Premier texte de théâtre pour le multitalentueux Robin Aubert, un ancien habitué des planches comme acteur. Le chant de Meu, ce «Meu» de l’enfant qui imite le cri de la vache. Parce que la nostalgie de l’enfance perdue plane sur ce puissant texte. Parce qu’il y aura mort. D’une vache. D’un chevreuil. Et d’un homme.
Alain débarque en trombe chez son meilleur ami Marco. Haletant, il peine à expliquer pourquoi son chandail est recouvert de sang. Dans un formidable monologue d’une vingtaine de minutes, Alain refait le fil des événements de cette soirée funeste, un de ces soirs où le «coude se lève plus rapidement, où on est plus apte à se dévisser la tête». C’est le temps de la chasse. Le village est habité par «la maudite buck fever», une période pendant laquelle les hommes jouent les durs alors que tirer un chevreuil leur fait battre le cœur à toute allure. C’est soir de cagnotte au bar du coin, soir de victoire spectaculaire du Canadien. L’alcool et la poudre se succèdent. Tout comme les événements qui mèneront Alain à tuer un homme. Son ami, hébété, se rendra sur les lieux du crime pour constater les dommages. Alain et Marco ne sont pas des caïds, pas même des petits voyous. Juste des hommes ordinaires, encore habités par leur petit garçon intérieur, frappés par la fin de l’innocence. Voir son premier mort, aller pour la première fois visiter un ami en prison: il y a de ces premières qui marquent comme des dernières.
D’un côté, Martin Dubreuil, impressionne de justesse et de vérité. On est pendus à ses lèvres dans cette imposante première scène où il rejoue la soirée qui s’achève, cherchant à décrire le plus précisément possible le moindre détail, tel un Homère qui reviendrait de son épopée. Comme un homme qui se rend compte que cette «aventure» sera sa dernière, lui qui prendra le chemin de la prison, enfermant pour 25 ans ses rêves et petits projets de vie.
Hubert Proulx, en ami témoin de l’événement, n’en est pas moins épatant, touchant de douceur et de mal-être. Les deux amis, dans une superbe scène finale, non dénuée d’humour, seront réunis autour des non-dits et de leur nostalgie commune du temps où la vie était moins compliquée.
Dans ce texte fourmillant de phrases marquantes, Robin Aubert poursuit sa réflexion sur la masculinité. Son observation est ici fine et tendre. Pour un premier texte de théâtre, Aubert démontre un pouvoir d’évocation impressionnant. De son côté, le metteur en scène Benoît Desjardins a eu l’intelligence de ne pas faire de ces personnages des archétypes, on joue d’économie et le résultat est probant.
Il est bon de découvrir Robin Aubert sans rage ni émotion brutale. Un texte tout en réalisme, en vérité et en retenue, mais tout aussi porteur d’émotions que ses scénarios de films. Il est bon, et pas si fréquent, de découvrir un nouvel auteur de théâtre.
Le chant de Meu. Texte de Robin Aubert. Mise en scène de Benoît Desjardins. Une production du Noble Théâtre des trous de siffleux. Au Théâtre Prospero jusqu’au 30 novembre 2013
Premier texte de théâtre pour le multitalentueux Robin Aubert, un ancien habitué des planches comme acteur. Le chant de Meu, ce «Meu» de l’enfant qui imite le cri de la vache. Parce que la nostalgie de l’enfance perdue plane sur ce puissant texte. Parce qu’il y aura mort. D’une vache. D’un chevreuil. Et d’un homme.
Alain débarque en trombe chez son meilleur ami Marco. Haletant, il peine à expliquer pourquoi son chandail est recouvert de sang. Dans un formidable monologue d’une vingtaine de minutes, Alain refait le fil des événements de cette soirée funeste, un de ces soirs où le «coude se lève plus rapidement, où on est plus apte à se dévisser la tête». C’est le temps de la chasse. Le village est habité par «la maudite buck fever», une période pendant laquelle les hommes jouent les durs alors que tirer un chevreuil leur fait battre le cœur à toute allure. C’est soir de cagnotte au bar du coin, soir de victoire spectaculaire du Canadien. L’alcool et la poudre se succèdent. Tout comme les événements qui mèneront Alain à tuer un homme. Son ami, hébété, se rendra sur les lieux du crime pour constater les dommages. Alain et Marco ne sont pas des caïds, pas même des petits voyous. Juste des hommes ordinaires, encore habités par leur petit garçon intérieur, frappés par la fin de l’innocence. Voir son premier mort, aller pour la première fois visiter un ami en prison: il y a de ces premières qui marquent comme des dernières.
D’un côté, Martin Dubreuil, impressionne de justesse et de vérité. On est pendus à ses lèvres dans cette imposante première scène où il rejoue la soirée qui s’achève, cherchant à décrire le plus précisément possible le moindre détail, tel un Homère qui reviendrait de son épopée. Comme un homme qui se rend compte que cette «aventure» sera sa dernière, lui qui prendra le chemin de la prison, enfermant pour 25 ans ses rêves et petits projets de vie.
Hubert Proulx, en ami témoin de l’événement, n’en est pas moins épatant, touchant de douceur et de mal-être. Les deux amis, dans une superbe scène finale, non dénuée d’humour, seront réunis autour des non-dits et de leur nostalgie commune du temps où la vie était moins compliquée.
Dans ce texte fourmillant de phrases marquantes, Robin Aubert poursuit sa réflexion sur la masculinité. Son observation est ici fine et tendre. Pour un premier texte de théâtre, Aubert démontre un pouvoir d’évocation impressionnant. De son côté, le metteur en scène Benoît Desjardins a eu l’intelligence de ne pas faire de ces personnages des archétypes, on joue d’économie et le résultat est probant.
Il est bon de découvrir Robin Aubert sans rage ni émotion brutale. Un texte tout en réalisme, en vérité et en retenue, mais tout aussi porteur d’émotions que ses scénarios de films. Il est bon, et pas si fréquent, de découvrir un nouvel auteur de théâtre.
Le chant de Meu. Texte de Robin Aubert. Mise en scène de Benoît Desjardins. Une production du Noble Théâtre des trous de siffleux. Au Théâtre Prospero jusqu’au 30 novembre 2013