Il y a quelque chose de profondément déroutant dans Jamais dire jamais, la nouvelle création d’Agathe Foucault présentée au Théâtre Aux Écuries et produite par L’Anniversaire. Dès les premiers instants, on ne sait pas vraiment où l’on va. Sur scène, cinq femmes sont réunies dans un camp de retraite pour adultes, le Camp de l’imaginaire. Toutes sont dans la fuite d’un quotidien certainement trop millimétré, trop contraignant, trop pesant.
Bientôt, elles sont rejointes par une sixième, une petite nouvelle qu’on préférera appeler Medusa. Elles s’amusent ensemble, établissent des règles pour défaire les règles, débattent, toujours dans un souci d’horizontalité. Le temps s’étire, ou plutôt, il perd son sens, et la retraite n’en finit jamais. Nous, spectateurs, restons-là, à esquisser des sourires et des gloussements, à observer cette étrangeté qui s’installe, sans trop savoir si on doit rire aux éclats ou s’inquiéter.
Et puis, lentement, quelque chose se dépose. L’humour crépite dans des répliques mordantes, des jeux sans queue ni tête, dans ces tentatives maladroites d’animer une utopie. Mais qui sont ces femmes, au juste? D’où viennent-elles? Que fuient-elles exactement? On ne saura pas grand-chose de leur vie d’avant, si ce n’est quelques détails distillés au détour d’une conversation. Pendant une heure et demie, le public reste le simple témoin de leur cohabitation, de leurs désirs de briser les codes d’une société étouffante, de cette aspiration presque naïve à faire durer une paix relative. Ce refus de la psychologie et cette volonté de ne montrer que la fugacité font de Jamais dire jamais une œuvre singulière.
Cette bizarrerie assumée crée ainsi un espace où l’ordinaire bascule doucement vers l’onirique. Agathe Foucault ne fait pas dans la démonstration. On croirait presque qu’elle filme ce qui se passe dans la tête quand on évite de rentrer chez soi, quand on s’accroche à l’idée du groupe féminin, de la sororité, comme à un radeau.
Les six comédiennes — Jade Barshee, Clémence Eugène Dufresne-Deslières, Zoé Girard, Catherine Lapointe, Dominique Leduc et Katia Lévesque — relèvent le défi avec éloquence. Chacune incarne une originalité, un corps, une vision, une manière unique d’être au monde. Leurs personnalités si différentes, parfois discordantes, créent une mosaïque étonnamment cohérente. On sent la troupe, le collectif qui respire d’un même souffle dans les dissonances et les contradictions.
Jamais dire jamais parle d’amitié sans jamais en prononcer le nom, de la puissance d’être ensemble, de former un tout hétérogène, avec des failles et des impasses, tout comme, et surtout, des moments de grâce. Mais peut-on, accompagnées par ces femmes, vraiment aller à l’encontre de la société, envers et contre tout, sans s’épuiser? En sortant de la salle, on emporte avec soi un constat diffus : finalement, ce n’est peut-être pas à l’écart du monde, isolées, qu’on peut espérer le sauver, mais en restant ensemble, fortes de notre individualité.
Écriture et mise en scène : Agathe Foucault. Interprétation : Jade Barshee, Clémence Eugène Dufresne-Deslières, Zoé Girard, Catherine Lapointe, Dominique Leduc et Katia Lévesque. Assistance à la mise en scène : Diamanto Kyrkas. Conseil dramaturgique : Mathilde Benignus. Scénographie : Joanna Gourdin. Conception d’éclairages et régie : Ariane Roy. Composition sonore : Vincent Fillion. Conception des costumes : Manon Guiraud. Conception des accessoires : Rosalie Rousseau. Direction de production : Maude-Éloïse Brault. Une production de L’Anniversaire : Agathe Foucault et Marc-André Trépanier. Présentée au Théâtre Aux Écuries jusqu’au 25 octobre 2025.
Il y a quelque chose de profondément déroutant dans Jamais dire jamais, la nouvelle création d’Agathe Foucault présentée au Théâtre Aux Écuries et produite par L’Anniversaire. Dès les premiers instants, on ne sait pas vraiment où l’on va. Sur scène, cinq femmes sont réunies dans un camp de retraite pour adultes, le Camp de l’imaginaire. Toutes sont dans la fuite d’un quotidien certainement trop millimétré, trop contraignant, trop pesant.
Bientôt, elles sont rejointes par une sixième, une petite nouvelle qu’on préférera appeler Medusa. Elles s’amusent ensemble, établissent des règles pour défaire les règles, débattent, toujours dans un souci d’horizontalité. Le temps s’étire, ou plutôt, il perd son sens, et la retraite n’en finit jamais. Nous, spectateurs, restons-là, à esquisser des sourires et des gloussements, à observer cette étrangeté qui s’installe, sans trop savoir si on doit rire aux éclats ou s’inquiéter.
Et puis, lentement, quelque chose se dépose. L’humour crépite dans des répliques mordantes, des jeux sans queue ni tête, dans ces tentatives maladroites d’animer une utopie. Mais qui sont ces femmes, au juste? D’où viennent-elles? Que fuient-elles exactement? On ne saura pas grand-chose de leur vie d’avant, si ce n’est quelques détails distillés au détour d’une conversation. Pendant une heure et demie, le public reste le simple témoin de leur cohabitation, de leurs désirs de briser les codes d’une société étouffante, de cette aspiration presque naïve à faire durer une paix relative. Ce refus de la psychologie et cette volonté de ne montrer que la fugacité font de Jamais dire jamais une œuvre singulière.
Cette bizarrerie assumée crée ainsi un espace où l’ordinaire bascule doucement vers l’onirique. Agathe Foucault ne fait pas dans la démonstration. On croirait presque qu’elle filme ce qui se passe dans la tête quand on évite de rentrer chez soi, quand on s’accroche à l’idée du groupe féminin, de la sororité, comme à un radeau.
Les six comédiennes — Jade Barshee, Clémence Eugène Dufresne-Deslières, Zoé Girard, Catherine Lapointe, Dominique Leduc et Katia Lévesque — relèvent le défi avec éloquence. Chacune incarne une originalité, un corps, une vision, une manière unique d’être au monde. Leurs personnalités si différentes, parfois discordantes, créent une mosaïque étonnamment cohérente. On sent la troupe, le collectif qui respire d’un même souffle dans les dissonances et les contradictions.
Jamais dire jamais parle d’amitié sans jamais en prononcer le nom, de la puissance d’être ensemble, de former un tout hétérogène, avec des failles et des impasses, tout comme, et surtout, des moments de grâce. Mais peut-on, accompagnées par ces femmes, vraiment aller à l’encontre de la société, envers et contre tout, sans s’épuiser? En sortant de la salle, on emporte avec soi un constat diffus : finalement, ce n’est peut-être pas à l’écart du monde, isolées, qu’on peut espérer le sauver, mais en restant ensemble, fortes de notre individualité.
Jamais dire jamais
Écriture et mise en scène : Agathe Foucault. Interprétation : Jade Barshee, Clémence Eugène Dufresne-Deslières, Zoé Girard, Catherine Lapointe, Dominique Leduc et Katia Lévesque. Assistance à la mise en scène : Diamanto Kyrkas. Conseil dramaturgique : Mathilde Benignus. Scénographie : Joanna Gourdin. Conception d’éclairages et régie : Ariane Roy. Composition sonore : Vincent Fillion. Conception des costumes : Manon Guiraud. Conception des accessoires : Rosalie Rousseau. Direction de production : Maude-Éloïse Brault. Une production de L’Anniversaire : Agathe Foucault et Marc-André Trépanier. Présentée au Théâtre Aux Écuries jusqu’au 25 octobre 2025.