Porgy and Bess fait partie de ces opéras mal-aimés. Les puristes le considèrent trop «comédie musicale» et les jazzophiles qui ont découvert son existence à travers une des nombreuses relectures de Summertime trouveront peut-être le dispositif scénique un peu lourd. Le propos – un portrait de l’Amérique noire des années 1930, écrit par un Blanc qui mourra millionnaire – fera en grincer des dents certains. Pourtant, si l’on accepte de laisser ses préjugés chez soi, cette production de Porgy and Bess, présentée à guichet fermé à cinq reprises – un exploit, à Montréal! – devrait rallier tous les suffrages.
La distribution, entièrement noire (hormis quelques petits rôles parlés, plus que secondaires), se révèle impeccable. Avec son baryton riche, Kenneth Overton campe un Porgy digne malgré son handicap, capable de tout pour défendre Bess, superbement interprétée par Measha Brueggergosman, très en voix et actrice consommée. Lester Lynch instille toute la brutalité et la cruauté nécessaires au personnage de l’abominable Crown (à tel point que l’on a senti une légère hésitation de la foule avant qu’elle ne l’applaudisse chaleureusement lors des saluts finaux). Jermaine Smith en Sportin’ Life, le revendeur de cocaïne («happy dust») qui dessert Catfish Row, à la fois suave et terriblement comique, adoptant certaines poses qui évoquent Sammy Davis Jr, est plus grand que nature. Marie-Josée Lord démontre puissance et subtilité dans le rôle de Serena, nous livrant notamment un My Man’s Gone Now débordant d’un vérisme que n’aurait pas renié Puccini. Il ne faudrait surtout pas passer sous silence le travail remarquable du Montreal Jubilation Gospel Choir, préparé par Trevor Payne.
Lemuel Wade a opté pour une mise en scène représentative d’une époque plutôt qu’inutilement modernisée, ce qui sied au propos et offre le détachement nécessaire pour plonger dans l’histoire. Les mouvements de foule sont bien réglés et on ressent le même plaisir, que Catfish Row déborde d’activité ou que Porgy et Bess vivent un moment d’intimité (superbe complicité dans Bess,You Is My Woman Now). Les éclairages d’Anne-Catherine Simard-Deraspe s’avèrent d’un grand raffinement, comme cet habillage particulièrement magique du chœur, entre les deuxième et troisième actes, qui restera gravé dans les mémoires.
Porgy and Bess. Livret de DuBose Heyward. Musique de George Gershwin.Mise en scène de Lemuel Wade. À l’Opéra de Montréal jusqu’au 3 février 2014.
Porgy and Bess fait partie de ces opéras mal-aimés. Les puristes le considèrent trop «comédie musicale» et les jazzophiles qui ont découvert son existence à travers une des nombreuses relectures de Summertime trouveront peut-être le dispositif scénique un peu lourd. Le propos – un portrait de l’Amérique noire des années 1930, écrit par un Blanc qui mourra millionnaire – fera en grincer des dents certains. Pourtant, si l’on accepte de laisser ses préjugés chez soi, cette production de Porgy and Bess, présentée à guichet fermé à cinq reprises – un exploit, à Montréal! – devrait rallier tous les suffrages.
La distribution, entièrement noire (hormis quelques petits rôles parlés, plus que secondaires), se révèle impeccable. Avec son baryton riche, Kenneth Overton campe un Porgy digne malgré son handicap, capable de tout pour défendre Bess, superbement interprétée par Measha Brueggergosman, très en voix et actrice consommée. Lester Lynch instille toute la brutalité et la cruauté nécessaires au personnage de l’abominable Crown (à tel point que l’on a senti une légère hésitation de la foule avant qu’elle ne l’applaudisse chaleureusement lors des saluts finaux). Jermaine Smith en Sportin’ Life, le revendeur de cocaïne («happy dust») qui dessert Catfish Row, à la fois suave et terriblement comique, adoptant certaines poses qui évoquent Sammy Davis Jr, est plus grand que nature. Marie-Josée Lord démontre puissance et subtilité dans le rôle de Serena, nous livrant notamment un My Man’s Gone Now débordant d’un vérisme que n’aurait pas renié Puccini. Il ne faudrait surtout pas passer sous silence le travail remarquable du Montreal Jubilation Gospel Choir, préparé par Trevor Payne.
Lemuel Wade a opté pour une mise en scène représentative d’une époque plutôt qu’inutilement modernisée, ce qui sied au propos et offre le détachement nécessaire pour plonger dans l’histoire. Les mouvements de foule sont bien réglés et on ressent le même plaisir, que Catfish Row déborde d’activité ou que Porgy et Bess vivent un moment d’intimité (superbe complicité dans Bess,You Is My Woman Now). Les éclairages d’Anne-Catherine Simard-Deraspe s’avèrent d’un grand raffinement, comme cet habillage particulièrement magique du chœur, entre les deuxième et troisième actes, qui restera gravé dans les mémoires.
Porgy and Bess. Livret de DuBose Heyward. Musique de George Gershwin.Mise en scène de Lemuel Wade. À l’Opéra de Montréal jusqu’au 3 février 2014.