Qu’est-ce qui fait de la pièce de Friedrich Schiller, Mary Stuart, le succès qu’elle remporte présentement à Stratford? La rencontre fictive et hautement dramatique de deux reines (Mary Stuart et Élizabeth I), la rencontre sur scène de deux actrices remarquables (Lucy Peacock et Seana McKenna) ou la rencontre de trois époques: l’ère victorienne de la pièce, l’Europe mouvementée de la fin du XVIIIe siècle qui était le contexte historique du dramaturge allemand Schiller et la nôtre, relayée par l’adaptation de Peter Oswald?
Un peu de tous ces ingrédients, certes. Mais encore, je dirais que la fascination du XXIe siècle pour la figure de la reine tient pour beaucoup dans le succès des pièces historiques qui la mettent en scène. Ce n’est sûrement pas un hasard d’ailleurs si la pièce de Michel Marc Bouchard, Christine, la reine garçon, sera présentée l’année prochaine à Stratford, dans une traduction de Linda Gaboriau. Le théâtre pourrait être le genre le plus propice à faire le portrait de ces femmes excessives qui ont joué sur la scène de l’histoire des rôles que leur passion et leur pouvoir ont rendu célèbres et qui sont parvenues à transcender leur sexe dans des mondes d’hommes.
Mary Stuart
Il faut saluer ici l’excellente mise en scène d’Antoni Cimolino d’une pièce faite sur mesure pour Stratford, tant pour l’époque (celle de Shakespeare) que pour les rôles qu’elle offre à deux des comédiennes les plus chevronnées de la compagnie, qui sont supportées du reste par des acteurs tout aussi remarquables: Ben Carlson, Brian Dennehy et Geraint Wyn Davies, pour ne citer que ceux-là. Cette pièce a tout pour mettre en valeur le talent des comédiens de Stratford qui, il faudrait le souligner ici, peuvent être acclamés par le Canada anglais (et tout particulièrement par les habitués du Festival) et demeurer parfaitement inconnus au Québec. D’ailleurs, s’il me fallait recommander au spectateur québécois une seule pièce pour découvrir cette compagnie sans égale au Canada, ce serait celle-là.
Le théâtre Patterson, avec sa longue scène rectangulaire qui partage la salle en deux, était du reste un choix particulièrement judicieux pour une pièce qui privilégie les duels verbaux plus que les scènes de combat avec un grand nombre d’acteurs. D’une part, de par sa proximité, cette scène (qui se transformera alternativement dans la cour de Westminster et le château de Fotheringhay) permet aux spectateurs d’apprécier les nuances du jeu des acteurs. D’autre part, le caractère rectangulaire de l’aire de jeu offre un cadre idéal à la fameuse scène de rencontre des deux reines, qui est bien le point culminant de toute la pièce. Non seulement cette scène centrale permet ingénieusement à la fiction de suppléer à l’Histoire, mais encore elle offre un canevas dramatique exceptionnel. Car alors que Mary Stuart, en position de faiblesse, a voulu ce rendez-vous pour demander à Elizabeth d’être graciée, elle réussira dans cette scène à renverser les rôles, gagnant haut la main la joute oratoire et écrasant sa rivale sur le plan moral.
Certains diront que l’adaptation de Peter Oswald, un écrivain dont les pièces ont été produites tout autant au Globe qu’à Broadway, a rendu la pièce de Schiller accessible; d’autres voudront croire plutôt que Schiller a réussi le premier à transformer une matière historique en action dramatique. À Stratford, c’est l’ensemble de la production de Mary Stuart qui nous séduit, prouvant que si le cinéma et la télévision peuvent reproduire le faste de ces époques royales, le théâtre a lui toujours la faculté de nous émouvoir et de nous faire réfléchir sur nos sociétés démocratiques, qui ne décapitent plus leurs chefs, dieu merci, mais qui sont tout autant férus d’intrigues politiques et d’affrontements mettant en jeu des mots et des images.
Mary Stuart. Texte: Friedrich Schiller. Adaptation: Peter Oswald. Mise en scène: Antoni Cimolino. Au Patterson Theatre jusqu’au 21 septembre, puis du 2 au 19 octobre 2013.
Qu’est-ce qui fait de la pièce de Friedrich Schiller, Mary Stuart, le succès qu’elle remporte présentement à Stratford? La rencontre fictive et hautement dramatique de deux reines (Mary Stuart et Élizabeth I), la rencontre sur scène de deux actrices remarquables (Lucy Peacock et Seana McKenna) ou la rencontre de trois époques: l’ère victorienne de la pièce, l’Europe mouvementée de la fin du XVIIIe siècle qui était le contexte historique du dramaturge allemand Schiller et la nôtre, relayée par l’adaptation de Peter Oswald?
Un peu de tous ces ingrédients, certes. Mais encore, je dirais que la fascination du XXIe siècle pour la figure de la reine tient pour beaucoup dans le succès des pièces historiques qui la mettent en scène. Ce n’est sûrement pas un hasard d’ailleurs si la pièce de Michel Marc Bouchard, Christine, la reine garçon, sera présentée l’année prochaine à Stratford, dans une traduction de Linda Gaboriau. Le théâtre pourrait être le genre le plus propice à faire le portrait de ces femmes excessives qui ont joué sur la scène de l’histoire des rôles que leur passion et leur pouvoir ont rendu célèbres et qui sont parvenues à transcender leur sexe dans des mondes d’hommes.
Mary Stuart
Il faut saluer ici l’excellente mise en scène d’Antoni Cimolino d’une pièce faite sur mesure pour Stratford, tant pour l’époque (celle de Shakespeare) que pour les rôles qu’elle offre à deux des comédiennes les plus chevronnées de la compagnie, qui sont supportées du reste par des acteurs tout aussi remarquables: Ben Carlson, Brian Dennehy et Geraint Wyn Davies, pour ne citer que ceux-là. Cette pièce a tout pour mettre en valeur le talent des comédiens de Stratford qui, il faudrait le souligner ici, peuvent être acclamés par le Canada anglais (et tout particulièrement par les habitués du Festival) et demeurer parfaitement inconnus au Québec. D’ailleurs, s’il me fallait recommander au spectateur québécois une seule pièce pour découvrir cette compagnie sans égale au Canada, ce serait celle-là.
Le théâtre Patterson, avec sa longue scène rectangulaire qui partage la salle en deux, était du reste un choix particulièrement judicieux pour une pièce qui privilégie les duels verbaux plus que les scènes de combat avec un grand nombre d’acteurs. D’une part, de par sa proximité, cette scène (qui se transformera alternativement dans la cour de Westminster et le château de Fotheringhay) permet aux spectateurs d’apprécier les nuances du jeu des acteurs. D’autre part, le caractère rectangulaire de l’aire de jeu offre un cadre idéal à la fameuse scène de rencontre des deux reines, qui est bien le point culminant de toute la pièce. Non seulement cette scène centrale permet ingénieusement à la fiction de suppléer à l’Histoire, mais encore elle offre un canevas dramatique exceptionnel. Car alors que Mary Stuart, en position de faiblesse, a voulu ce rendez-vous pour demander à Elizabeth d’être graciée, elle réussira dans cette scène à renverser les rôles, gagnant haut la main la joute oratoire et écrasant sa rivale sur le plan moral.
Certains diront que l’adaptation de Peter Oswald, un écrivain dont les pièces ont été produites tout autant au Globe qu’à Broadway, a rendu la pièce de Schiller accessible; d’autres voudront croire plutôt que Schiller a réussi le premier à transformer une matière historique en action dramatique. À Stratford, c’est l’ensemble de la production de Mary Stuart qui nous séduit, prouvant que si le cinéma et la télévision peuvent reproduire le faste de ces époques royales, le théâtre a lui toujours la faculté de nous émouvoir et de nous faire réfléchir sur nos sociétés démocratiques, qui ne décapitent plus leurs chefs, dieu merci, mais qui sont tout autant férus d’intrigues politiques et d’affrontements mettant en jeu des mots et des images.
Mary Stuart. Texte: Friedrich Schiller. Adaptation: Peter Oswald. Mise en scène: Antoni Cimolino. Au Patterson Theatre jusqu’au 21 septembre, puis du 2 au 19 octobre 2013.