Coleman et Valene viennent d’enterrer leur père. Aucun larmoiement, aucun épanchement: nous sommes dans l’univers caustique de l’auteur irlando-britannique Martin McDonagh, avec L’ouest solitaire, production du Théâtre Bistouri, conclusions de la trilogie qui comprend également La reine de beauté de Leenane, monté par le Théâtre de La Manufacture en 2001 (rappelons que Le Pillowman avait aussi été par cette même compagnie en 2009). Fanny Britt retrouve avec aisance l’univers du dramaturge et propose une traduction impeccable, non dépouillée d’une certaine tendresse. On se bat, pour se prouver que l’on s’aime.
Ici, pas de réel prélude, pas de dénouement: l’auteur nous propose plutôt une tranche de vie cinglante, sanglante, un huis-clos qui oppresse mais n’étouffe jamais entièrement, des rires qui ne réussissent jamais à s’affranchir d’un certain malaise. Joute verbale absurde qui frise le burlesque, combat de coqs qui dégénère en bagarre parfaitement orchestrée, l’histoire se révèle par pans, autant de tableaux traités de façon cinématographique par le metteur en scène Sébastien Gauthier. Ici, les images se lisent au premier aussi bien qu’au second degré (comme par exemple ce fusil avec lequel Coleman a tué son père, que l’on décroche du mur quand la violence ne sert plus d’élément moteur à la narration).
Julie-Christina Picher signe une scénographie redoutable d’efficacité, qui tire parti de l’espace restreint de la salle intime du Prospéro, le muret servant aussi bien à circonscrire la masure qu’à évoquer la plaine irlandaise et le bord du lac des suicides. La pièce est portée par un quatuor d’acteurs qui transmet bien les teintes complémentaires des personnages, du jeu rude des frères aux interrogations existentielles plus aériennes – plus humaines sans doute – des deux rôles de soutien, contrepoint essentiel à la brutalité qui explose souvent au visage des spectateurs.
Lucien Bergeron en flanc mou qui ne tolère pas qu’on le confronte éclipse parfois Marc-André Thibault, désespérant de pingrerie et exaspérant de catholicisme presque mercantile. Peut-être espère-t-il qu’en collectionnant les figurines de saints, il pourra acheter un ciel qui ne peut sinon que lui échapper. Frédéric-Antoine Guimond en prêtre alcoolique ne sachant plus comment gérer sa crise de foi, dans ce village vaguement consanguin, dans lequel meurtres et suicides font partie du quotidien, a semblé prendre un peu de temps avant de prendre réellement ses marques, son jeu se déliant quand il passe de l’autre côté du muret et qu’il livre une performance nuancée. Marie-Ève Milot a su transmettre le désenchantement de Girleen plus efficacement que son amour illicite pour le prêtre, qui manque de densité. Peut-être l’auteur n’a-t-il souhaité qu’effleurer le personnage féminin, madone désabusée qui vend l’alcool de contrebande de son père pour survivre.
L’enfer, c’est les autres…
L’ouest solitaire
De Martin McDonagh
Mise en scène de Sébastien Gauthier
Une production du Théâtre Bistouri, au Prospero jusqu’au 9 février
Coleman et Valene viennent d’enterrer leur père. Aucun larmoiement, aucun épanchement: nous sommes dans l’univers caustique de l’auteur irlando-britannique Martin McDonagh, avec L’ouest solitaire, production du Théâtre Bistouri, conclusions de la trilogie qui comprend également La reine de beauté de Leenane, monté par le Théâtre de La Manufacture en 2001 (rappelons que Le Pillowman avait aussi été par cette même compagnie en 2009). Fanny Britt retrouve avec aisance l’univers du dramaturge et propose une traduction impeccable, non dépouillée d’une certaine tendresse. On se bat, pour se prouver que l’on s’aime.
Ici, pas de réel prélude, pas de dénouement: l’auteur nous propose plutôt une tranche de vie cinglante, sanglante, un huis-clos qui oppresse mais n’étouffe jamais entièrement, des rires qui ne réussissent jamais à s’affranchir d’un certain malaise. Joute verbale absurde qui frise le burlesque, combat de coqs qui dégénère en bagarre parfaitement orchestrée, l’histoire se révèle par pans, autant de tableaux traités de façon cinématographique par le metteur en scène Sébastien Gauthier. Ici, les images se lisent au premier aussi bien qu’au second degré (comme par exemple ce fusil avec lequel Coleman a tué son père, que l’on décroche du mur quand la violence ne sert plus d’élément moteur à la narration).
Julie-Christina Picher signe une scénographie redoutable d’efficacité, qui tire parti de l’espace restreint de la salle intime du Prospéro, le muret servant aussi bien à circonscrire la masure qu’à évoquer la plaine irlandaise et le bord du lac des suicides. La pièce est portée par un quatuor d’acteurs qui transmet bien les teintes complémentaires des personnages, du jeu rude des frères aux interrogations existentielles plus aériennes – plus humaines sans doute – des deux rôles de soutien, contrepoint essentiel à la brutalité qui explose souvent au visage des spectateurs.
Lucien Bergeron en flanc mou qui ne tolère pas qu’on le confronte éclipse parfois Marc-André Thibault, désespérant de pingrerie et exaspérant de catholicisme presque mercantile. Peut-être espère-t-il qu’en collectionnant les figurines de saints, il pourra acheter un ciel qui ne peut sinon que lui échapper. Frédéric-Antoine Guimond en prêtre alcoolique ne sachant plus comment gérer sa crise de foi, dans ce village vaguement consanguin, dans lequel meurtres et suicides font partie du quotidien, a semblé prendre un peu de temps avant de prendre réellement ses marques, son jeu se déliant quand il passe de l’autre côté du muret et qu’il livre une performance nuancée. Marie-Ève Milot a su transmettre le désenchantement de Girleen plus efficacement que son amour illicite pour le prêtre, qui manque de densité. Peut-être l’auteur n’a-t-il souhaité qu’effleurer le personnage féminin, madone désabusée qui vend l’alcool de contrebande de son père pour survivre.
L’enfer, c’est les autres…
L’ouest solitaire
De Martin McDonagh
Mise en scène de Sébastien Gauthier
Une production du Théâtre Bistouri, au Prospero jusqu’au 9 février