«Des rats qui construisent eux-mêmes le labyrinthe dont ils se proposent de sortir»: voilà en quels termes les membres de l’Oulipo se définissaient. Il faut admettre que L’Art et la manière d’aborder son chef de service pour lui demander une augmentation de Georges Perec reprend admirablement les prémices mêmes du mouvement.
S’inspirant d’un organigramme fourni par un ami, dont certains éléments sont reproduits sur le sol du studio du Centre Segal (et l’intégralité dans le programme de soirée), Perec se révèle un guide fabuleusement doué. Il nous conduit, presque d’un seul souffle, de la mise en situation initiale à une conclusion qui ne saurait en être une, à travers une étude de probabilités statistiques qui, même si très exhaustive, réussit à ne pas lasser le spectateur dans la mouture proposée ici, qui passera du fou rire à une réelle réflexion sur la déshumanisation des structures de travail. Il faut malheureusement admettre que la pièce n’a pas pris une ride depuis sa création en 1970.
Syllogismes et paradoxes s’emboîtent dans un véritable labeur littéraire qui décortique l’isotopie du travail, l’utilisation du «vous» permettant d’une part à cet employé lambda perclus de contradictions de rejoindre l’observateur qui s’interrogera peut-être sur ses motivations à obtenir une augmentation, mais aussi de s’opposer au «nous» locuteur qui tente de le déjouer, seule façon d’être sacré gagnant de cet immense jeu de société (à prendre ici dans les deux sens du terme).
Le metteur en scène Ariel Ifergan propose une lecture parfaitement cohérente de la pièce de Perec. En choisissant de typer, mais sans les inscrire de plain-pied dans la caricature, les six «personnages» – la proposition, l’alternative, l’hypothèse positive, l’hypothèse négative, le choix et la conclusion – et y en intégrant la ponctuation musicale de Philippe Noireaut (qui, selon les segments, devient témoin, complice ou même présentateur d’un bulletin de nouvelles décalé expliquant les risques de la rougeole), il offre un spectacle particulièrement dynamique, par moments déjanté, mais toujours intelligible.
Les six comédiens, impeccables de bout en bout, se plient avec un plaisir manifeste à certains détournements et illustrations du propos, qui laissent place à l’occasion à de véritables numéros de bravoure. Si le segment «arts martiaux» utilise un trait volontiers plus grossier, on se souviendra longtemps du duel de style Far West ou de la fête de bureau, scène pendant laquelle les enchaînements musicaux jouent un rôle essentiel, nous faisant passer de La danse des canards à Billie Jean (moonwalk inclus), sans oublier l’intemporel I Will Survive, qui prend ici une autre connotation au milieu de ce labyrinthe. Une production assurément jouissive!
«Des rats qui construisent eux-mêmes le labyrinthe dont ils se proposent de sortir»: voilà en quels termes les membres de l’Oulipo se définissaient. Il faut admettre que L’Art et la manière d’aborder son chef de service pour lui demander une augmentation de Georges Perec reprend admirablement les prémices mêmes du mouvement.
S’inspirant d’un organigramme fourni par un ami, dont certains éléments sont reproduits sur le sol du studio du Centre Segal (et l’intégralité dans le programme de soirée), Perec se révèle un guide fabuleusement doué. Il nous conduit, presque d’un seul souffle, de la mise en situation initiale à une conclusion qui ne saurait en être une, à travers une étude de probabilités statistiques qui, même si très exhaustive, réussit à ne pas lasser le spectateur dans la mouture proposée ici, qui passera du fou rire à une réelle réflexion sur la déshumanisation des structures de travail. Il faut malheureusement admettre que la pièce n’a pas pris une ride depuis sa création en 1970.
Syllogismes et paradoxes s’emboîtent dans un véritable labeur littéraire qui décortique l’isotopie du travail, l’utilisation du «vous» permettant d’une part à cet employé lambda perclus de contradictions de rejoindre l’observateur qui s’interrogera peut-être sur ses motivations à obtenir une augmentation, mais aussi de s’opposer au «nous» locuteur qui tente de le déjouer, seule façon d’être sacré gagnant de cet immense jeu de société (à prendre ici dans les deux sens du terme).
Le metteur en scène Ariel Ifergan propose une lecture parfaitement cohérente de la pièce de Perec. En choisissant de typer, mais sans les inscrire de plain-pied dans la caricature, les six «personnages» – la proposition, l’alternative, l’hypothèse positive, l’hypothèse négative, le choix et la conclusion – et y en intégrant la ponctuation musicale de Philippe Noireaut (qui, selon les segments, devient témoin, complice ou même présentateur d’un bulletin de nouvelles décalé expliquant les risques de la rougeole), il offre un spectacle particulièrement dynamique, par moments déjanté, mais toujours intelligible.
Les six comédiens, impeccables de bout en bout, se plient avec un plaisir manifeste à certains détournements et illustrations du propos, qui laissent place à l’occasion à de véritables numéros de bravoure. Si le segment «arts martiaux» utilise un trait volontiers plus grossier, on se souviendra longtemps du duel de style Far West ou de la fête de bureau, scène pendant laquelle les enchaînements musicaux jouent un rôle essentiel, nous faisant passer de La danse des canards à Billie Jean (moonwalk inclus), sans oublier l’intemporel I Will Survive, qui prend ici une autre connotation au milieu de ce labyrinthe. Une production assurément jouissive!
L’augmentation
Texte: Georges Perec
Mise en scène: Ariel Ifergan
Une production Pas de Panique, au Studio du Centre Segal jusqu’au 23 mars 2013