« Veuillez noter que ce spectacle contient des descriptions de gestes médicaux sensibles et graphiques, des effets stroboscopiques et un grand volume de fumée. »
Je l’avais lu, cet avertissement. Je l’avais même survolé avec la légèreté de quelqu’un de sensible, certes, mais qui pense pouvoir accueillir pas mal de choses. Et puis la description de la pièce m’intriguait, même si je n’ai pas lu Akira Yoshimura. Assise sur mon siège dans la pénombre de la salle de spectacle, j’ai vite compris qu’il fallait le prendre au sérieux, cet avertissement. Pas parce que la pièce que je m’apprêtais à voir cherche le choc facile, pas du tout, mais parce qu’elle plonge au cœur d’une histoire où la mort regarde droit dans les yeux, où le corps vulnérable persiste, où la conscience se déplace dans un territoire qui soit est encore très humain, soit ne l’est plus du tout. Tout ça est toujours un peu flou dans mon esprit.
Adaptée d’une nouvelle de l’auteur japonais, La jeune fille suppliciée sur une étagère nous parle d’une adolescente fauchée par une pneumonie fulgurante, lucide dans la mort, témoin muette et impuissante des décisions prises pour elle, sur elle. Il y a celles de parents acculés par la pauvreté, celles d’hommes qui achètent son corps, celles d’une institution médicale qui décompose son cadavre en matériau d’étude. Dans cette traversée, ce ne sont pas seulement les gestes techniques qui heurtent, mais les strates de domination sociale, l’objectivation du corps féminin, l’indifférence qui accompagne l’inégalité. Un engourdissement.
La voix de Larissa Corriveau m’a atteinte d’une manière inattendue. Grâce à un dispositif sonore d’une précision troublante, sa parole semblait provenir de l’intérieur. Comme un refuge ? Sa performance, d’une intensité à la fois spectrale et très incarnée, installe d’emblée une présence vibrante qui n’a rien d’inerte. Nous assistons aux transformations et maltraitances successives imposées au cadavre de la jeune fille grâce à une mise en scène qui embrasse l’audace.
Cédric Delorme-Bouchard, fidèle à sa démarche d’écritures scéniques atypiques, articule ici un langage total où la lumière, les écrans et le son ne forment qu’un seul organisme scénographique. Les images, les textures lumineuses, les costumes — tout est étrange, cru, froid — participent à cette sensation d’immersion irréelle qui peut justement conduire à une certaine déréalisation. Un couloir de chair et de fumée. La présence d’une musique et de sonorités glaciales et abrasives ancre l’ensemble dans une atmosphère qui relève du fantastique, de ce qui est clinique.
L’ombre de ma propre vulnérabilité a fini par prendre le dessus. Une montée vertigineuse. Je n’ai pas vu la seconde moitié. Une employée du théâtre, d’une douceur infinie, m’a raconté ce que je manquais alors que je tentais de reprendre mon souffle dans la pièce adjacente. Elle m’a dit que Jennyfer Desbiens arrivait sur scène à ce moment-là, qu’il y avait, je crois, des paillettes. Un peu d’espoir, peut-être ? Il me manque donc un pan entier de la représentation, un morceau que d’autres ont vu et que je ne connaîtrai pas. Pourtant, j’ai l’impression d’avoir reçu, et conservé, une part du récit. La pièce qui, je le pense, est très réussie, continue de m’habiter.
Création : Chambre noire. Coproduction : Trillium et Prospero. Texte : Akira Yoshimura. Traduction : Rose-Marie Makino-Fayolle. Adaptation : Evelyne de la Chenelière. Idéation et mise en scène : Cédric Delorme-Bouchard. Avec : Larissa Corriveau et Jennyfer Desbiens. Scénographie et lumière : Cédric Delorme-Bouchard. Costumes : Marie-Audrey Jacques. Conception sonore et conception du système motorisé : Simon Gauthier. Conception vidéo : Pierre Antoine Lafon Simard. Maquillages et coiffures : Angelo Barsetti. Effets spéciaux : Olivier Proulx. Conseil au mouvement : Danielle Lecourtois. Dramaturgie : William Durbau. Assistance à la mise en scène : Hélody Dupont-Proulx. Ritualiste : Christelle Franca. Consultante culturelle : Aki Matsushita. Extraits musicaux : Marie Davidson et Essaie pas. Régie : Thomas Lapointe. Assistance au son : Pierre Tripard. Assistance à la scénographie : Charlotte St-Amour. Assistance aux costumes : Charlotte Maréchal. Coupe des costumes : Paul Rose. Design 3D du système motorisé : Patricia Boutin. Programmation du système motorisé : Nicolas Comtois. Studio d’enregistrement : La salle des machines. Direction technique : Jocelyn Proulx. Coordination de production (Théâtre du Trillium) : Stella Chayer-Demers. Une pièce à voir au Théâtre Prospero du 18 novembre au 6 décembre 2025.
« Veuillez noter que ce spectacle contient des descriptions de gestes médicaux sensibles et graphiques, des effets stroboscopiques et un grand volume de fumée. »
Je l’avais lu, cet avertissement. Je l’avais même survolé avec la légèreté de quelqu’un de sensible, certes, mais qui pense pouvoir accueillir pas mal de choses. Et puis la description de la pièce m’intriguait, même si je n’ai pas lu Akira Yoshimura. Assise sur mon siège dans la pénombre de la salle de spectacle, j’ai vite compris qu’il fallait le prendre au sérieux, cet avertissement. Pas parce que la pièce que je m’apprêtais à voir cherche le choc facile, pas du tout, mais parce qu’elle plonge au cœur d’une histoire où la mort regarde droit dans les yeux, où le corps vulnérable persiste, où la conscience se déplace dans un territoire qui soit est encore très humain, soit ne l’est plus du tout. Tout ça est toujours un peu flou dans mon esprit.
Adaptée d’une nouvelle de l’auteur japonais, La jeune fille suppliciée sur une étagère nous parle d’une adolescente fauchée par une pneumonie fulgurante, lucide dans la mort, témoin muette et impuissante des décisions prises pour elle, sur elle. Il y a celles de parents acculés par la pauvreté, celles d’hommes qui achètent son corps, celles d’une institution médicale qui décompose son cadavre en matériau d’étude. Dans cette traversée, ce ne sont pas seulement les gestes techniques qui heurtent, mais les strates de domination sociale, l’objectivation du corps féminin, l’indifférence qui accompagne l’inégalité. Un engourdissement.
La voix de Larissa Corriveau m’a atteinte d’une manière inattendue. Grâce à un dispositif sonore d’une précision troublante, sa parole semblait provenir de l’intérieur. Comme un refuge ? Sa performance, d’une intensité à la fois spectrale et très incarnée, installe d’emblée une présence vibrante qui n’a rien d’inerte. Nous assistons aux transformations et maltraitances successives imposées au cadavre de la jeune fille grâce à une mise en scène qui embrasse l’audace.
Cédric Delorme-Bouchard, fidèle à sa démarche d’écritures scéniques atypiques, articule ici un langage total où la lumière, les écrans et le son ne forment qu’un seul organisme scénographique. Les images, les textures lumineuses, les costumes — tout est étrange, cru, froid — participent à cette sensation d’immersion irréelle qui peut justement conduire à une certaine déréalisation. Un couloir de chair et de fumée. La présence d’une musique et de sonorités glaciales et abrasives ancre l’ensemble dans une atmosphère qui relève du fantastique, de ce qui est clinique.
L’ombre de ma propre vulnérabilité a fini par prendre le dessus. Une montée vertigineuse. Je n’ai pas vu la seconde moitié. Une employée du théâtre, d’une douceur infinie, m’a raconté ce que je manquais alors que je tentais de reprendre mon souffle dans la pièce adjacente. Elle m’a dit que Jennyfer Desbiens arrivait sur scène à ce moment-là, qu’il y avait, je crois, des paillettes. Un peu d’espoir, peut-être ? Il me manque donc un pan entier de la représentation, un morceau que d’autres ont vu et que je ne connaîtrai pas. Pourtant, j’ai l’impression d’avoir reçu, et conservé, une part du récit. La pièce qui, je le pense, est très réussie, continue de m’habiter.
La jeune fille suppliciée sur une étagère
Création : Chambre noire. Coproduction : Trillium et Prospero. Texte : Akira Yoshimura. Traduction : Rose-Marie Makino-Fayolle. Adaptation : Evelyne de la Chenelière. Idéation et mise en scène : Cédric Delorme-Bouchard. Avec : Larissa Corriveau et Jennyfer Desbiens. Scénographie et lumière : Cédric Delorme-Bouchard. Costumes : Marie-Audrey Jacques. Conception sonore et conception du système motorisé : Simon Gauthier. Conception vidéo : Pierre Antoine Lafon Simard. Maquillages et coiffures : Angelo Barsetti. Effets spéciaux : Olivier Proulx. Conseil au mouvement : Danielle Lecourtois. Dramaturgie : William Durbau. Assistance à la mise en scène : Hélody Dupont-Proulx. Ritualiste : Christelle Franca. Consultante culturelle : Aki Matsushita. Extraits musicaux : Marie Davidson et Essaie pas. Régie : Thomas Lapointe. Assistance au son : Pierre Tripard. Assistance à la scénographie : Charlotte St-Amour. Assistance aux costumes : Charlotte Maréchal. Coupe des costumes : Paul Rose. Design 3D du système motorisé : Patricia Boutin. Programmation du système motorisé : Nicolas Comtois. Studio d’enregistrement : La salle des machines. Direction technique : Jocelyn Proulx. Coordination de production (Théâtre du Trillium) : Stella Chayer-Demers. Une pièce à voir au Théâtre Prospero du 18 novembre au 6 décembre 2025.