Menant une carrière plus qu’intéressante à Hollywood, l’acteur montréalais Jay Baruchel remonte pour la première fois sur les planches depuis l’école secondaire dans le rôle-titre de Sherlock Holmes de Greg Kramer. Il exsude la suavité et l’assurance presque arrogante du mythique détective londonien. Il possède également ce côté légèrement décalé – qui faisait tout le charme du film Le Trotski d’ailleurs – qui rend le personnage instantanément crédible et attachant. Pourquoi alors ai-je eu l’impression que, malgré de nombreuses qualités, la pièce ne lève pas entièrement, qu’elle n’a pas atteint son plein potentiel expressif? L’ombre de l’auteur, Greg Kramer, mort des suites d’une longue maladie aux premiers jours des répétitions, aurait-elle été trop oppressante? A-t-on refusé les ajustements – qu’il aurait sans doute lui-même pratiqué, surtout qu’il se destinait le rôle de Lestrade – de peur d’être accusé de trafiquer son œuvre?
La mise en scène volontiers éclatée d’Andrew Shaver s’avère souvent délicieuse, par exemple lors de cette scène dans laquelle Lady Irene St. John raconte l’enlèvement de son mari, et que les personnages secondaires miment et exagèrent ses paroles, très Charlie Chaplin, ou de cette conversation entre Holmes, Watson et Lady Irene dans le train, les trois changeant de place à chaque fondu au noir. Les projections vidéo de George Allister et Patrick Andrew Boivin, souvent spectaculaires, permettent de passer d’un lieu à l’autre, d’une atmosphère à l’autre (quel beau tableau que ce Londres sous la pluie), dans une esthétique certes plus postmoderne que tournant du 20e siècle, soutenue par une trame sonore très présente de Jesse Ash.
La distribution ne dénote aucune réelle faiblesse, outre peut-être l’accent de la tenancière de la fumerie d’opium Orchid (Deena Aziz), des plus hétéroclites. Le Moriarty de Kyle Gatehouse, sanglé dans un fabuleux habit rouge (signé Laurence Mongeau), possède une authentique densité de supervillain, à la fois scélérat et altier, et est superbement secondé par Graham Cutbertson dans le rôle de Moran. Gemma James-Smith en Lady Irene dispose d’une belle polyvalence de registre et son regard d’une incroyable expressivité se prête bien aux côtés « débuts du cinéma » de la production. La galerie de personnages secondaires suscite souvent le rire. Jay Baruchel, quand il ne joue pas pour la caméra (avait-on vraiment besoin d’intégrer ces clins d’œil?) campe un Sherlock Holmes plutôt convaincant, même s’il semble parfois dépassé par son texte. Karl Graboshas se révèle un Watson à la hauteur, perpétuellement décontenancé par cet être étrange qu’il découvre. (Belle idée du dramaturge d’ailleurs d’intégrer l’analyse des forces et faiblesses de Holmes, telle qu’on peut la découvrir dans Étude en rouge!)
On voudrait aimer la production sans réserve, comme lorsque l’on découvre pour la première fois le canon holmésien. Pourtant, on ne réussit pas à s’intéresser totalement à cet enlèvement d’un membre du parlement, la guerre de l’opium en toile de fond, la chasse aux indices de Holmes se trouvant constamment interrompue par une digression. On sort du Segal Centre avec une impression de rendez-vous théâtral légèrement manqué, mais avec une envie de relire Sir Arthur Conan Doyle.
Sherlock Holmes
De Greg Kramer, d’après l’oeuvre d’Arthur Conan Doyle
Mise en scène par Andrew Shaver
Menant une carrière plus qu’intéressante à Hollywood, l’acteur montréalais Jay Baruchel remonte pour la première fois sur les planches depuis l’école secondaire dans le rôle-titre de Sherlock Holmes de Greg Kramer. Il exsude la suavité et l’assurance presque arrogante du mythique détective londonien. Il possède également ce côté légèrement décalé – qui faisait tout le charme du film Le Trotski d’ailleurs – qui rend le personnage instantanément crédible et attachant. Pourquoi alors ai-je eu l’impression que, malgré de nombreuses qualités, la pièce ne lève pas entièrement, qu’elle n’a pas atteint son plein potentiel expressif? L’ombre de l’auteur, Greg Kramer, mort des suites d’une longue maladie aux premiers jours des répétitions, aurait-elle été trop oppressante? A-t-on refusé les ajustements – qu’il aurait sans doute lui-même pratiqué, surtout qu’il se destinait le rôle de Lestrade – de peur d’être accusé de trafiquer son œuvre?
La mise en scène volontiers éclatée d’Andrew Shaver s’avère souvent délicieuse, par exemple lors de cette scène dans laquelle Lady Irene St. John raconte l’enlèvement de son mari, et que les personnages secondaires miment et exagèrent ses paroles, très Charlie Chaplin, ou de cette conversation entre Holmes, Watson et Lady Irene dans le train, les trois changeant de place à chaque fondu au noir. Les projections vidéo de George Allister et Patrick Andrew Boivin, souvent spectaculaires, permettent de passer d’un lieu à l’autre, d’une atmosphère à l’autre (quel beau tableau que ce Londres sous la pluie), dans une esthétique certes plus postmoderne que tournant du 20e siècle, soutenue par une trame sonore très présente de Jesse Ash.
La distribution ne dénote aucune réelle faiblesse, outre peut-être l’accent de la tenancière de la fumerie d’opium Orchid (Deena Aziz), des plus hétéroclites. Le Moriarty de Kyle Gatehouse, sanglé dans un fabuleux habit rouge (signé Laurence Mongeau), possède une authentique densité de supervillain, à la fois scélérat et altier, et est superbement secondé par Graham Cutbertson dans le rôle de Moran. Gemma James-Smith en Lady Irene dispose d’une belle polyvalence de registre et son regard d’une incroyable expressivité se prête bien aux côtés « débuts du cinéma » de la production. La galerie de personnages secondaires suscite souvent le rire. Jay Baruchel, quand il ne joue pas pour la caméra (avait-on vraiment besoin d’intégrer ces clins d’œil?) campe un Sherlock Holmes plutôt convaincant, même s’il semble parfois dépassé par son texte. Karl Graboshas se révèle un Watson à la hauteur, perpétuellement décontenancé par cet être étrange qu’il découvre. (Belle idée du dramaturge d’ailleurs d’intégrer l’analyse des forces et faiblesses de Holmes, telle qu’on peut la découvrir dans Étude en rouge!)
On voudrait aimer la production sans réserve, comme lorsque l’on découvre pour la première fois le canon holmésien. Pourtant, on ne réussit pas à s’intéresser totalement à cet enlèvement d’un membre du parlement, la guerre de l’opium en toile de fond, la chasse aux indices de Holmes se trouvant constamment interrompue par une digression. On sort du Segal Centre avec une impression de rendez-vous théâtral légèrement manqué, mais avec une envie de relire Sir Arthur Conan Doyle.
Sherlock Holmes
De Greg Kramer, d’après l’oeuvre d’Arthur Conan Doyle
Mise en scène par Andrew Shaver
Au Centre Segal jusqu’au 28 mai