Membre de la cohorte de diplômés 2009 de l’École nationale de théâtre, Félix Monette-Dubeau proposait hier à la Zone Homa une première lecture de sa pièce Spin, charge contre les excès de la société de consommation non dépourvue d’une certaine profondeur.
Côté cour, un cycliste, dont on ne comprendra l’identité qu’à la toute fin, roule. Ce faisant, il réfléchit, à la condition humaine, au vide, aux rencontres qui bouleversent sans que l’on s’en rende immédiatement compte, aux événements du quotidien qui deviennent autant de pierres blanches. «On écoute les histoires pour partager.»
Côté jardin, dans un autre lieu, un autre espace temporel, un commis raconte, par bribes, un moment qui fera basculer la vie de ceux l’ayant vécu. Entre les deux, fil conducteur qui parfois se tend, parfois manque de ressort, une galerie de personnages attend l’ouverture d’un magasin d’électronique, pour se procurer à la première heure le dernier gadget à tout faire. Ceux-ci sont tracés à gros traits: un couple d’amoureux qui multiplie les clichés (Catherine Lavoie et Frédéric Millaire-Zouvi, plus convaincants dans les demi-teintes que dans le registre explosif), deux iFans qui ne pêchent certes pas par excès de subtilité, une journaliste qui finira par tant se déchaîner qu’elle rappellera certaines vedettes pornos et Annie, une petite secrétaire comme tant d’autres, interprétée avec une belle réserve par Véronic Rodrigue. «Il me faut des certitudes, sinon je suis étouffée par les pourquoi», expliquera-t-elle à un moment.
La lecture au lutrin se révèle implacable pour mettre en lumière les scories d’un texte, l’œil ne distrayant que rarement l’oreille. Plusieurs angles de la mouture présentée auront besoin d’être limés pour que Spin puisse devenir un objet théâtral entièrement cohérent. L’auteur souhaitera peut-être affiner son coup de crayon, histoire d’ajouter un peu de densité aux personnages secondaires.
Certains segments suscitent certes l’hilarité, la description de la recherche du DVD du Parrain 2 notamment, alors que l’un des iFans cède aux sirènes d’une promotion «Achetez-en tant et obtenez-en un gratuit», satire mordante et efficace. D’autres par contre dénotent une certaine lourdeur, ne faisant en rien progresser l’action, par exemple ces invectives gratuites aux gardes de sécurité qui ferment les yeux sur certains vols de place.
Il s’avèrera sans doute difficile de transmettre la notion de foule (on parle de 1000 à 5000 personnes selon les moments) et l’effervescence d’un spectacle préouverture (des projections, peut-être?), mais le nœud du problème réside pour l’instant ailleurs. On peine à se centrer, tiraillé entre le discours plus philosophique de Stéphane le coursier (Alexis Lefebvre, plutôt convaincant), la narration plus clinique du commis (Francis-William Rhéaume, qui révèle adroitement les strates du personnage), la fragilité d’Annie (rôle-clé qui mériterait d’être développé un peu plus) et la langue de la rue des autres. On voudra resserrer certaines scènes, mais le dernier segment – une fois l’indicible produit – demeure d’une remarquable efficacité.
La notion du doute (envers la société de consommation, les relations interpersonnelles, le vide inhérent à la condition humaine, que certains remplissent par un dieu) revient sous diverses formes, tel un leitmotiv. «Peut-être est-il mieux de se sortir du temps et ainsi moins penser même si penser moins c’est moins vivre…» Cet aspect mériterait d’être exploré plus profondément, sans doute également une fois le spectateur ayant repris pied dans son quotidien.
Spin. Texte et mise en lecture: Félix Monette-Dubeau. Présenté le 30 juillet 2013, à la maison de la culture Maisonneuve, à l’occasion de la Zone Homa.
Membre de la cohorte de diplômés 2009 de l’École nationale de théâtre, Félix Monette-Dubeau proposait hier à la Zone Homa une première lecture de sa pièce Spin, charge contre les excès de la société de consommation non dépourvue d’une certaine profondeur.
Côté cour, un cycliste, dont on ne comprendra l’identité qu’à la toute fin, roule. Ce faisant, il réfléchit, à la condition humaine, au vide, aux rencontres qui bouleversent sans que l’on s’en rende immédiatement compte, aux événements du quotidien qui deviennent autant de pierres blanches. «On écoute les histoires pour partager.»
Côté jardin, dans un autre lieu, un autre espace temporel, un commis raconte, par bribes, un moment qui fera basculer la vie de ceux l’ayant vécu. Entre les deux, fil conducteur qui parfois se tend, parfois manque de ressort, une galerie de personnages attend l’ouverture d’un magasin d’électronique, pour se procurer à la première heure le dernier gadget à tout faire. Ceux-ci sont tracés à gros traits: un couple d’amoureux qui multiplie les clichés (Catherine Lavoie et Frédéric Millaire-Zouvi, plus convaincants dans les demi-teintes que dans le registre explosif), deux iFans qui ne pêchent certes pas par excès de subtilité, une journaliste qui finira par tant se déchaîner qu’elle rappellera certaines vedettes pornos et Annie, une petite secrétaire comme tant d’autres, interprétée avec une belle réserve par Véronic Rodrigue. «Il me faut des certitudes, sinon je suis étouffée par les pourquoi», expliquera-t-elle à un moment.
La lecture au lutrin se révèle implacable pour mettre en lumière les scories d’un texte, l’œil ne distrayant que rarement l’oreille. Plusieurs angles de la mouture présentée auront besoin d’être limés pour que Spin puisse devenir un objet théâtral entièrement cohérent. L’auteur souhaitera peut-être affiner son coup de crayon, histoire d’ajouter un peu de densité aux personnages secondaires.
Certains segments suscitent certes l’hilarité, la description de la recherche du DVD du Parrain 2 notamment, alors que l’un des iFans cède aux sirènes d’une promotion «Achetez-en tant et obtenez-en un gratuit», satire mordante et efficace. D’autres par contre dénotent une certaine lourdeur, ne faisant en rien progresser l’action, par exemple ces invectives gratuites aux gardes de sécurité qui ferment les yeux sur certains vols de place.
Il s’avèrera sans doute difficile de transmettre la notion de foule (on parle de 1000 à 5000 personnes selon les moments) et l’effervescence d’un spectacle préouverture (des projections, peut-être?), mais le nœud du problème réside pour l’instant ailleurs. On peine à se centrer, tiraillé entre le discours plus philosophique de Stéphane le coursier (Alexis Lefebvre, plutôt convaincant), la narration plus clinique du commis (Francis-William Rhéaume, qui révèle adroitement les strates du personnage), la fragilité d’Annie (rôle-clé qui mériterait d’être développé un peu plus) et la langue de la rue des autres. On voudra resserrer certaines scènes, mais le dernier segment – une fois l’indicible produit – demeure d’une remarquable efficacité.
La notion du doute (envers la société de consommation, les relations interpersonnelles, le vide inhérent à la condition humaine, que certains remplissent par un dieu) revient sous diverses formes, tel un leitmotiv. «Peut-être est-il mieux de se sortir du temps et ainsi moins penser même si penser moins c’est moins vivre…» Cet aspect mériterait d’être exploré plus profondément, sans doute également une fois le spectateur ayant repris pied dans son quotidien.
Spin. Texte et mise en lecture: Félix Monette-Dubeau. Présenté le 30 juillet 2013, à la maison de la culture Maisonneuve, à l’occasion de la Zone Homa.