Dans le cadre de la programmation «Des artistes un jour au festival», Wajdi Mouwad nous a invités dans son atelier, ouvrant large les projets en cours. Certains ont présenté d’anciennes pièces, d’autres des pièces récentes, lui nous ouvre ses carnets, nous partages les images qui l’habitent et nous livre pêle-mêle des textes en cours (et les arrête par «Voilà, j’en suis là!»), des pistes de travail (appelant des collaborateurs ou sa jeune fille pour leur demander de réagir par téléphone à des mots) et des phrases qui forment les prémices de projets à venir.
Matières
Depuis Seuls, Wajdi a su mettre des mots sur la manière d’être à l’écoute de son intuition, il a surtout appris à envisager l’écriture scénique comme un ensemble incluant l’image, la présence physique, la musique, la lumière, au même titre que le texte. Il est très juste, par conséquent, que ce qui ne s’appelait jusqu’alors que Rendez-vous avec… s’appelle désormais Matières.
Car ce sont bien toutes sortes de matières que nous présente Mouawad. Matière des mots qu’il épelle, écrit, malaxe face au micro (les noms de différentes armes de combat étant prononcé syllabe par syllabe avant de devenir bruit caractéristique de chaque rafale) et trace à la bombe rouge sur le grand mur bordant l’espace, une surface de plastique irrégulièrement tendue.
Aussi des matières organiques, avec ces fruits qu’il mange en tentant de continuer à nous parler. Sans oublier la peinture blanche avec laquelle il recouvre ses mots, avant de s’enrouler dans cette membrane peinte. Entre performance, lecture, bribes de séquences physiques dans des images projetées, les matières se dévoilent dans cet espace nu, atelier organisé autour de deux petites tables, d’un micro, d’un bac en plastique et de deux sceaux.
Les roncières
Il y a comme fil directeur une plongée dans «les roncières», son histoire, sa jeunesse, à un moment où il se sent au mitan de sa vie, moment où l’on peut regarder le ratage! Les ronces sont l’espace de la mémoire. Il part là d’une phrase saisie qu’il fait résonner de toutes sortes de manières (de matières pourrait-on dire) avec l’intuition de quelques images-chocs.
En prenant au pied de la lettre, comme souvent dans son travail, cette invitation à un laboratoire, Mouawad s’est enfermé seul et a exploré ces bribes, il a essayé de s’entendre dire ces paroles, s’est filmé (courant, aboyant le texte, le disant). On a donc quelque chose entre l’étape zéro, la performance et l’ouverture de l’atelier.
D’un départ très simple, à nue, avec une prise de parole, différentes séquences lues, écoutées, vues en vidéo sont alternées sur le plateau. Tissage de fils autour de la manière de se positionner face à sa vie et à son roncier. Fiction et théâtre, les extraits lus sont autant de prolongements de l’œuvre dramatique (ici un pays en guerre où des camions passent pour épandre de la chaux qui dissout les corps, un hameau dans les hauteurs, un homme y est accueilli, le paysage alentour qui semble être un protagoniste) ou romanesque (certains textes semblent des prolongements d’Anima; notamment l’observation d’une mouche butant sans cesse sur une vitre, invisibilité concrète qui devient métaphore de notre condition humaine). Mouwad partage avec grande simplicité et sincérité, les textes en cours.
Depuis Seuls, il y a une poursuite du travail avec l’image (vidéo, écriture, peinture) et cette manière de s’immerger dedans, ce que je lui ai fait évoquer, puisqu’à un moment Wajdi appelle un journaliste sur scène, s’il y en a dans la salle. Je me suis donc retrouvé sur le plateau et il m’a demandé de lui poser trois questions (sur son travail ou tout autre sujet). Je l’ai donc questionné sur son rapport à l’intuition, puis sur sa relation aux images. Il a expliqué, notamment, comment l’écriture scénique telle qu’il la développe maintenant répond aussi à une fatigue des mots.
L’Annonciation
La proposition s’achève sur un très beau tableau final. Après s’être lavé mains et visage, Wajdi soulève lentement une grande bâche de plastique suspendue à une corde noire, dans le bac en plastique, emplie d’eau savonneuse, blanchie de peinture. Cette forme se déploie et ressemble étrangement à une silhouette ailée, alors que lui s’agenouille.
J’ai vu dans cette bâche translucide suspendue, éclairée en plongée, un archange dans un tableau d’Annonciation. D’ailleurs, l’un des protagonistes de l’un des textes lus se nommait Gabriel. Serait-ce l’annonciation d’un projet à venir? Ou plus simplement sa première rencontre avec le projet à venir, avec l’intuition, de la même manière qu’il a rencontré des prémices d’histoire sous forme de personnes imaginaires qui viennent toquer à sa porte! Wajdi salue l’ange qui lui apporte l’histoire à venir, en même qu’il est cette histoire, une rencontre lumineuse qui vient soudain irradier le roncier.
Rendez-vous avec Wajdi Mouawad. Présenté le 24 juillet 2013, au Gymnase du lycée Saint-Joseph, à l’occasion du Festival d’Avignon.
Dans le cadre de la programmation «Des artistes un jour au festival», Wajdi Mouwad nous a invités dans son atelier, ouvrant large les projets en cours. Certains ont présenté d’anciennes pièces, d’autres des pièces récentes, lui nous ouvre ses carnets, nous partages les images qui l’habitent et nous livre pêle-mêle des textes en cours (et les arrête par «Voilà, j’en suis là!»), des pistes de travail (appelant des collaborateurs ou sa jeune fille pour leur demander de réagir par téléphone à des mots) et des phrases qui forment les prémices de projets à venir.
Matières
Depuis Seuls, Wajdi a su mettre des mots sur la manière d’être à l’écoute de son intuition, il a surtout appris à envisager l’écriture scénique comme un ensemble incluant l’image, la présence physique, la musique, la lumière, au même titre que le texte. Il est très juste, par conséquent, que ce qui ne s’appelait jusqu’alors que Rendez-vous avec… s’appelle désormais Matières.
Car ce sont bien toutes sortes de matières que nous présente Mouawad. Matière des mots qu’il épelle, écrit, malaxe face au micro (les noms de différentes armes de combat étant prononcé syllabe par syllabe avant de devenir bruit caractéristique de chaque rafale) et trace à la bombe rouge sur le grand mur bordant l’espace, une surface de plastique irrégulièrement tendue.
Aussi des matières organiques, avec ces fruits qu’il mange en tentant de continuer à nous parler. Sans oublier la peinture blanche avec laquelle il recouvre ses mots, avant de s’enrouler dans cette membrane peinte. Entre performance, lecture, bribes de séquences physiques dans des images projetées, les matières se dévoilent dans cet espace nu, atelier organisé autour de deux petites tables, d’un micro, d’un bac en plastique et de deux sceaux.
Les roncières
Il y a comme fil directeur une plongée dans «les roncières», son histoire, sa jeunesse, à un moment où il se sent au mitan de sa vie, moment où l’on peut regarder le ratage! Les ronces sont l’espace de la mémoire. Il part là d’une phrase saisie qu’il fait résonner de toutes sortes de manières (de matières pourrait-on dire) avec l’intuition de quelques images-chocs.
En prenant au pied de la lettre, comme souvent dans son travail, cette invitation à un laboratoire, Mouawad s’est enfermé seul et a exploré ces bribes, il a essayé de s’entendre dire ces paroles, s’est filmé (courant, aboyant le texte, le disant). On a donc quelque chose entre l’étape zéro, la performance et l’ouverture de l’atelier.
D’un départ très simple, à nue, avec une prise de parole, différentes séquences lues, écoutées, vues en vidéo sont alternées sur le plateau. Tissage de fils autour de la manière de se positionner face à sa vie et à son roncier. Fiction et théâtre, les extraits lus sont autant de prolongements de l’œuvre dramatique (ici un pays en guerre où des camions passent pour épandre de la chaux qui dissout les corps, un hameau dans les hauteurs, un homme y est accueilli, le paysage alentour qui semble être un protagoniste) ou romanesque (certains textes semblent des prolongements d’Anima; notamment l’observation d’une mouche butant sans cesse sur une vitre, invisibilité concrète qui devient métaphore de notre condition humaine). Mouwad partage avec grande simplicité et sincérité, les textes en cours.
Depuis Seuls, il y a une poursuite du travail avec l’image (vidéo, écriture, peinture) et cette manière de s’immerger dedans, ce que je lui ai fait évoquer, puisqu’à un moment Wajdi appelle un journaliste sur scène, s’il y en a dans la salle. Je me suis donc retrouvé sur le plateau et il m’a demandé de lui poser trois questions (sur son travail ou tout autre sujet). Je l’ai donc questionné sur son rapport à l’intuition, puis sur sa relation aux images. Il a expliqué, notamment, comment l’écriture scénique telle qu’il la développe maintenant répond aussi à une fatigue des mots.
L’Annonciation
La proposition s’achève sur un très beau tableau final. Après s’être lavé mains et visage, Wajdi soulève lentement une grande bâche de plastique suspendue à une corde noire, dans le bac en plastique, emplie d’eau savonneuse, blanchie de peinture. Cette forme se déploie et ressemble étrangement à une silhouette ailée, alors que lui s’agenouille.
J’ai vu dans cette bâche translucide suspendue, éclairée en plongée, un archange dans un tableau d’Annonciation. D’ailleurs, l’un des protagonistes de l’un des textes lus se nommait Gabriel. Serait-ce l’annonciation d’un projet à venir? Ou plus simplement sa première rencontre avec le projet à venir, avec l’intuition, de la même manière qu’il a rencontré des prémices d’histoire sous forme de personnes imaginaires qui viennent toquer à sa porte! Wajdi salue l’ange qui lui apporte l’histoire à venir, en même qu’il est cette histoire, une rencontre lumineuse qui vient soudain irradier le roncier.
Rendez-vous avec Wajdi Mouawad. Présenté le 24 juillet 2013, au Gymnase du lycée Saint-Joseph, à l’occasion du Festival d’Avignon.