Le bus d’Ubus Théâtre est un subterfuge, un habile camouflage, car dès que la porte se referme sur nous, les agents de bord (Agnès Zacharie, Pierre Robitaille) et le capitaine (Henri-Louis Chalem) nous kidnappent pour un fabuleux voyage en avion.
Dérive à travers le 20e siècle sur les traces de La Nona, cette grand-mère apatride, exilée perpétuelle qui échappe à toutes les morts que les chasseurs de Juifs sèment à travers l’Europe. Le destin de Jeanne Nadjari a ceci de remarquable qu’il illustre à lui seul l’immense déroute des Juifs séfarades et par ce biais esquisse l’histoire de tous les déracinés de la terre. Nous sommes dans un récit à la fois cruel et merveilleux où la peur et la joie se côtoient comme des frères ennemis. Dans le texte de Zacharie, cette femme remarquable n’élève pas la voix, elle ne blâme personne ni ne dénigre les pays qui l’ont forcée à toujours fuir, à constamment refaire sa vie. Elle a développé à travers ces épreuves une aptitude pour le déplacement, pour l’exil. Son amure contre les aspérités de la vie sera sa famille, valeur précieuse qu’elle léguera à son petit-fils, Rico Chalem, celui-là même qui présente ici sa grand-mère dans un documentaire d’un genre tout à fait singulier.
L’Ubus Théâtre poursuit avec ce nouveau spectacle son superbe travail de narration pour tous les publics. Dans cet espace intime, dans ce théâtre de proximité, les ingénieux artistes de cette troupe québécoise atypique nous font basculer dans un univers de faits bruts sur fond de magie. Photos et vidéos documentaires s’amplifient de projections superposées en direct, de marionnettes, d’ombres chinoises, les écrans basculent, les voix surgissent, des foules s’animent dans un cinéma, des villes brûlent, des exodes se préparent. Ce voyage dans le bus, transformé en avion, se déroule en une fluidité étonnante à travers le temps et l’espace et surtout nous plonge dans un état proche de la sérénité, alors que l’histoire en soi est tragique.
Au-delà de l’insupportable quête du monopole de la souffrance, propre aux victimes de l’injustice perpétuelle, l’auteure, à l’image même de son personnage, refuse la dramatisation, le moralisme et la victimisation. La Nona porte en elle une résilience qui est la force de la vie et de l’amour. Cette stratégie de l’écriture anecdotique, cette investigation microhistorique, prend alors une dimension humaine d’une grande puissance d’évocation.
Nous aimons d’emblée cette magnifique Nona, parce que de sa tête surgissent de grandes paroles simples, de sa vie de beaux mystères irrésolus. Ses quatre accouchements provoqués par les cruels desseins de la méchante reine dans le Blanche-Neige de Walt Disney font en sorte que jamais elle ne connaîtra la fin de l’histoire. Coquin de sort. Et clin d’œil aux malices du destin.
À l’image des marionnettes et autres ruses que les opérateurs manipulent, la vie de la Nona ressemble à une manipulation de forces extérieures qui ont dirigé son destin. En survivant au grand feu de Salonique en 1917, en fuyant l’Égypte au moment où Nasser gâte la sauce du multiethnique, on peut dire que les exils successifs de la grand-mère relèvent d’un karma bénéfique. En ce sens, il est tout est fait naturel que la vie de La Nona passe par le théâtre de marionnettes faites par Robitaille, mises en scène par Genest sur un texte de Zacharie. Sur la promenade de Tadoussac jusqu’au 26 août. Une petite heure de pur délice!
Caminando & Avlando
Texte: Agnès Zacharie. Mise en scène: Martin Genest. Une production d’Ubus Théâtre. Sur la promenade de Tadoussac jusqu’au 26 août 2012.
Le bus d’Ubus Théâtre est un subterfuge, un habile camouflage, car dès que la porte se referme sur nous, les agents de bord (Agnès Zacharie, Pierre Robitaille) et le capitaine (Henri-Louis Chalem) nous kidnappent pour un fabuleux voyage en avion.
Dérive à travers le 20e siècle sur les traces de La Nona, cette grand-mère apatride, exilée perpétuelle qui échappe à toutes les morts que les chasseurs de Juifs sèment à travers l’Europe. Le destin de Jeanne Nadjari a ceci de remarquable qu’il illustre à lui seul l’immense déroute des Juifs séfarades et par ce biais esquisse l’histoire de tous les déracinés de la terre. Nous sommes dans un récit à la fois cruel et merveilleux où la peur et la joie se côtoient comme des frères ennemis. Dans le texte de Zacharie, cette femme remarquable n’élève pas la voix, elle ne blâme personne ni ne dénigre les pays qui l’ont forcée à toujours fuir, à constamment refaire sa vie. Elle a développé à travers ces épreuves une aptitude pour le déplacement, pour l’exil. Son amure contre les aspérités de la vie sera sa famille, valeur précieuse qu’elle léguera à son petit-fils, Rico Chalem, celui-là même qui présente ici sa grand-mère dans un documentaire d’un genre tout à fait singulier.
L’Ubus Théâtre poursuit avec ce nouveau spectacle son superbe travail de narration pour tous les publics. Dans cet espace intime, dans ce théâtre de proximité, les ingénieux artistes de cette troupe québécoise atypique nous font basculer dans un univers de faits bruts sur fond de magie. Photos et vidéos documentaires s’amplifient de projections superposées en direct, de marionnettes, d’ombres chinoises, les écrans basculent, les voix surgissent, des foules s’animent dans un cinéma, des villes brûlent, des exodes se préparent. Ce voyage dans le bus, transformé en avion, se déroule en une fluidité étonnante à travers le temps et l’espace et surtout nous plonge dans un état proche de la sérénité, alors que l’histoire en soi est tragique.
Au-delà de l’insupportable quête du monopole de la souffrance, propre aux victimes de l’injustice perpétuelle, l’auteure, à l’image même de son personnage, refuse la dramatisation, le moralisme et la victimisation. La Nona porte en elle une résilience qui est la force de la vie et de l’amour. Cette stratégie de l’écriture anecdotique, cette investigation microhistorique, prend alors une dimension humaine d’une grande puissance d’évocation.
Nous aimons d’emblée cette magnifique Nona, parce que de sa tête surgissent de grandes paroles simples, de sa vie de beaux mystères irrésolus. Ses quatre accouchements provoqués par les cruels desseins de la méchante reine dans le Blanche-Neige de Walt Disney font en sorte que jamais elle ne connaîtra la fin de l’histoire. Coquin de sort. Et clin d’œil aux malices du destin.
À l’image des marionnettes et autres ruses que les opérateurs manipulent, la vie de la Nona ressemble à une manipulation de forces extérieures qui ont dirigé son destin. En survivant au grand feu de Salonique en 1917, en fuyant l’Égypte au moment où Nasser gâte la sauce du multiethnique, on peut dire que les exils successifs de la grand-mère relèvent d’un karma bénéfique. En ce sens, il est tout est fait naturel que la vie de La Nona passe par le théâtre de marionnettes faites par Robitaille, mises en scène par Genest sur un texte de Zacharie. Sur la promenade de Tadoussac jusqu’au 26 août. Une petite heure de pur délice!
Caminando & Avlando
Texte: Agnès Zacharie. Mise en scène: Martin Genest. Une production d’Ubus Théâtre. Sur la promenade de Tadoussac jusqu’au 26 août 2012.