D’origine britannique, l’artiste berlinois Tino Sehgal crée des œuvres performatives qui marquent, sans utiliser pourtant le moindre objet, la moindre feuille de papier, ne serait-ce que pour présenter son projet et les interprètes. En réaction à la production effrénée d’objets matériels et ce, même dans le milieu artistique, Sehgal opte pour une pratique immatérielle, mettant en jeu uniquement des corps et des idées dans un contexte aléatoire de rencontres; ce sont ces «situations» qu’il installe et provoque dans les musées et galeries.
Dans le hall circulaire du Musée d’art contemporain de Montréal est présentée Kiss (2002), une séquence chorégraphiée de baisers répétée en boucle et s’inspirant d’étreintes célèbres de grands peintres. Dans un flot continuel, un homme et une femme roulent d’un baiser à l’autre sur le plancher froid. La sculpture vivante et mouvante de leurs étreintes apparaît sensuelle et picturale. L’interprétation, volontairement neutre, est imprégnée de l’étrangeté silencieuse du lieu ouvert, où les visiteurs sont à la fois mis à distance et voyeurs. Le tableau fait chair et renvoie le corps à sa mémoire, à ses propres images.
This situation (2007) vaut davantage le détour… encore faut-il s’y rendre. Aucune indication, aucun nom (pas même celui de l’artiste ou des interprètes), aucun document, n’accompagne l’œuvre. Même les gardiens de sécurité du musée se trouvent en pleine confusion ne sachant pas si nous avons le droit d’entrer dans la mystérieuse salle! L’ambiguïté intrigue d’emblée. «Welcome to this situation», clament les interprètes en chœur lorsqu’un visiteur entre enfin. Chaque moment est unique et c’est à partir de cette prémisse que la performance se déploiera sous la forme de petits gestes simples, de respirations à l’unisson et de discussions bilingues entre les interprètes (trois femmes et trois hommes, vêtus comme vous et moi), mais également avec les visiteurs.
Des citations de penseurs énoncées à voix haute propulsent l’échange. Comme lors d’une soirée entre amis, notre avis est parfois sollicité à propos de questions philosophiques, d’enjeux socio-politiques et notamment, dans la situation vécue, du Printemps érable. À travers les mouvements et aléas de la conversation et du silence, les interprètes bougent, se déplacent lentement. Se déroulant en continu pendant les heures d’ouverture du musée, dans cet espace marqué par l’ici-maintenant, la discussion trouve écho, réponse, rebond ou malaise. Voici les seules «données» avec lesquelles l’œuvre doit (se) conjuguer; une œuvre qui soulève d’ailleurs d’importantes questions quant à l’objet d’art et ses interactions possibles, quant à la composition d’un présent éphémère.
Tino Seghal: Kiss (2002) et This situation (2007)
D’origine britannique, l’artiste berlinois Tino Sehgal crée des œuvres performatives qui marquent, sans utiliser pourtant le moindre objet, la moindre feuille de papier, ne serait-ce que pour présenter son projet et les interprètes. En réaction à la production effrénée d’objets matériels et ce, même dans le milieu artistique, Sehgal opte pour une pratique immatérielle, mettant en jeu uniquement des corps et des idées dans un contexte aléatoire de rencontres; ce sont ces «situations» qu’il installe et provoque dans les musées et galeries.
Dans le hall circulaire du Musée d’art contemporain de Montréal est présentée Kiss (2002), une séquence chorégraphiée de baisers répétée en boucle et s’inspirant d’étreintes célèbres de grands peintres. Dans un flot continuel, un homme et une femme roulent d’un baiser à l’autre sur le plancher froid. La sculpture vivante et mouvante de leurs étreintes apparaît sensuelle et picturale. L’interprétation, volontairement neutre, est imprégnée de l’étrangeté silencieuse du lieu ouvert, où les visiteurs sont à la fois mis à distance et voyeurs. Le tableau fait chair et renvoie le corps à sa mémoire, à ses propres images.
This situation (2007) vaut davantage le détour… encore faut-il s’y rendre. Aucune indication, aucun nom (pas même celui de l’artiste ou des interprètes), aucun document, n’accompagne l’œuvre. Même les gardiens de sécurité du musée se trouvent en pleine confusion ne sachant pas si nous avons le droit d’entrer dans la mystérieuse salle! L’ambiguïté intrigue d’emblée. «Welcome to this situation», clament les interprètes en chœur lorsqu’un visiteur entre enfin. Chaque moment est unique et c’est à partir de cette prémisse que la performance se déploiera sous la forme de petits gestes simples, de respirations à l’unisson et de discussions bilingues entre les interprètes (trois femmes et trois hommes, vêtus comme vous et moi), mais également avec les visiteurs.
Des citations de penseurs énoncées à voix haute propulsent l’échange. Comme lors d’une soirée entre amis, notre avis est parfois sollicité à propos de questions philosophiques, d’enjeux socio-politiques et notamment, dans la situation vécue, du Printemps érable. À travers les mouvements et aléas de la conversation et du silence, les interprètes bougent, se déplacent lentement. Se déroulant en continu pendant les heures d’ouverture du musée, dans cet espace marqué par l’ici-maintenant, la discussion trouve écho, réponse, rebond ou malaise. Voici les seules «données» avec lesquelles l’œuvre doit (se) conjuguer; une œuvre qui soulève d’ailleurs d’importantes questions quant à l’objet d’art et ses interactions possibles, quant à la composition d’un présent éphémère.
Tino Seghal: Kiss (2002) et This situation (2007)
Au Musée d’art contemporain de Montréal, jusqu’au 28 avril