Critiques

Oh boy! : Fratrie, quand tu nous tiens

C’est entouré d’une aura prestigieuse conférée par le Molière Jeune Public 2010 que Oh boy!, spectacle jeunesse français adapté d’un roman plusieurs fois primé de Marie-Aude Murail, est présenté ces jours-ci à Montréal dans le cadre des foisonnants Coups de Théâtre. Abordant des thèmes qui, pris séparément, n’ont rien de nouveau, mais qui, amalgamés ici, sont au service d’une histoire originale, le spectacle étonne.

Un jeune adulte, Barthélémy, voit son quotidien chamboulé par l’arrivée de sa jeune fratrie composée d’un demi-frère et de deux demi-sœurs, âgés de 5 à 14 ans. Tous trois sont maintenant orphelins et doivent trouver un foyer d’accueil, et Barthélémy, en sa qualité de grand frère, est (peut-être) celui tout désigné pour les héberger. C’est sans compter sur Josiane, autre demi-sœur, emploi stable et payant, la trentaine et les enfants qu’elle désire mais qu’elle n’a pas, qui accueillerait bien la plus jeune…

L’humour traverse tout le spectacle et permet aux différents thèmes — maladie, homosexualité, famille, rejet — d’être abordés de façon légère. La langue employée par Barthélémy pour raconter son histoire est parfois poétique, parfois directe, très souvent comique. Le spectacle est porté par un seul interprète, qui prête néanmoins ses traits à tous les personnages de l’histoire.

Agile, charismatique et attachant dans le rôle du jeune adulte irresponsable et homosexuel, Lionel Lingelser établit un fort contact avec le public. Il faut le voir danser sous l’éclairage réverbéré par une boule disco, manier de façon fluide l’immense armoire de bois ou jongler avec une chaise minuscule pour constater la précision de ses mouvements. Moins habile pour passer rapidement d’un personnage à un autre, le comédien fait de ces figures périphériques des personnages caricaturaux qui ne rendent pas service à l’histoire.

Le spectacle est bien servi par la mise en scène qui propose un jeu très physique et des surprises tout au long de la représentation. La scénographie, épurée, laisse toute la place, en plus de l’armoire, à trois petites boites noires suspendues par de longs fils, qui deviennent tout à tour balançoires ou maquettes miniatures. En plus d’emprunter au théâtre physique, ce spectacle touche aussi au théâtre d’objets, ce qui permet au comédien-manipulateur d’endosser autrement son rôle de narrateur.

Les objets, primordiaux dans ce spectacle, représentent néanmoins parfois mal leur sujet. Par exemple, on comprend difficilement pourquoi les trois enfants sont représentés par trois livres, objets qui sont sans liens apparents avec les personnages, pourquoi Morgane, 8 ans, est représentée par un canard en plastique, jouet associé habituellement à des enfants beaucoup plus jeunes, et pourquoi, outre pour l’effet comique que cela crée, la juge d’instruction est une poupée Barbie. 

Avec des propos graves, mais traités avec légèreté et humour et un héros qui a tout de l’antihéros au grand cœur, Oh boy! atteint son objectif. On ne peut que s’attacher aux membres de cette famille unique qui surmontent plusieurs obstacles pour en arriver à l’essentiel: être ensemble.

 

Oh boy!
Texte de Catherine Verlaguet, d’après le roman Oh, boy! De Marie-Aude Murail
Mise en scène par Olivier Letellier
Interprété par Lionel Lingelser
À l’Usine C dans le cadre des Coups de Théâtre, les 14 et 15 novembre

 

Emilie Jobin

À propos de

Émilie Jobin est professeure au département de littérature et de français du Cégep Édouard-Montpetit.