Trick or Treat, c’est la phrase-clef lancée par les petits anglophones pour ouvrir les portes de l’Halloween, une incantation du «quitte ou double»: il faut choisir entre la menace d’un mauvais coup ou des friandises. Jean-Marc Dalpé ouvre cet espace de négociation pour cinq personnages en mode de survie.
Olivia Palacci (mise en scène) et Karine Mecteau-Bouchard (scénographie) ont installé cet espace entre un mur d’écrans télé montés en oblique côté cour et une série de colonnes ouvrant sur des lieux invisibles (chambre à coucher, bar) côté jardin. Une scénographie simple et très efficace puisque les drames viendront meubler cet espace central vide, drames alimentés par des partenaires virtuels projetés sur les écrans ou simplement invisibles.
Après quelques scènes en ouverture qui permettent de trancher dans la chair des protagonistes à grands coups d’humiliation, c’est dans cette boutique tenue par Ben que la pièce entre dans la tête de ces hommes fissurés. Ils sont tous tenus comme des marionnettes par un mafioso invisible qui les manipule à son gré. Et ce lien morbide se dissout dans un mélange de désirs obscurs, contradictoires, dangereux.
La fissure vient d’un père absent et d’une mère démente (Cracked), d’un père invisible qui parle par la bouche de son nouvel amant (Mike), par un homme qui devra sacrifier ses enfants pour se sortir d’un bourbier mafieux (joué par Patric Saucier), d’un fils d’immigrant polonais, second violon de la pègre locale (Ben), et dont le père vit dans une autre époque, le harcelant d’une vieillesse qui ne veut plus la vie. En plus de cette rupture émotive dans leur vie, ils ont tous subi l’humiliation et doivent apprendre à vivre avec elle ou se venger.
«L’important c’est de savoir où est sa place», explique Ben au jeune Mike désemparé. Malgré les vexations et l’humiliation, il faut savoir où il convient de se maintenir en vie. Dans une langue crue et brutale, empreinte d’une espèce de poésie de la violence, de la provocation, de subterfuges de la pensée tordue, Dalpé développe une scène magistrale entre les trois principales figures de ce drame. Mike qui veut acheter une arme pour se venger de quelques voyous qui lui ont volé ses runnings, Ben dealer d’expérience qui veut l’en dissuader en lui servant une leçon de vie, car en achetant une arme il doit prendre ce qui vient avec, à savoir des balles qui l’emporteront dans un autre monde, celui du meurtre et de la violence, et enfin Cracked (Jean-Denis Beaudoin, explosif et décapant), dont le mental est profondément modelé par un usage abusif de drogue.
Soulignons le jeu remarquable de Jacques Leblanc qui fait de Ben, petit bandit sympathique qui entretient une relation filiale avec les jeunes délinquants, un personnage gluant et rauque. Il forme d’ailleurs avec Craked un duo ambigu et puissant qui fait ombrage aux autres comédiens. Dans cet univers glauque, traversé par une pensée magique, personne ne sait exactement où est sa vraie place, et c’est par cette ignorance profonde qu’ils seront tous emportés.
Par sa vivacité et ses belles trouvailles de mise en scène, cette première production de la Bête noire marque un grand coup pour cette jeune troupe de Québec. Palacci s’appuie sur une solide distribution qui vaut à elle seule le déplacement.
Trick or Treat. Texte de Jean-Marc Dalpé. Mise en scène d’Olivia Palacci. Une production de la Bête noire. À Premier Acte jusqu’au 26 avril 2014.
Trick or Treat, c’est la phrase-clef lancée par les petits anglophones pour ouvrir les portes de l’Halloween, une incantation du «quitte ou double»: il faut choisir entre la menace d’un mauvais coup ou des friandises. Jean-Marc Dalpé ouvre cet espace de négociation pour cinq personnages en mode de survie.
Olivia Palacci (mise en scène) et Karine Mecteau-Bouchard (scénographie) ont installé cet espace entre un mur d’écrans télé montés en oblique côté cour et une série de colonnes ouvrant sur des lieux invisibles (chambre à coucher, bar) côté jardin. Une scénographie simple et très efficace puisque les drames viendront meubler cet espace central vide, drames alimentés par des partenaires virtuels projetés sur les écrans ou simplement invisibles.
Après quelques scènes en ouverture qui permettent de trancher dans la chair des protagonistes à grands coups d’humiliation, c’est dans cette boutique tenue par Ben que la pièce entre dans la tête de ces hommes fissurés. Ils sont tous tenus comme des marionnettes par un mafioso invisible qui les manipule à son gré. Et ce lien morbide se dissout dans un mélange de désirs obscurs, contradictoires, dangereux.
La fissure vient d’un père absent et d’une mère démente (Cracked), d’un père invisible qui parle par la bouche de son nouvel amant (Mike), par un homme qui devra sacrifier ses enfants pour se sortir d’un bourbier mafieux (joué par Patric Saucier), d’un fils d’immigrant polonais, second violon de la pègre locale (Ben), et dont le père vit dans une autre époque, le harcelant d’une vieillesse qui ne veut plus la vie. En plus de cette rupture émotive dans leur vie, ils ont tous subi l’humiliation et doivent apprendre à vivre avec elle ou se venger.
«L’important c’est de savoir où est sa place», explique Ben au jeune Mike désemparé. Malgré les vexations et l’humiliation, il faut savoir où il convient de se maintenir en vie. Dans une langue crue et brutale, empreinte d’une espèce de poésie de la violence, de la provocation, de subterfuges de la pensée tordue, Dalpé développe une scène magistrale entre les trois principales figures de ce drame. Mike qui veut acheter une arme pour se venger de quelques voyous qui lui ont volé ses runnings, Ben dealer d’expérience qui veut l’en dissuader en lui servant une leçon de vie, car en achetant une arme il doit prendre ce qui vient avec, à savoir des balles qui l’emporteront dans un autre monde, celui du meurtre et de la violence, et enfin Cracked (Jean-Denis Beaudoin, explosif et décapant), dont le mental est profondément modelé par un usage abusif de drogue.
Soulignons le jeu remarquable de Jacques Leblanc qui fait de Ben, petit bandit sympathique qui entretient une relation filiale avec les jeunes délinquants, un personnage gluant et rauque. Il forme d’ailleurs avec Craked un duo ambigu et puissant qui fait ombrage aux autres comédiens. Dans cet univers glauque, traversé par une pensée magique, personne ne sait exactement où est sa vraie place, et c’est par cette ignorance profonde qu’ils seront tous emportés.
Par sa vivacité et ses belles trouvailles de mise en scène, cette première production de la Bête noire marque un grand coup pour cette jeune troupe de Québec. Palacci s’appuie sur une solide distribution qui vaut à elle seule le déplacement.
Trick or Treat. Texte de Jean-Marc Dalpé. Mise en scène d’Olivia Palacci. Une production de la Bête noire. À Premier Acte jusqu’au 26 avril 2014.