En 1937, dans la Russie de Staline, Evguénia S. Guinzbourg, professeur d’histoire à l’université de Kazan et communiste convaincue, est arrêtée. Tout d’abord, elle croit à une erreur, puis très vite se confronte à l’arbitraire de la situation : les Grandes Purges staliniennes ont commencé. En deux ans, près d’un million de personnes seront exécutées et sept millions seront emprisonnées ou envoyées en camps de travaux forcés.
Evguénia Ginzbourg est condamnée à 10 ans de camp. Pendant sa détention, elle écrit « dans sa tête » (n’ayant pas de papier) le récit des horreurs qu’elle a traversées, interrogatoires, tortures, humiliations. À partir de 1955, elle rédige ses Mémoires, mais ce récit ne sera publié qu’en 1988, 11 ans après sa mort. Adaptation théâtrale du premier tome, la pièce Le Vertige, présentée à Moscou en 1989, est encore à l’affiche aujourd’hui.
Le texte de Evguénia, traduit par Anne Catherine Lebeau, est poignant. Des mot simples, lourds, pour dire ce que des hommes ont pu infliger à d’autres, au nom d’idéologies douteuses, « des humains qui ont cessé d’être des hommes », dit une vieille femme emprisonnée avec Evguénia.
Au-delà du récit des tortures physiques, psychologiques et des privations de toutes sortes, Evguénia pose la question de la nature de l’humanité : comment un être peut-il faire ça à un autre être ? Du temps de Evguénia, les terroristes étaient trotskystes, aujourd’hui ils sont islamistes, mais les méthodes restent les mêmes. « Serrons les dents, pas un sanglot », dit Evguenia en cellule d’isolement. Résister. S’entêter à survivre, puisque c’était la seule façon de donner tort à ses tortionnaires, comme l’écrira Robert Anthelme à sa sortie des camps de concentration nazis. Survivre pour témoigner.
Pour mettre cette pièce en scène, Luce Pelletier a réuni 30 comédiennes et comédiens. En ces temps d’austérité budgétaire, c’est un pari audacieux, qu’elle a pris pour fêter les 30 ans de sa compagnie de création, le Théâtre de l’Opsis. Et c’est particulièrement réjouissant de voir autant de monde sur une scène. Le groupe donne à lui seul une belle intensité au spectacle, avec des scènes particulièrement fortes, qui montrent la solidarité, le désespoir, la résilience et même l’humour de ces femmes emprisonnées. Chacune – très jeune ou très vieille, femme du monde ou fille des rues, bourgeoise ou paysanne -, porteuse d’une personnalité, d’un costume, se définit en quelques répliques, qui suffisent à lui donner une histoire, un passé sans avenir. Saluons ici la formidable distribution et la stature que donnent les comédiennes, très investies dans leur rôle, à leur personnage.
Dans la scénographie d’Olivier Landreville, aux lignes épurées et aux accessoires ingénieux, grâce à une mise en scène efficace et clairement dessinée, Luce Pelletier trace un portrait sensible et touchant de femmes déterminées, fragiles dans leur amour de mère, parfois ébranlées dans leurs convictions, mais dont la capacité de résistance force l’admiration.
Bel hommage à toutes celles qui luttent et ont lutté pour défendre leurs idées, leur dignité et leur vie – et dieu sait si elles sont nombreuses, Le Vertige est aussi un remarquable plaidoyer contre le totalitarisme, qui vient nous rappeler que nous ne sommes jamais à l’abri de telles dérives.
Texte de Evguénia S.Guinzbourg. Mise en scène de Luce Pelletier. Une production du Théâtre de l’Opsis. À l’Espace Go jusqu’au 4 octobre 2014.
En 1937, dans la Russie de Staline, Evguénia S. Guinzbourg, professeur d’histoire à l’université de Kazan et communiste convaincue, est arrêtée. Tout d’abord, elle croit à une erreur, puis très vite se confronte à l’arbitraire de la situation : les Grandes Purges staliniennes ont commencé. En deux ans, près d’un million de personnes seront exécutées et sept millions seront emprisonnées ou envoyées en camps de travaux forcés.
Evguénia Ginzbourg est condamnée à 10 ans de camp. Pendant sa détention, elle écrit « dans sa tête » (n’ayant pas de papier) le récit des horreurs qu’elle a traversées, interrogatoires, tortures, humiliations. À partir de 1955, elle rédige ses Mémoires, mais ce récit ne sera publié qu’en 1988, 11 ans après sa mort. Adaptation théâtrale du premier tome, la pièce Le Vertige, présentée à Moscou en 1989, est encore à l’affiche aujourd’hui.
Le texte de Evguénia, traduit par Anne Catherine Lebeau, est poignant. Des mot simples, lourds, pour dire ce que des hommes ont pu infliger à d’autres, au nom d’idéologies douteuses, « des humains qui ont cessé d’être des hommes », dit une vieille femme emprisonnée avec Evguénia.
Au-delà du récit des tortures physiques, psychologiques et des privations de toutes sortes, Evguénia pose la question de la nature de l’humanité : comment un être peut-il faire ça à un autre être ? Du temps de Evguénia, les terroristes étaient trotskystes, aujourd’hui ils sont islamistes, mais les méthodes restent les mêmes. « Serrons les dents, pas un sanglot », dit Evguenia en cellule d’isolement. Résister. S’entêter à survivre, puisque c’était la seule façon de donner tort à ses tortionnaires, comme l’écrira Robert Anthelme à sa sortie des camps de concentration nazis. Survivre pour témoigner.
Pour mettre cette pièce en scène, Luce Pelletier a réuni 30 comédiennes et comédiens. En ces temps d’austérité budgétaire, c’est un pari audacieux, qu’elle a pris pour fêter les 30 ans de sa compagnie de création, le Théâtre de l’Opsis. Et c’est particulièrement réjouissant de voir autant de monde sur une scène. Le groupe donne à lui seul une belle intensité au spectacle, avec des scènes particulièrement fortes, qui montrent la solidarité, le désespoir, la résilience et même l’humour de ces femmes emprisonnées. Chacune – très jeune ou très vieille, femme du monde ou fille des rues, bourgeoise ou paysanne -, porteuse d’une personnalité, d’un costume, se définit en quelques répliques, qui suffisent à lui donner une histoire, un passé sans avenir. Saluons ici la formidable distribution et la stature que donnent les comédiennes, très investies dans leur rôle, à leur personnage.
Dans la scénographie d’Olivier Landreville, aux lignes épurées et aux accessoires ingénieux, grâce à une mise en scène efficace et clairement dessinée, Luce Pelletier trace un portrait sensible et touchant de femmes déterminées, fragiles dans leur amour de mère, parfois ébranlées dans leurs convictions, mais dont la capacité de résistance force l’admiration.
Bel hommage à toutes celles qui luttent et ont lutté pour défendre leurs idées, leur dignité et leur vie – et dieu sait si elles sont nombreuses, Le Vertige est aussi un remarquable plaidoyer contre le totalitarisme, qui vient nous rappeler que nous ne sommes jamais à l’abri de telles dérives.
Le Vertige
Texte de Evguénia S.Guinzbourg. Mise en scène de Luce Pelletier. Une production du Théâtre de l’Opsis. À l’Espace Go jusqu’au 4 octobre 2014.