Seule en scène, Sylvie Drapeau incarne une femme (dont on ne connaîtra pas le nom), petite-fille de Marie, fille de Florence, elle-même mère. Ainsi s’impose le thème de la filiation. En une heure, par bribes, ce personnage recompose des vies, toutes marquées par des secrets, des violences, des désirs inassouvis, et quelques moments de tendresse. Ces vies, elles sont imbriquées les unes dans les autres, et la narratrice veut comprendre pourquoi elle ressent les mêmes angoisses que sa mère. Et elle lutte pour ne pas que ses fils soient comme les hommes qu’elle a connus. Alors que la mort rôde, prête à emporter sa mère, elle interpelle sa grand-mère décédée, l’interroge, cherche encouragement et affranchissement.
L’écriture de Jennifer Tremblay, elliptique, tantôt réaliste tantôt poétique, pose de réels défis à la comédienne qui doit jouer de tonalités, de rythmes, de niveaux de langue différents pour passer d’un personnage à un autre, d’une situation à une autre. Sylvie Drapeau prouve encore une fois son immense talent. Le metteur en scène, Patrice Dubois, la place dans un monde aux accents «western» (par la musique, le costume, les accessoires), soulignant ainsi l’inscription de l’histoire dans un paysage rural québécois. La comédienne se glisse dans cet univers un peu rude où elle se démultiplie tout en préservant des zones d’intériorité pour son personnage.
Aborder tant de sujets: histoires familiales, relations entre les membres de trois générations, relations de couples, sexualité, transmission, liberté, etc., en si peu de temps, constitue un défi. Et pour la comédienne et pour le spectateur qui souhaiterait peut-être, parfois, un peu d’approfondissement. Acceptons toutefois d’être ici dans la fragmentation, dans le flux de pensées et de souvenirs qui se bousculent dans la tête, dans l’enchevêtrement de tout ce qui constitue une vie. Dans la répétition des tours de carrousel. Mais avec l’espoir pourtant qu’un jour, on pourra en débarquer et partir au-delà de «la ligne d’horizon», car heureusement «tous les chemins n’ont pas été tracés».
Avec ce «récit théâtral», Jennifer Tremblay offre le deuxième volet d’une trilogie commencée avec La Liste, aussi interprétée magistralement par Sylvie Drapeau en 2008. Or, il n’est pas nécessaire d’avoir vu le premier pour saisir le second. Dans La Liste, le personnage était confronté à la culpabilité, pendant qu’on découvrait que son égocentrisme et autres tourments l’avaient entraînée à négliger une amie au point de ne pas voir sa détresse. Le texte était compact, dense, presque incantatoire. Dans Le Carrousel, cette femme semble moins fragile, plus apte à trouver des réponses à ses questions, et, à la fin, plus à même de se prendre en main. Cette impression tient bien sûr à l’écriture de la pièce, qui traite ici de thèmes plus communs et comporte même des passages humoristiques, mais elle est accentuée par un jeu plus naturaliste de la comédienne, dirigée par Patrice Dubois qui a opté pour une mise en scène plus terre-à-terre, si j’ose dire, que celle de Marie-Thérèse Fortin pour La Liste. Peut-être est-ce pourquoi le spectateur est moins «surpris» par cette production que par la première. Si le personnage gagne en proximité, il perd en mystère.
Au moment où Robert Lepage vient éblouir avec ses prouesses à la Tohu et le tandem Lemieux / Pilon projette ses hologrammes sur la scène du TNM, le spectateur du Théâtre d’Aujourd’hui est convié à vivre une expérience qui est à l’essence du théâtre: la rencontre d‘un texte, d’une interprète et d’un public.
Le Carrousel. Texte de Jennifer Tremblay. Mise en scène de Patrice Dubois. Une production du Théâtre d’Aujourd’hui. Au Théâtre d’Aujourd’hui jusqu’au 8 février 2014.
Seule en scène, Sylvie Drapeau incarne une femme (dont on ne connaîtra pas le nom), petite-fille de Marie, fille de Florence, elle-même mère. Ainsi s’impose le thème de la filiation. En une heure, par bribes, ce personnage recompose des vies, toutes marquées par des secrets, des violences, des désirs inassouvis, et quelques moments de tendresse. Ces vies, elles sont imbriquées les unes dans les autres, et la narratrice veut comprendre pourquoi elle ressent les mêmes angoisses que sa mère. Et elle lutte pour ne pas que ses fils soient comme les hommes qu’elle a connus. Alors que la mort rôde, prête à emporter sa mère, elle interpelle sa grand-mère décédée, l’interroge, cherche encouragement et affranchissement.
L’écriture de Jennifer Tremblay, elliptique, tantôt réaliste tantôt poétique, pose de réels défis à la comédienne qui doit jouer de tonalités, de rythmes, de niveaux de langue différents pour passer d’un personnage à un autre, d’une situation à une autre. Sylvie Drapeau prouve encore une fois son immense talent. Le metteur en scène, Patrice Dubois, la place dans un monde aux accents «western» (par la musique, le costume, les accessoires), soulignant ainsi l’inscription de l’histoire dans un paysage rural québécois. La comédienne se glisse dans cet univers un peu rude où elle se démultiplie tout en préservant des zones d’intériorité pour son personnage.
Aborder tant de sujets: histoires familiales, relations entre les membres de trois générations, relations de couples, sexualité, transmission, liberté, etc., en si peu de temps, constitue un défi. Et pour la comédienne et pour le spectateur qui souhaiterait peut-être, parfois, un peu d’approfondissement. Acceptons toutefois d’être ici dans la fragmentation, dans le flux de pensées et de souvenirs qui se bousculent dans la tête, dans l’enchevêtrement de tout ce qui constitue une vie. Dans la répétition des tours de carrousel. Mais avec l’espoir pourtant qu’un jour, on pourra en débarquer et partir au-delà de «la ligne d’horizon», car heureusement «tous les chemins n’ont pas été tracés».
Avec ce «récit théâtral», Jennifer Tremblay offre le deuxième volet d’une trilogie commencée avec La Liste, aussi interprétée magistralement par Sylvie Drapeau en 2008. Or, il n’est pas nécessaire d’avoir vu le premier pour saisir le second. Dans La Liste, le personnage était confronté à la culpabilité, pendant qu’on découvrait que son égocentrisme et autres tourments l’avaient entraînée à négliger une amie au point de ne pas voir sa détresse. Le texte était compact, dense, presque incantatoire. Dans Le Carrousel, cette femme semble moins fragile, plus apte à trouver des réponses à ses questions, et, à la fin, plus à même de se prendre en main. Cette impression tient bien sûr à l’écriture de la pièce, qui traite ici de thèmes plus communs et comporte même des passages humoristiques, mais elle est accentuée par un jeu plus naturaliste de la comédienne, dirigée par Patrice Dubois qui a opté pour une mise en scène plus terre-à-terre, si j’ose dire, que celle de Marie-Thérèse Fortin pour La Liste. Peut-être est-ce pourquoi le spectateur est moins «surpris» par cette production que par la première. Si le personnage gagne en proximité, il perd en mystère.
Au moment où Robert Lepage vient éblouir avec ses prouesses à la Tohu et le tandem Lemieux / Pilon projette ses hologrammes sur la scène du TNM, le spectateur du Théâtre d’Aujourd’hui est convié à vivre une expérience qui est à l’essence du théâtre: la rencontre d‘un texte, d’une interprète et d’un public.
Le Carrousel. Texte de Jennifer Tremblay. Mise en scène de Patrice Dubois. Une production du Théâtre d’Aujourd’hui. Au Théâtre d’Aujourd’hui jusqu’au 8 février 2014.