En 2012, Mani Soleymanlou nous avait enchantés avec Un, un solo à mi-chemin entre le théâtre et le stand-up comedy dans lequel il abordait la question de la recherche identitaire de manière très personnelle.
On y découvrait les multiples talents de Soleymanlou, à la fois acteur, conteur, auteur et metteur en scène. Zigzaguant entre ses souvenirs d’enfance, de courtes leçons d’histoire et des clichés folkloriques, il nous relatait avec un humour dévastateur sa quête de réconciliation avec ses identités multiples, acceptant finalement le vide et s’en nourrissant.
En 2013, Soleymanlou remettait ça avec Deux, accompagné cette fois de son camarade de longue date, le non moins talentueux et polyvalent Emmanuel Schwartz. C’est qu’à force de jouer son solo à travers le monde et de constater les réactions variables qu’il suscitait, Soleymanlou avait commencé à remettre en question son discours initial, qu’il désirait confronter au regard d’un autre.
Ce qu’exprimait Deux, c’était essentiellement la confusion, l’idée que le questionnement identitaire est trop complexe pour qu’il soit possible d’adopter une position tranchée, et que tout le monde n’a pas à être porteur d’une parole politique. On reconnaissait dans ce deuxième opus la même pâte que dans Un : décor minimaliste fait de rangées de chaises; mélange de souvenirs, d’enseignement et de folklore; autodérision; énergie communicative… On y appréciait en outre la complicité palpable des deux artistes, et le pouvoir de leur jeu corporel, qui magnifiait le texte.
C’est maintenant Trois, le dernier volet de cette saga identitaire, qui est à l’affiche après avoir été créé au FTA 2014. Contrairement à Un et à Deux, Trois ne pourrait vivre de manière autonome; il est donc présenté conjointement avec ses prédécesseurs au cours d’une soirée théâtrale de près de 4h.
Revoir Un et Deux à cette occasion est un vrai bonheur : l’humour et la créativité sont toujours aussi frappants et on se replonge avec un plaisir renouvelé dans l’univers de Soleymanlou/Schwartz. Voir ces deux pièces à la suite met en évidence l’intelligence de leur construction, et la manière dont elles se font écho et se subliment à la fois.
Trois apparaît comme une suite logique, à la fois l’apothéose et l’éclatement de la réflexion de Soleymanlou, laquelle prend autant de chemins que d’acteurs présents sur scène, et ils sont nombreux, 43 au total. On y expose ainsi l’universalité de la quête identitaire, la complexité de cette question, la quantité de positionnements possibles. Plusieurs débats politiques qui ont secoué le Québec au cours des dernières années y sont abordés, et Soleymanlou ne craint pas de prendre position, mettant en évidence les dangers de la stigmatisation et la nécessité de posséder une base commune pour que la richesse de la diversité prenne toute son ampleur.
Pendant les entractes, un questionnaire projeté dans le hall du théâtre invite les spectateurs à s’approprier la réflexion : Comment définissez-vous l’identité ? Ce mot a-t-il un sens pour vous ? Quel cliché sur votre lieu de naissance détestez-vous ? Quel est votre souhait le plus cher pour la société québécoise ? Quel avenir collectif vous souhaitez-vous ?, etc. Autant de questions qui ont servi d’outil de travail à Soleymanlou, Schwartz et leurs acolytes dans Trois.
Malheureusement, ce qui aurait dû être un point de départ reste perceptible dans l’œuvre finale, faite de témoignages disparates et peu inspirés qui ont l’allure d’un micro-trottoir. Il y a certes un lipsynch jouissif sur la chanson We are the World, un dialogue qui démonte les idées reçues entre Mani et un Iranien, un intéressant monologue en anglais de Schwartz concluant qu’il est « idle no more » et une belle scène de foire d’empoigne au ralenti, évoquant les dangers que le repli identitaire et la peur de l’étranger font courir à l’humanité.
Toutefois, on regrette le fin travail d’écriture et de construction qui était si manifeste dans Un et Deux et dont l’absence confine trop souvent Trois à l’anecdotique ou aux lieux communs.
Texte et mise en scène de Mani Soleymanlou. Une production de Orange noyée. Au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui jusqu’au 17 octobre 2014.
En 2012, Mani Soleymanlou nous avait enchantés avec Un, un solo à mi-chemin entre le théâtre et le stand-up comedy dans lequel il abordait la question de la recherche identitaire de manière très personnelle.
On y découvrait les multiples talents de Soleymanlou, à la fois acteur, conteur, auteur et metteur en scène. Zigzaguant entre ses souvenirs d’enfance, de courtes leçons d’histoire et des clichés folkloriques, il nous relatait avec un humour dévastateur sa quête de réconciliation avec ses identités multiples, acceptant finalement le vide et s’en nourrissant.
En 2013, Soleymanlou remettait ça avec Deux, accompagné cette fois de son camarade de longue date, le non moins talentueux et polyvalent Emmanuel Schwartz. C’est qu’à force de jouer son solo à travers le monde et de constater les réactions variables qu’il suscitait, Soleymanlou avait commencé à remettre en question son discours initial, qu’il désirait confronter au regard d’un autre.
Ce qu’exprimait Deux, c’était essentiellement la confusion, l’idée que le questionnement identitaire est trop complexe pour qu’il soit possible d’adopter une position tranchée, et que tout le monde n’a pas à être porteur d’une parole politique. On reconnaissait dans ce deuxième opus la même pâte que dans Un : décor minimaliste fait de rangées de chaises; mélange de souvenirs, d’enseignement et de folklore; autodérision; énergie communicative… On y appréciait en outre la complicité palpable des deux artistes, et le pouvoir de leur jeu corporel, qui magnifiait le texte.
C’est maintenant Trois, le dernier volet de cette saga identitaire, qui est à l’affiche après avoir été créé au FTA 2014. Contrairement à Un et à Deux, Trois ne pourrait vivre de manière autonome; il est donc présenté conjointement avec ses prédécesseurs au cours d’une soirée théâtrale de près de 4h.
Revoir Un et Deux à cette occasion est un vrai bonheur : l’humour et la créativité sont toujours aussi frappants et on se replonge avec un plaisir renouvelé dans l’univers de Soleymanlou/Schwartz. Voir ces deux pièces à la suite met en évidence l’intelligence de leur construction, et la manière dont elles se font écho et se subliment à la fois.
Trois apparaît comme une suite logique, à la fois l’apothéose et l’éclatement de la réflexion de Soleymanlou, laquelle prend autant de chemins que d’acteurs présents sur scène, et ils sont nombreux, 43 au total. On y expose ainsi l’universalité de la quête identitaire, la complexité de cette question, la quantité de positionnements possibles. Plusieurs débats politiques qui ont secoué le Québec au cours des dernières années y sont abordés, et Soleymanlou ne craint pas de prendre position, mettant en évidence les dangers de la stigmatisation et la nécessité de posséder une base commune pour que la richesse de la diversité prenne toute son ampleur.
Pendant les entractes, un questionnaire projeté dans le hall du théâtre invite les spectateurs à s’approprier la réflexion : Comment définissez-vous l’identité ? Ce mot a-t-il un sens pour vous ? Quel cliché sur votre lieu de naissance détestez-vous ? Quel est votre souhait le plus cher pour la société québécoise ? Quel avenir collectif vous souhaitez-vous ?, etc. Autant de questions qui ont servi d’outil de travail à Soleymanlou, Schwartz et leurs acolytes dans Trois.
Malheureusement, ce qui aurait dû être un point de départ reste perceptible dans l’œuvre finale, faite de témoignages disparates et peu inspirés qui ont l’allure d’un micro-trottoir. Il y a certes un lipsynch jouissif sur la chanson We are the World, un dialogue qui démonte les idées reçues entre Mani et un Iranien, un intéressant monologue en anglais de Schwartz concluant qu’il est « idle no more » et une belle scène de foire d’empoigne au ralenti, évoquant les dangers que le repli identitaire et la peur de l’étranger font courir à l’humanité.
Toutefois, on regrette le fin travail d’écriture et de construction qui était si manifeste dans Un et Deux et dont l’absence confine trop souvent Trois à l’anecdotique ou aux lieux communs.
Trois
Texte et mise en scène de Mani Soleymanlou. Une production de Orange noyée. Au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui jusqu’au 17 octobre 2014.