Il faut toujours se méfier des coffres, malles et boîtes closes qui dorment à l’arrière d’un théâtre ambulant abandonné. En soulevant les toiles qui les recouvrent pour farfouiller un peu sous la poussière, une jeune fille découvre l’univers fabuleux du grand magicien de l’image Georges Méliès.
Ce n’est pas à une biographie du génial réalisateur que nous convie ce spectacle, mais à une fête de l’imaginaire, à une explosion de trucages et d’illusions. Georges Méliès, créateur, comédien, réalisateur, l’homme qui utilise la technologie du kinétographe pour inventer le 7e art, se déploie sous nos yeux en un kaléidoscope foisonnant.
Méliès, prestidigitateur, émule du grand Robert Houdin, est le premier à pressentir le potentiel onirique de la récente invention de ses voisins et amis, les frères Lumière. Entre 1896 et 1912, il réalisera 520 films, échos de l’explosion créatrice de son époque. Il participe à l’ébullition frénétique qui marque le tournant du siècle.
Méphisto, personnage mythique qu’on retrouve dans de nombreux films de Méliès, créature fétiche qui surgit partout où elle le veut bien, jusque sur cette scène en forme de marionnette, nous invite dans son univers polymorphe. Le théâtre devient la mise en scène de l’esprit de Méliès. Comme liant universel, les marionnettes servent d’appui à la rencontre des mondes parallèles de Méliès, Nikolaï Kobelkof (homme-tronc, directeur d’un théâtre ambulant et père de onze enfants !) et Robert Houdin, le grand magicien du XIXe siècle. Cette rencontre fictive, mais plausible, est le prétexte pour explorer l’homme et son univers merveilleux.
Nous assistons en direct à la fabrication des miracles : démultiplication des corps, apparition et disparition, passage du réel au virtuel, projection et ombres chinoises, marionnettes et manipulateurs disloquant l’espace, homme-tronc mystérieusement harnaché de jambes et de bras, films originaux et plagiats, comédiens et accessoires s’enlacent et se délacent, s’entrecroisent en une farandole de petits événements.
La créativité de Méliès, illustrée à travers l’ingéniosité de Robitaille et Ducharme, éclate en une célébration de l’esprit et du merveilleux. Le piano mécanique du cinéma muet et les projections sur supports variés et souvent mobiles maintiennent l’esprit du cinéma, alors que les marionnettes et accessoires soulignent le théâtre. Méphisto Méliès en appelle donc à la fusion des arts de la scène et à l’illusion du cinéma. Les frontières entre les genres sont ainsi transgressées tout comme la ligne liminale entre l’imaginaire et le monde tangible.
Alors la magie du théâtre opère tel un attracteur puissant qui nous transporte dans notre propre immortalité. C’est le constat de Méliès à qui l’auteure prête cette réplique à l’intention de son alter égo Méphisto : « C’est donc toi qui est immortel. »
Le texte bien construit fournit les informations essentielles sur la vie de Méliès : son ambition, son imagination et son énergie dévorantes, sa créativité, le foisonnement de son esprit bouillant, son côté visionnaire par lequel il rejoint un Thomas Edison. La musique prégnante mais toute en retenue souligne l’époque. Chaque scène porte sa magie propre — voyage sous-marin, dislocation sur trois écrans d’un même personnage qui se multiplie sous nos yeux, voyage autour du monde…
Et c’est précisément dans la mise en scène du réel et de l’illusion que cette production prend tout son sens, dans la friction des effets spéciaux sur notre cerveau rationnel. Les subtils glissements entre les humains et leurs marionnettes, le déplacement de perspectives, le basculement des angles de vue, les chansons grivoises autour des sœurs siamoises, la vie sexuelle d’un homme-tronc, bref les grimaces à la vie et la légèreté de l’être face à l’âpreté du monde.
Pierre Robitaille, de Pupulus Mordicus, et son équipe extraordinaire, en association naturelle avec Hélène Ducharme, du Théâtre Motus, nous invite encore une fois à manipuler la baguette magique qui anime les êtres enfouis dans leurs coffrets pour les faire virevolter dans notre esprit avant qu’ils ne retournent dans le double-fond d’une malle, abandonnée au fond d’un théâtre d’une autre époque. Il faut se laisser subjuguer par tant de malice.
Texte de Hélène Ducharme. Mise en scène par l’auteure avec Pierre Robitaille. Une production des Théâtres Pupulus Mordicus et Motus. Au Théâtre Périscope jusqu’au 31 janvier.
Il faut toujours se méfier des coffres, malles et boîtes closes qui dorment à l’arrière d’un théâtre ambulant abandonné. En soulevant les toiles qui les recouvrent pour farfouiller un peu sous la poussière, une jeune fille découvre l’univers fabuleux du grand magicien de l’image Georges Méliès.
Ce n’est pas à une biographie du génial réalisateur que nous convie ce spectacle, mais à une fête de l’imaginaire, à une explosion de trucages et d’illusions. Georges Méliès, créateur, comédien, réalisateur, l’homme qui utilise la technologie du kinétographe pour inventer le 7e art, se déploie sous nos yeux en un kaléidoscope foisonnant.
Méliès, prestidigitateur, émule du grand Robert Houdin, est le premier à pressentir le potentiel onirique de la récente invention de ses voisins et amis, les frères Lumière. Entre 1896 et 1912, il réalisera 520 films, échos de l’explosion créatrice de son époque. Il participe à l’ébullition frénétique qui marque le tournant du siècle.
Méphisto, personnage mythique qu’on retrouve dans de nombreux films de Méliès, créature fétiche qui surgit partout où elle le veut bien, jusque sur cette scène en forme de marionnette, nous invite dans son univers polymorphe. Le théâtre devient la mise en scène de l’esprit de Méliès. Comme liant universel, les marionnettes servent d’appui à la rencontre des mondes parallèles de Méliès, Nikolaï Kobelkof (homme-tronc, directeur d’un théâtre ambulant et père de onze enfants !) et Robert Houdin, le grand magicien du XIXe siècle. Cette rencontre fictive, mais plausible, est le prétexte pour explorer l’homme et son univers merveilleux.
Nous assistons en direct à la fabrication des miracles : démultiplication des corps, apparition et disparition, passage du réel au virtuel, projection et ombres chinoises, marionnettes et manipulateurs disloquant l’espace, homme-tronc mystérieusement harnaché de jambes et de bras, films originaux et plagiats, comédiens et accessoires s’enlacent et se délacent, s’entrecroisent en une farandole de petits événements.
La créativité de Méliès, illustrée à travers l’ingéniosité de Robitaille et Ducharme, éclate en une célébration de l’esprit et du merveilleux. Le piano mécanique du cinéma muet et les projections sur supports variés et souvent mobiles maintiennent l’esprit du cinéma, alors que les marionnettes et accessoires soulignent le théâtre. Méphisto Méliès en appelle donc à la fusion des arts de la scène et à l’illusion du cinéma. Les frontières entre les genres sont ainsi transgressées tout comme la ligne liminale entre l’imaginaire et le monde tangible.
Alors la magie du théâtre opère tel un attracteur puissant qui nous transporte dans notre propre immortalité. C’est le constat de Méliès à qui l’auteure prête cette réplique à l’intention de son alter égo Méphisto : « C’est donc toi qui est immortel. »
Le texte bien construit fournit les informations essentielles sur la vie de Méliès : son ambition, son imagination et son énergie dévorantes, sa créativité, le foisonnement de son esprit bouillant, son côté visionnaire par lequel il rejoint un Thomas Edison. La musique prégnante mais toute en retenue souligne l’époque. Chaque scène porte sa magie propre — voyage sous-marin, dislocation sur trois écrans d’un même personnage qui se multiplie sous nos yeux, voyage autour du monde…
Et c’est précisément dans la mise en scène du réel et de l’illusion que cette production prend tout son sens, dans la friction des effets spéciaux sur notre cerveau rationnel. Les subtils glissements entre les humains et leurs marionnettes, le déplacement de perspectives, le basculement des angles de vue, les chansons grivoises autour des sœurs siamoises, la vie sexuelle d’un homme-tronc, bref les grimaces à la vie et la légèreté de l’être face à l’âpreté du monde.
Pierre Robitaille, de Pupulus Mordicus, et son équipe extraordinaire, en association naturelle avec Hélène Ducharme, du Théâtre Motus, nous invite encore une fois à manipuler la baguette magique qui anime les êtres enfouis dans leurs coffrets pour les faire virevolter dans notre esprit avant qu’ils ne retournent dans le double-fond d’une malle, abandonnée au fond d’un théâtre d’une autre époque. Il faut se laisser subjuguer par tant de malice.
Méphisto Méliès
Texte de Hélène Ducharme. Mise en scène par l’auteure avec Pierre Robitaille. Une production des Théâtres Pupulus Mordicus et Motus. Au Théâtre Périscope jusqu’au 31 janvier.