confiance ! Cédrik m’a fait confiance pour tout ce qui a eu trait au texte, et quand il a été temps de passer le puck vers la mise en scène, j’ai pu lui rendre la pareille. Après ça, j’avoue que j’ai aussi été touchée qu’il vienne valider avec moi ses instincts au fur et à mesure du processus. Ça signifiait aussi qu’il avait confiance en moi, que l’ego était mis de côté et qu’on travaillait de pair à faire le meilleur show possible.
L.-R. : Dans la confiance ! (rires). C’est essentiel pour moi, dans tous mes projets, d’intégrer le plus de voix possible. Je veux que l’œuvre sur laquelle je travaille appartienne à toute l’équipe. Avant même qu’une seule ligne soit écrite, Carolanne et moi avions déjà échangé sur nos envies, nos désirs et notre équipe de rêve. Ce projet a été conçu sur mesure pour et par les personnes qui y ont contribué. Le groupe a su capter l’essence de la démarche de La moindre des choses, en insufflant ses thématiques au texte. Ensemble, on a réussi à bâtir une proposition à la hauteur de nos ambitions, portée par la famille qu’on a créée.
La tâche de bien rendre un texte naviguant entre les genres peut être aussi stimulante que difficile pour les interprètes. Parlez-nous d’eux et elles ?
C.F. : Des Ferrari ! Non ! Des Cadillac ! Non ! Vous savez quoi ? La culture du char est morte, alors laissez-moi plutôt comparer les interprètes à des moyens de transports plus nobles: Des Tramways ! Des vélos ! Des piétons ! Je dis vraiment ça pour souligner qu’ils et elles sont super bon∙nes. Il faut dire que les rôles ont été écrits pour chacun d’entre eux et elles, alors leur générosité d’interprète a tout changé au moment des laboratoires de création. Ils et elles maîtrisent vraiment la comédie ET le drame du spectacle. Je ne sais pas ce que serait Ici par hasard si il n’y avait pas Mary-Lee, Odile, Simon. De vrais tramways.
L.-R. : Qu’est-ce que je peux dire de plus ? Je suis vendu, je le sais. Mais honnêtement, ils et elles ont été incroyables tout au long du processus créatif. C’est un privilège de travailler avec ces interprètes. J’ai déjà hâte à Ici par hasard 2. C’est une blague il n’y aura pas de 2. Mais peut-être un autre projet, qui sait ?
Le budget du CALQ c’est ici et maintenant ou presque… mais comment le sous-financement vous a-t-il affecté∙e ces dernières années ?
C.F. : Eh boy ! De mon côté, je viens tout juste de commencer à réaliser que ce serait pas mal d’être payée pour écrire. C’est-à-dire que toutes mes œuvres (poésie comme théâtre) ont été écrites sans demander de subventions. J’ai fait mes premières demandes cette année, et elles se sont toutes soldées par un refus. La conséquence ? Ça retarde mon calendrier d’écriture parce que je n’ai plus les moyens d’écrire « gratuitement » comme avant. Mon prochain texte – un roman – est trop ambitieux pour être écrit sans subventions. C’est trop de temps investi; c’est un trop grand risque financier.
L.-R. : Pour ce qui sont des projets de La moindre des choses, ce n’est plus un secret : Terrain glissant, présenté l’an dernier, a été créé avec la modique somme de 0 $ de financement public. J’ai vidé mon compte CELI pour le produire, puis j’ai vécu un épuisement professionnel après le projet. Mais ma volonté de créer est immense, et mon optimisme est toujours bien vivant. Ici par hasard est le premier projet que je produis et mets en scène qui a reçu un soutien financier pour sa création. Il est appuyé par le CAM et le CAC. Évidemment, nous avons essuyé un refus du CALQ, mais ayant vécu pire, j’ai réussi à monter un budget réaliste pour mener le projet à terme. Cependant, ce sont les artistes qui écopent. Nous arrivons à nous rémunérer, mais pas à la hauteur de notre talent, ni d’une vie décente. Cela dit, je suis très fier de la proposition artistique d’Ici par hasard. Nous avons dû faire certains sacrifices, car il était primordial pour moi de prioriser la rémunération des collaborateurs et des collaboratrices. Grâce au talent des conceptrices, notre proposition reste, à mon humble avis, très forte dans les circonstances.
La pièce Ici par hasard est présentée au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui du 10 au 29 mars 2025.