Le mot fait image. Scalper, comme dans être brutalement dépossédé de quelque chose d’important. Scalper, geste qui évoque la barbarie. Les trois personnages imaginés par Anne-Marie Olivier ont été «scalpés» et font face à la barbarie des temps modernes. Charles a 20 ans, vivote et apprend que le père qu’il n’a pas connu était un Mohawk impliqué dans les événements d’Oka en 1990. Sa mère, Élise, gardienne de prison, aura à subir la violence d’une émeute et Dorothée est une jeune femme enceinte, brisée par l’adultère.
Un propos lourd, certes, mais dans la langue pétillante d’Anne-Marie Olivier, tous les sujets prennent forme en douceur et avec des pointes de sourire ici et là. L’auteure et comédienne Véronique Côté signe une mise en scène sensible, organique, dont les tableaux s’orchestrent finement, aidée en cela par les magnifiques éclairages de Christian Fontaine. Olivier, qu’on a connu entre autres dans des créations proches du conte (Gros et détail, Annette) livre un autre texte rempli de pépites dorées. Il faut entendre son Élise, relatant un événement d’une horrible violence, déclarer: «Je suis un flocon, non ce n’est pas ça.» Ou Dorothée, crier à son ex: «Je suis « lette » parce que je m’habille du malheur que tu m’as causé.»
Steve Gagnon épate encore une fois, ici, dans le charisme qu’il confère à son personnage, un jeune homme bousculé par ses origines découvertes sur le tard. Apprendre qu’on a du sang autochtone et être déçu. Discuter pour une première fois avec son père, Mohawk militant, à qui on doit admettre qu’on ne sait pas chasser, qu’on est végétarien et épris de jeux vidéos. Le personnage de Charles regrette qu’à l’école, on ait appris à dire Hello avant Kuei C’est aussi ça, Anne-Marie Olivier, faire du théâtre politisé différemment et poursuivre une réflexion sur l’identité québécoise, comme on reprend un tricot.
Sur scène, Steve Gagnon, Édith Patenaude et Anne-Marie Olivier sont égaux devant l’excellence, intenses et vrais. À l’exception d’ un prologue et d’un épilogue moins bien assurés, au style détonnant du reste de la pièce, Scalpée s’inscrit dans la lignée des créations solides et abouties. C’est le côtoiement de l’amour et de la haine. Du dépeçage d’un animal et d’une scène de sexe. De la sensualité et du viol. La vie est un drôle de cycle et Anne-Marie Olivier le montre finement.
Scalpée
Texte: Anne-Marie Olivier. Mise en scène: Véronique Côté. Une production de Bienvenue aux dames! À l’Espace Libre jusqu’au 9 février 2013. À La Bordée (Québec) du 5 au 30 mars 2013.
Le mot fait image. Scalper, comme dans être brutalement dépossédé de quelque chose d’important. Scalper, geste qui évoque la barbarie. Les trois personnages imaginés par Anne-Marie Olivier ont été «scalpés» et font face à la barbarie des temps modernes. Charles a 20 ans, vivote et apprend que le père qu’il n’a pas connu était un Mohawk impliqué dans les événements d’Oka en 1990. Sa mère, Élise, gardienne de prison, aura à subir la violence d’une émeute et Dorothée est une jeune femme enceinte, brisée par l’adultère.
Un propos lourd, certes, mais dans la langue pétillante d’Anne-Marie Olivier, tous les sujets prennent forme en douceur et avec des pointes de sourire ici et là. L’auteure et comédienne Véronique Côté signe une mise en scène sensible, organique, dont les tableaux s’orchestrent finement, aidée en cela par les magnifiques éclairages de Christian Fontaine. Olivier, qu’on a connu entre autres dans des créations proches du conte (Gros et détail, Annette) livre un autre texte rempli de pépites dorées. Il faut entendre son Élise, relatant un événement d’une horrible violence, déclarer: «Je suis un flocon, non ce n’est pas ça.» Ou Dorothée, crier à son ex: «Je suis « lette » parce que je m’habille du malheur que tu m’as causé.»
Steve Gagnon épate encore une fois, ici, dans le charisme qu’il confère à son personnage, un jeune homme bousculé par ses origines découvertes sur le tard. Apprendre qu’on a du sang autochtone et être déçu. Discuter pour une première fois avec son père, Mohawk militant, à qui on doit admettre qu’on ne sait pas chasser, qu’on est végétarien et épris de jeux vidéos. Le personnage de Charles regrette qu’à l’école, on ait appris à dire Hello avant Kuei C’est aussi ça, Anne-Marie Olivier, faire du théâtre politisé différemment et poursuivre une réflexion sur l’identité québécoise, comme on reprend un tricot.
Sur scène, Steve Gagnon, Édith Patenaude et Anne-Marie Olivier sont égaux devant l’excellence, intenses et vrais. À l’exception d’ un prologue et d’un épilogue moins bien assurés, au style détonnant du reste de la pièce, Scalpée s’inscrit dans la lignée des créations solides et abouties. C’est le côtoiement de l’amour et de la haine. Du dépeçage d’un animal et d’une scène de sexe. De la sensualité et du viol. La vie est un drôle de cycle et Anne-Marie Olivier le montre finement.
Scalpée
Texte: Anne-Marie Olivier. Mise en scène: Véronique Côté. Une production de Bienvenue aux dames! À l’Espace Libre jusqu’au 9 février 2013. À La Bordée (Québec) du 5 au 30 mars 2013.