Note de la rédaction: De passage en Thaïlande, notre collaborateur Alain-Martin Richard a vu le spectacle d’un jeune metteur en scène thaïlandais. Nous l’avons invité à rendre compte de son expérience. Une rare incursion dans le théâtre thaïlandais contemporain.
Expérience étonnante au democrazystudio, petit théâtre de cinquante places à proximité du parc Lumpini, Bangkok. Ce soir on joue Othello dans une adaptation et mise en scène de Damkerng Thitapiyasak. Six jeunes comédiens qui tirent avec conviction, mais dans un jeu inégal, les ficelles de la duperie, de l’envie, de la jalousie, de la calomnie sur fond de soccer. En thaï avec surtitre anglais.
Le jeune footballeur Otto est devenu la coqueluche des fans du Lumpini FC et le plus grand joueur de Thaïlande. Au match décisif de ce soir, un recruteur allemand sera là et l’entraîneur imagine déjà son protégé génial jouant pour le Bayern de Munich. Enfant abandonné et élevé dans les quartiers pauvres de Bangkok, il est désormais la vedette, un héros national, le plus jeune capitaine de son équipe, et, partant le rival de Ko, le fils délaissé dudit entraîneur. Mona et Otto s’aiment d’un amour absolu, mais le destin tordu que leur prépare Ko deviendra une tragédie passionnelle comme on en lit dans la presse à sensation.
Le système hiérarchique, les jeux de pouvoir en coulisse, l’instillation du doute dans l’esprit de Otto, le foulard volé, que Mona ne retrouve pas et que Ko prétend avoir vu dans les mains de Mike, coéquipier et meilleur ami de Otto… tout se retrouve à la manière shakespearienne, transposé dans l’actualité du crime. La jalousie dévore enfin Otto qui sera broyé par la machination de Ko.
Les scènes se déroulent dans un seul espace multiple saturé de réalisme : maison de Mona, un bar avec billard, la chambre de Otto avec tous ses trophées, une antichambre que viendra animer un médecin invisible, fournisseur de drogues. On peut trouver regrettable ici la confusion de la scénographie, qu’un éclairage efficace ou quelques indices auraient pu clarifier. De même la scène finale où Otto, terrassé par la trahison de Mona, constate trop tard qu’il s’est fait berné. L’arrivée prématurée de la police vient hélas atténuer la très belle tirade de l’amoureux assassin.
L’adaptation brillante dans un cadre de soccer est réussie : tous les aléas du milieu sportif professionnel s’y retrouvent en un mélange explosif. L’admiration des fans, l’envie, la jalousie du succès des autres, le harcèlement de midinettes envers les vedettes, la drogue, la trahison, les amitiés rompues par la gloire des uns au détriment des autres. La jeune troupe réussit ici une belle adaptation. On aurait aimé un Otto plus constant, mais Ko et Mona défendent leur rôle avec beaucoup de brio, de même le pauvre Roj manipulé comme une vulgaire marionnette par Ko. Deux heures et demie d’étonnement où le maître élisabéthain est devenu profondément thaï.
otHELLO : A Match of Jeallousy
Adaptation et mise en scène par Damkerng Thitapiyasak
Au Democrazystudio, Bangkok.
Jusqu’au 10 décembre 2012
Note de la rédaction: De passage en Thaïlande, notre collaborateur Alain-Martin Richard a vu le spectacle d’un jeune metteur en scène thaïlandais. Nous l’avons invité à rendre compte de son expérience. Une rare incursion dans le théâtre thaïlandais contemporain.
Expérience étonnante au democrazystudio, petit théâtre de cinquante places à proximité du parc Lumpini, Bangkok. Ce soir on joue Othello dans une adaptation et mise en scène de Damkerng Thitapiyasak. Six jeunes comédiens qui tirent avec conviction, mais dans un jeu inégal, les ficelles de la duperie, de l’envie, de la jalousie, de la calomnie sur fond de soccer. En thaï avec surtitre anglais.
Le jeune footballeur Otto est devenu la coqueluche des fans du Lumpini FC et le plus grand joueur de Thaïlande. Au match décisif de ce soir, un recruteur allemand sera là et l’entraîneur imagine déjà son protégé génial jouant pour le Bayern de Munich. Enfant abandonné et élevé dans les quartiers pauvres de Bangkok, il est désormais la vedette, un héros national, le plus jeune capitaine de son équipe, et, partant le rival de Ko, le fils délaissé dudit entraîneur. Mona et Otto s’aiment d’un amour absolu, mais le destin tordu que leur prépare Ko deviendra une tragédie passionnelle comme on en lit dans la presse à sensation.
Le système hiérarchique, les jeux de pouvoir en coulisse, l’instillation du doute dans l’esprit de Otto, le foulard volé, que Mona ne retrouve pas et que Ko prétend avoir vu dans les mains de Mike, coéquipier et meilleur ami de Otto… tout se retrouve à la manière shakespearienne, transposé dans l’actualité du crime. La jalousie dévore enfin Otto qui sera broyé par la machination de Ko.
Les scènes se déroulent dans un seul espace multiple saturé de réalisme : maison de Mona, un bar avec billard, la chambre de Otto avec tous ses trophées, une antichambre que viendra animer un médecin invisible, fournisseur de drogues. On peut trouver regrettable ici la confusion de la scénographie, qu’un éclairage efficace ou quelques indices auraient pu clarifier. De même la scène finale où Otto, terrassé par la trahison de Mona, constate trop tard qu’il s’est fait berné. L’arrivée prématurée de la police vient hélas atténuer la très belle tirade de l’amoureux assassin.
L’adaptation brillante dans un cadre de soccer est réussie : tous les aléas du milieu sportif professionnel s’y retrouvent en un mélange explosif. L’admiration des fans, l’envie, la jalousie du succès des autres, le harcèlement de midinettes envers les vedettes, la drogue, la trahison, les amitiés rompues par la gloire des uns au détriment des autres. La jeune troupe réussit ici une belle adaptation. On aurait aimé un Otto plus constant, mais Ko et Mona défendent leur rôle avec beaucoup de brio, de même le pauvre Roj manipulé comme une vulgaire marionnette par Ko. Deux heures et demie d’étonnement où le maître élisabéthain est devenu profondément thaï.
otHELLO : A Match of Jeallousy
Adaptation et mise en scène par Damkerng Thitapiyasak
Au Democrazystudio, Bangkok.
Jusqu’au 10 décembre 2012