Pour la première fois cette année, le festival de Stratford propose de voir une pièce de Shakespeare, A Midsummer Night’s Dream, dans deux mises en scène différentes. Alors que Chris Abraham explore le côté festif et comique de la pièce, Peter Sellars, metteur en scène américain de renom, propose une adaptation audacieuse de la pièce sur le mode tragique.
Condensée en moins de deux heures, la pièce est jouée par quatre acteurs qui tiennent tous les rôles. Aplatissant les multiples niveaux de la pièce en un seul plan, Sellars présente un Songe où l’enchantement cède la place au désenchantement.
Le Masonic Concert Hall est devenu le lieu d’une véritable installation, conçue par l’artiste Abigail DeVille : des objets, qui semblent sortis d’un entrepôt de théâtre ou d’un simple dépotoir, sont accrochés au mur et au plafond de la salle, transformant le théâtre en un lieu urbain marginal ou asocial, qui contraste autant avec la forêt de la pièce originale qu’avec le lieu plus communautaire de la proposition de Chris Abraham. On se demande d’ailleurs si cette installation métaphorise le travail de la pièce elle-même (répliques usées par des siècles de productions, à qui Sellars a trouvé un autre usage, un autre sens) ou, plus probablement, le travail du rêve (freudien), qui réutilise et réorganise les signes de la veille pour signifier les désirs.
Sur la scène, elle-même dépouillée, les murs sont nus et ne se transforment qu’au gré des éclairages très contrastés et artificiels des néons, créant un lieu clos qui donne une impression d’enfermement. Les quatre personnages, dont les désirs ne sont jamais réciproques, doivent souvent crier leur amour ou leur frustration pour se faire entendre. C’est à ne plus reconnaître son Shakespeare… Or, l’effet est prodigieux ! Sorties de leur contexte et désincarnées (par rapport à leur personnage), certaines répliques semblent prendre tout leur sens. La comédie de Shakespeare ne nous fait plus rire; avec Sellars, elle nous parle sérieusement d’amour et de pulsions.
La libération de la transgression n’est toutefois pas possible dans la version de Sellars, comme elle paraissait l’être chez Abraham. Sera-t-on étonné de voir que, dans cette mise en scène très inventive, l’orientation sexuelle n’est jamais remise en question? On se plaît à rêver d’un Songe qui combinerait ces deux propositions scéniques opposées, mais tout aussi ingénieuses. Mais surtout, on souhaite que Stratford reconduise cette formule d’un Shakespeare en programme double.
Texte de Shakespeare. Mise en scène de Peter Sellars. Au Masonic Concert Hall jusqu’au 20 septembre 2014.
Pour la première fois cette année, le festival de Stratford propose de voir une pièce de Shakespeare, A Midsummer Night’s Dream, dans deux mises en scène différentes. Alors que Chris Abraham explore le côté festif et comique de la pièce, Peter Sellars, metteur en scène américain de renom, propose une adaptation audacieuse de la pièce sur le mode tragique.
Condensée en moins de deux heures, la pièce est jouée par quatre acteurs qui tiennent tous les rôles. Aplatissant les multiples niveaux de la pièce en un seul plan, Sellars présente un Songe où l’enchantement cède la place au désenchantement.
Le Masonic Concert Hall est devenu le lieu d’une véritable installation, conçue par l’artiste Abigail DeVille : des objets, qui semblent sortis d’un entrepôt de théâtre ou d’un simple dépotoir, sont accrochés au mur et au plafond de la salle, transformant le théâtre en un lieu urbain marginal ou asocial, qui contraste autant avec la forêt de la pièce originale qu’avec le lieu plus communautaire de la proposition de Chris Abraham. On se demande d’ailleurs si cette installation métaphorise le travail de la pièce elle-même (répliques usées par des siècles de productions, à qui Sellars a trouvé un autre usage, un autre sens) ou, plus probablement, le travail du rêve (freudien), qui réutilise et réorganise les signes de la veille pour signifier les désirs.
Sur la scène, elle-même dépouillée, les murs sont nus et ne se transforment qu’au gré des éclairages très contrastés et artificiels des néons, créant un lieu clos qui donne une impression d’enfermement. Les quatre personnages, dont les désirs ne sont jamais réciproques, doivent souvent crier leur amour ou leur frustration pour se faire entendre. C’est à ne plus reconnaître son Shakespeare… Or, l’effet est prodigieux ! Sorties de leur contexte et désincarnées (par rapport à leur personnage), certaines répliques semblent prendre tout leur sens. La comédie de Shakespeare ne nous fait plus rire; avec Sellars, elle nous parle sérieusement d’amour et de pulsions.
La libération de la transgression n’est toutefois pas possible dans la version de Sellars, comme elle paraissait l’être chez Abraham. Sera-t-on étonné de voir que, dans cette mise en scène très inventive, l’orientation sexuelle n’est jamais remise en question? On se plaît à rêver d’un Songe qui combinerait ces deux propositions scéniques opposées, mais tout aussi ingénieuses. Mais surtout, on souhaite que Stratford reconduise cette formule d’un Shakespeare en programme double.
A Midsummer Night’s Dream, A Chamber Play
Texte de Shakespeare. Mise en scène de Peter Sellars. Au Masonic Concert Hall jusqu’au 20 septembre 2014.