Né au Burkina Faso en 1983, auteur jusqu’ici d’une dizaine de pièces, Aristide Tarnagda puise son inspiration dans les réalités de son pays, mais réussit, grâce à une langue riche, particulièrement évocatrice, à transcender les frontières de celui-ci. S’il inscrit ses récits dans une intimité certaine, parfois presque impudique, sa parole atypique permet de mettre en lumière les grands enjeux contemporains.
Dans le diptyque présenté en ouverture de la cinquième édition de Dramaturgies en dialogue, il aborde le fossé toujours grandissant entre riches et pauvres («Capitaliser le capital dans toutes les capitales du monde capitaliste.»), mais aussi les questions d’identité, de maternité et de paternité, en plus de proposer une réflexion sur la violence («La rue peut tout.») et le rôle de l’artiste («Les artistes, c’est des gens qui sont dans la boue.»).
Les larmes du ciel d’août
Chez Tarnagda, le souffle part de soi, mais devient geste politique. Dans Les larmes du ciel d’août (présenté notamment en 2007 au Festival d’Avignon), une femme sans le sou, enceinte jusqu’aux oreilles, refuse l’aumône de celle qui souhaite l’extraire de gré ou de force de cette vie qu’elle a pourtant choisie. «Je n’ai pas besoin de votre commisération», s’insurge-t-elle d’entrée de jeu. Elle attend son homme, parti gagner quelques sous dans une autre ville, histoire d’assurer un avenir plus décent à leur fils. Ponctué de «Vous comprenez?», expirations aussi bien qu’expiations, le monologue propose une lecture féminine de la pauvreté, de l’abandon, du manque de l’autre, de la violence de la rue, des doutes liés à la maternité. Si Myriam De Verger campe assez efficacement le personnage, tantôt fragile, tantôt arrogant, on pourra regretter quelques hésitations, mais surtout que sa voix ait eu de la difficulté à s’émanciper des percussions du musicien invité, les paroles devenant alors contrepoint de la ligne musicale plutôt que l’inverse.
Et si je les tuais tous madame?
De cette pièce écrite en 2011 dans le cadre d’une résidence du CEAD à Québec, présentée cet été au Festival d’Avignon, dont le texte sera publié chez Lansman en octobre, l’histoire se révèle en miroir. Lamine, porté à bout de bras par l’auteur, a quitté sa femme. Pour offrir une meilleure vie au petit à naître? Pour fuir le souvenir de ses parents, de son ami d’enfance Robert? À un carrefour, il interpelle une conductrice (la même peut-être?), tente de se raconter, de justifier certains choix. «Vous auriez fait quoi, à ma place, madame?» Des voix le traversent, le houspillent, en une partition complexe, aboutie, qui nous révèle un homme pris entre rêves et désillusions, vérité et mensonge, hier et demain, colonialisme et émancipation. «Je voudrais que personne ne m’attende.» Peut-on se débarrasser d’un passé, qu’il soit familial ou politique? Peut-on se réinventer dans un autre lieu ou doit-on voyager à l’intérieur même de soi? Ici, rien ne se décline en blanc ou noir, la modernité doit être soutenue par la tradition. Les questions s’insinuent, fissurent les certitudes. «Que feriez-vous si l’espoir n’était qu’absence?» On sort du théâtre troublé, conscient d’avoir entendu une voix unique, singulière.
Les larmes du ciel d’août + Et si je les tuais tous madame? Texte: Aristide Tarnagda. Mise en lecture: Sylvain Bélanger. Au Théâtre d’Aujourd’hui, le 23 août 2013.
Né au Burkina Faso en 1983, auteur jusqu’ici d’une dizaine de pièces, Aristide Tarnagda puise son inspiration dans les réalités de son pays, mais réussit, grâce à une langue riche, particulièrement évocatrice, à transcender les frontières de celui-ci. S’il inscrit ses récits dans une intimité certaine, parfois presque impudique, sa parole atypique permet de mettre en lumière les grands enjeux contemporains.
Dans le diptyque présenté en ouverture de la cinquième édition de Dramaturgies en dialogue, il aborde le fossé toujours grandissant entre riches et pauvres («Capitaliser le capital dans toutes les capitales du monde capitaliste.»), mais aussi les questions d’identité, de maternité et de paternité, en plus de proposer une réflexion sur la violence («La rue peut tout.») et le rôle de l’artiste («Les artistes, c’est des gens qui sont dans la boue.»).
Les larmes du ciel d’août
Chez Tarnagda, le souffle part de soi, mais devient geste politique. Dans Les larmes du ciel d’août (présenté notamment en 2007 au Festival d’Avignon), une femme sans le sou, enceinte jusqu’aux oreilles, refuse l’aumône de celle qui souhaite l’extraire de gré ou de force de cette vie qu’elle a pourtant choisie. «Je n’ai pas besoin de votre commisération», s’insurge-t-elle d’entrée de jeu. Elle attend son homme, parti gagner quelques sous dans une autre ville, histoire d’assurer un avenir plus décent à leur fils. Ponctué de «Vous comprenez?», expirations aussi bien qu’expiations, le monologue propose une lecture féminine de la pauvreté, de l’abandon, du manque de l’autre, de la violence de la rue, des doutes liés à la maternité. Si Myriam De Verger campe assez efficacement le personnage, tantôt fragile, tantôt arrogant, on pourra regretter quelques hésitations, mais surtout que sa voix ait eu de la difficulté à s’émanciper des percussions du musicien invité, les paroles devenant alors contrepoint de la ligne musicale plutôt que l’inverse.
Et si je les tuais tous madame?
De cette pièce écrite en 2011 dans le cadre d’une résidence du CEAD à Québec, présentée cet été au Festival d’Avignon, dont le texte sera publié chez Lansman en octobre, l’histoire se révèle en miroir. Lamine, porté à bout de bras par l’auteur, a quitté sa femme. Pour offrir une meilleure vie au petit à naître? Pour fuir le souvenir de ses parents, de son ami d’enfance Robert? À un carrefour, il interpelle une conductrice (la même peut-être?), tente de se raconter, de justifier certains choix. «Vous auriez fait quoi, à ma place, madame?» Des voix le traversent, le houspillent, en une partition complexe, aboutie, qui nous révèle un homme pris entre rêves et désillusions, vérité et mensonge, hier et demain, colonialisme et émancipation. «Je voudrais que personne ne m’attende.» Peut-on se débarrasser d’un passé, qu’il soit familial ou politique? Peut-on se réinventer dans un autre lieu ou doit-on voyager à l’intérieur même de soi? Ici, rien ne se décline en blanc ou noir, la modernité doit être soutenue par la tradition. Les questions s’insinuent, fissurent les certitudes. «Que feriez-vous si l’espoir n’était qu’absence?» On sort du théâtre troublé, conscient d’avoir entendu une voix unique, singulière.
Les larmes du ciel d’août + Et si je les tuais tous madame? Texte: Aristide Tarnagda. Mise en lecture: Sylvain Bélanger. Au Théâtre d’Aujourd’hui, le 23 août 2013.