Tout vient à point à qui sait attendre. Il aura fallu 15 ans pour que le travail d’Hugo Bélanger soit reconnu par les institutions dites grand public. Après l’Opéra de Montréal, avec Hansel et Gretel, et avant le TNM, où il présentera Le tour du monde en 80 jours en avril, le metteur en scène fait en ce moment même son entrée chez Duceppe avec Peter et Alice, un texte de l’États-Unien John Logan.
Pour concilier l’engouement du metteur en scène envers les contes de fées et l’importance qu’accorde la maison à ce qu’on pourrait appeler les pièces bien faites à l’américaine, on ne pouvait imaginer plus indiqué que le texte de Logan. Afin d’aborder des questions aussi délicates que le vieillissement, la maladie, la pédophilie et le deuil, l’auteur use d’un brillant subterfuge. Quand le dramaturge approche le mythe, la légende ou l’archétype, c’est toujours pour mieux révéler l’humanité qui se cache derrière.
C’était le cas dans Rouge, présenté au Rideau Vert la saison dernière, où l’auteur donnait à voir et à entendre Mark Rothko, l’homme derrière le grand peintre, et c’est encore plus vrai dans Peter et Alice, où il arrive à convier trois entités : d’abord le personnage, puis le créateur et, finalement, la source d’inspiration, cet individu « ordinaire » qui est pour ainsi dire coincé entre la réalité et la fiction, la vérité et le fantasme.
Ainsi, sur scène il y a premièrement Peter Llewelyn Davies (Carl Poliquin) et Alice Liddell Hargreaves (Béatrice Picard), les muses. Puis surgissent les auteurs, Lewis Carroll (Félix Beaulieu-Duchesneau) et James Barrie (Jean-Guy Viau). Et, finalement, apparaissent les héros, tout droit sortis de leurs livres, Peter Pan (Sébastien René) et Alice au pays des merveilles (Marie-Ève Milot). En s’appuyant sur cette structure à trois niveaux, une construction superbement symétrique, irréprochable d’un point de vue dramaturgique, l’auteur nous entraine dans un jeu de miroirs fascinant, une suite de confessions où tout n’est qu’échos et correspondances.
Dans cette matière, il faut le dire plus conventionnelle que les univers fantaisistes dont il a l’habitude, Hugo Bélanger a su trouver ses repères. Pendant plusieurs scènes, le metteur en scène se contente de donner de la profondeur visuelle et émotive aux échanges des deux personnages principaux en employant la grande bibliothèque en fond de scène comme un castelet où faire resurgir le passé. Certes, le procédé n’est pas nouveau, mais il est d’une redoutable efficacité.
Peu à peu, les fantômes investissent la scène, les êtres de papier côtoient les êtres de chair et les vérités fusent. Cette montée de l’imaginaire permet à Bélanger de faire ce qu’il fait si bien, de la commedia dell’arte, mais toujours avec le bon dosage, sans jamais céder à l’esbroufe.
La distribution est impeccable. Béatrice Picard est fort émouvante en petite fille dans un corps de vieille femme. Félix Beaulieu-Duchesneau est attachant et troublant dans les habits de Lewis Carroll. Mais on se délecte plus que tout de voir Sébastien René et Marie-Ève Milot bondir insolemment d’un bout à l’autre du plateau tout en réglant leurs comptes aux adultes qui ne cessent de s’apitoyer sur leur sort. Pas de doute, savoir grandir, c’est l’œuvre d’une vie.
Texte : John Logan. Traduction : Maryse Warda. Mise en scène : Hugo Bélanger. Au Théâtre Jean-Duceppe jusqu’au 18 octobre 2014.
Tout vient à point à qui sait attendre. Il aura fallu 15 ans pour que le travail d’Hugo Bélanger soit reconnu par les institutions dites grand public. Après l’Opéra de Montréal, avec Hansel et Gretel, et avant le TNM, où il présentera Le tour du monde en 80 jours en avril, le metteur en scène fait en ce moment même son entrée chez Duceppe avec Peter et Alice, un texte de l’États-Unien John Logan.
Pour concilier l’engouement du metteur en scène envers les contes de fées et l’importance qu’accorde la maison à ce qu’on pourrait appeler les pièces bien faites à l’américaine, on ne pouvait imaginer plus indiqué que le texte de Logan. Afin d’aborder des questions aussi délicates que le vieillissement, la maladie, la pédophilie et le deuil, l’auteur use d’un brillant subterfuge. Quand le dramaturge approche le mythe, la légende ou l’archétype, c’est toujours pour mieux révéler l’humanité qui se cache derrière.
C’était le cas dans Rouge, présenté au Rideau Vert la saison dernière, où l’auteur donnait à voir et à entendre Mark Rothko, l’homme derrière le grand peintre, et c’est encore plus vrai dans Peter et Alice, où il arrive à convier trois entités : d’abord le personnage, puis le créateur et, finalement, la source d’inspiration, cet individu « ordinaire » qui est pour ainsi dire coincé entre la réalité et la fiction, la vérité et le fantasme.
Ainsi, sur scène il y a premièrement Peter Llewelyn Davies (Carl Poliquin) et Alice Liddell Hargreaves (Béatrice Picard), les muses. Puis surgissent les auteurs, Lewis Carroll (Félix Beaulieu-Duchesneau) et James Barrie (Jean-Guy Viau). Et, finalement, apparaissent les héros, tout droit sortis de leurs livres, Peter Pan (Sébastien René) et Alice au pays des merveilles (Marie-Ève Milot). En s’appuyant sur cette structure à trois niveaux, une construction superbement symétrique, irréprochable d’un point de vue dramaturgique, l’auteur nous entraine dans un jeu de miroirs fascinant, une suite de confessions où tout n’est qu’échos et correspondances.
Dans cette matière, il faut le dire plus conventionnelle que les univers fantaisistes dont il a l’habitude, Hugo Bélanger a su trouver ses repères. Pendant plusieurs scènes, le metteur en scène se contente de donner de la profondeur visuelle et émotive aux échanges des deux personnages principaux en employant la grande bibliothèque en fond de scène comme un castelet où faire resurgir le passé. Certes, le procédé n’est pas nouveau, mais il est d’une redoutable efficacité.
Peu à peu, les fantômes investissent la scène, les êtres de papier côtoient les êtres de chair et les vérités fusent. Cette montée de l’imaginaire permet à Bélanger de faire ce qu’il fait si bien, de la commedia dell’arte, mais toujours avec le bon dosage, sans jamais céder à l’esbroufe.
La distribution est impeccable. Béatrice Picard est fort émouvante en petite fille dans un corps de vieille femme. Félix Beaulieu-Duchesneau est attachant et troublant dans les habits de Lewis Carroll. Mais on se délecte plus que tout de voir Sébastien René et Marie-Ève Milot bondir insolemment d’un bout à l’autre du plateau tout en réglant leurs comptes aux adultes qui ne cessent de s’apitoyer sur leur sort. Pas de doute, savoir grandir, c’est l’œuvre d’une vie.
Peter et Alice
Texte : John Logan. Traduction : Maryse Warda. Mise en scène : Hugo Bélanger. Au Théâtre Jean-Duceppe jusqu’au 18 octobre 2014.