JEU des 5 questions

Cinq questions à François Archambault

© André O’Neil

François Archambault présente, jusqu’au 23 mai à la Licorne, sa nouvelle pièce, Possessions. Fêtant cette année ses 30 ans de carrière, l’auteur de théâtre a voulu, à travers cette création, évoquer de grandes thématiques telles que la relation entre une mère et son fils, le deuil ou encore le poids des finances. Le tout, dans une formule 5@7 où l’humour est aussi au rendez-vous. Il répond aux questions de Jeu.

Comment vous est venue l’idée de spectacles ? Quelles en sont les origines ?

Marc-André Thibault m’a approché parce qu’il voulait faire une formule 5@7. C’est un format importé d’Irlande et d’Écosse avec lequel je suis familier. Là-bas, ils appellent cela « a play a pie a pinte ». Souvent, ça se passe dans des bars ou des restaurants au moment où les gens sortent du travail et qu’ils veulent décompresser. J’avais traduit une pièce qui avait été créée pour ce genre de formule qui dure 1 h environ, qui propose souvent une pièce légère dans la production, mais aussi dans le ton puisque les gens boivent un verre en même temps.

Pour Possessions, j’ai rapidement eu envie de parler de la relation entre une mère et un fils, mais puisque je trouvais que l’écart d’âge entre les comédiens n’était pas si grand, si flagrant, j’ai finalement eu l’idée que la mère était décédée et qu’elle décidait de renouer contact avec son fils en prenant possession de quelqu’un d’autre pour pouvoir lui parler. J’avais aussi envie de donner un défi d’interprétation à Marie-Hélène Thibault qui doit jouer deux personnages, et des scènes de ressemblent parfois à de l’exorcisme (rires) !

Le personnage principal, Marc, doit jongler entre plusieurs emplois pour subvenir à ses besoins et ceux de sa famille. Pourquoi avoir voulu parler d’argent, de finances personnelles ? Est-ce selon vous une thématique encore taboue dans notre société ?

Ça me vient de mes propres inquiétudes pour mes enfants qui deviennent en ce moment de jeunes adultes et je vois qu’ils sont préoccupés, que la réalité a complètement changé. Nous, quand on était étudiants, tout était beaucoup plus abordable que maintenant. Avec le temps, on se rend compte qu’à notre époque, notre duplex était une aubaine, même si on a dû se serrer la ceinture. Avec les prix d’aujourd’hui, par sûr que nous, en tant qu’auteur et comédienne, on pourrait avoir accès à la propriété. C’est donc un sujet qui m’intéresse.

La question de l’argent me permettait aussi de parler de la place du parent lorsqu’on son enfant est en difficulté. Faut-il intervenir ou le laisser se débrouiller ? Est-ce lui rendre service que de l’aider à chaque fois ? La mère dans Possessions est dans cette situation où elle veut aider son fils au début puis finalement, elle se rend compte qu’il est suffisamment débrouillard et que l’appuyer pourrait lui nuire.

C’est en creusant la relation entre la mère et le fils que ces thèmes se sont développés.

Une des autres thématiques est le deuil. Pourquoi avoir voulu en parler ?

On parle du deuil de différentes manières : le fils qui doit laisser partir sa mère, les retrouvailles, le regret de la mère de quitter sa vie, mais aussi de tout ce qu’elle ne pourra pas faire, par exemple être présente pour ses petits-enfants. Ainsi, le deuil est abordé de plusieurs façons et point de vue, la personne qu’on a perdue, la vie qu’on a vécu.

Je pensais que le ton de la pièce était léger, plutôt dans la comédie, mais quand on a fait la première lecture, je me suis rendu compte qu’il y avait de l’émotion dans le spectacle.

Pourquoi faire le choix d’utiliser l’humour pour aborder des sujets sérieux ?

Dans tout ce que j’écris, il y a de l’humour, même si on parle de choses graves. Pour moi, c’est une nécessité de faire coexister le drame et la comédie. Être sur cette ligne mince entre les deux, mais que les choses soient vraies, c’est vraiment quelque chose qui m’intéresse. Dans mon cas, la comédie passe plutôt dans l’étonnement. Dans ma recherche, je ne vise pas à créer des effets comiques, mais plutôt à trouver des comportements surprenants, ou l’angle absurde d’une situation.

L’humour amène aussi une distance et fait que le public est plus disponible au drame. Une fois qu’on a ri, on est surpris quand le drame arrive. J’aime jouer un peu avec le spectateur.

La pièce souhaite-t-elle dénoncer une vie trop matérialiste ?

Il n’y a pas de message. Quand on parle de relation parent-enfant, de mort, ça force les gens à revisiter leur propre histoire. Pour moi, il n’y a pas de morale ou de sens particulier à donner. C’est une histoire dans laquelle j’espère que les gens peuvent puiser. Dans la fiction, comme dans la réalité, une personne reçoit les choses par son propre prisme, ses références. Donc même si on veut insuffler un sens, quelqu’un peut le lire de manière complètement différente. Je cherche à raconter une histoire qui parle aux gens, qui alimente une réflexion, mais je ne suis pas maitre de celle-ci.

Ce qui me motive, c’est de mettre les personnages face à des dilemmes moraux. Je crois que la fiction permet aux spectateurs de se projeter dans les personnages et de se demander ce qu’ils feraient s’ils se retrouvaient dans la même situation que ceux-ci.

C’est un jeu que le spectateur accepte de jouer avec les comédiens, une simulation de vie dans laquelle ils peuvent se projeter. Ici, la question de l’argent a de l’importance, bien sûr. Mais il est aussi question de présence parentale et d’amour. Comment est-on un bon parent ? Et la question de la possession est intéressante parce qu’elle amène une question éthique un peu ésotérique. Si vous pouviez prendre le corps de quelqu’un pour avoir une deuxième vie et une chance de corriger les erreurs du passé, seriez-vous tenté de le faire ? Même si ça veut dire voler la vie de quelqu’un d’autre ?

Possessions est présentée à la Licorne jusqu’au 23 mai 2025.