Prolifique chorégraphe, Sidi Larbi Cherkaoui n’a pas son pareil pour estomper les frontières entre les genres, que l’on pense à Sutra qui mettait en scène des moines du temple Shaolin ou Babel, collaboration avec Damien Jalet et le plasticien Anthony Gormley. Avec M¡longa, il nous propose un tango à la fois pur et métissé, les lignes d’une extrême élégance de dix maîtres argentins exceptionnels se juxtaposant à celle de deux danseurs contemporains.
Au fil de tableaux complémentaires, le tango se déploie, parfois explosif, le plus souvent lyrique, se moque des codes qui lui sont associés à travers un numéro de burlesque, se danse dos à dos, au sol, à deux, à douze, à trois. Il peut alors représenter aussi bien la jalousie (deux femmes se disputant un homme) que la camaraderie masculine (trio d’une indiscutable virilité).
On comprend comment il fait partie intégrante du quotidien (grâce à une série de projections qui donnent envie de s’acheter illico un billet pour Buenos Aires, mais finissent par distraire le spectateur des mouvements à l’avant-scène), des moments de deuil (segment particulièrement réussi) ou des soulèvements politiques, On réalise surtout qu’au fond, il raconte l’histoire d’un couple qui se fait et se défait au fil des numéros, qui se démultiplie (belle utilisation de la vidéo qui rappelait par moments le Ballet Adagio de Norman McLaren), qui englobe tous les autres, de gifles qui se transforment en caresses.
On ne peut qu’être soufflé par la hauteur des battements et des portés des tangeros, l’agilité avec lesquelles les jambes s’inscrivent les unes dans les autres, la virtuosité des cinq musiciens sous la direction du pianiste et compositeur Fernando Marzan qui nous offrent un portrait relevé des nombreuses influences qu’a connu ce genre (valse, habanera, candombe). On demeure moins convaincu de la pertinence de l’intégration presque pure et dure du vocabulaire de la danse contemporaine dans ce pas de dos au sol qui, dans un contexte différent, se serait révélé plus puissant, mais n’oubliera pas le sentiment d’ostracisme de ces deux esseulés qui se cherchent au milieu de la foule.
« La milonga, des formes sculptées qui durent aussi longtemps que dure un tango », croyait Silvia Ceriani. Il y a certes quelque chose d’évanescent dans ces numéros qui s’enchaînent, souvent sans aucune linéarité, ce qui pourra en irriter certains. Les autres y verront peut-être une métaphore de la vie.
Chorégraphie de Sidi Larbi Cherkaoui. Une production de Sadler’s Wells London. Au Théâtre Maisonneuve jusqu’au 21 février 2015.
Prolifique chorégraphe, Sidi Larbi Cherkaoui n’a pas son pareil pour estomper les frontières entre les genres, que l’on pense à Sutra qui mettait en scène des moines du temple Shaolin ou Babel, collaboration avec Damien Jalet et le plasticien Anthony Gormley. Avec M¡longa, il nous propose un tango à la fois pur et métissé, les lignes d’une extrême élégance de dix maîtres argentins exceptionnels se juxtaposant à celle de deux danseurs contemporains.
Au fil de tableaux complémentaires, le tango se déploie, parfois explosif, le plus souvent lyrique, se moque des codes qui lui sont associés à travers un numéro de burlesque, se danse dos à dos, au sol, à deux, à douze, à trois. Il peut alors représenter aussi bien la jalousie (deux femmes se disputant un homme) que la camaraderie masculine (trio d’une indiscutable virilité).
On comprend comment il fait partie intégrante du quotidien (grâce à une série de projections qui donnent envie de s’acheter illico un billet pour Buenos Aires, mais finissent par distraire le spectateur des mouvements à l’avant-scène), des moments de deuil (segment particulièrement réussi) ou des soulèvements politiques, On réalise surtout qu’au fond, il raconte l’histoire d’un couple qui se fait et se défait au fil des numéros, qui se démultiplie (belle utilisation de la vidéo qui rappelait par moments le Ballet Adagio de Norman McLaren), qui englobe tous les autres, de gifles qui se transforment en caresses.
On ne peut qu’être soufflé par la hauteur des battements et des portés des tangeros, l’agilité avec lesquelles les jambes s’inscrivent les unes dans les autres, la virtuosité des cinq musiciens sous la direction du pianiste et compositeur Fernando Marzan qui nous offrent un portrait relevé des nombreuses influences qu’a connu ce genre (valse, habanera, candombe). On demeure moins convaincu de la pertinence de l’intégration presque pure et dure du vocabulaire de la danse contemporaine dans ce pas de dos au sol qui, dans un contexte différent, se serait révélé plus puissant, mais n’oubliera pas le sentiment d’ostracisme de ces deux esseulés qui se cherchent au milieu de la foule.
« La milonga, des formes sculptées qui durent aussi longtemps que dure un tango », croyait Silvia Ceriani. Il y a certes quelque chose d’évanescent dans ces numéros qui s’enchaînent, souvent sans aucune linéarité, ce qui pourra en irriter certains. Les autres y verront peut-être une métaphore de la vie.
Milonga
Chorégraphie de Sidi Larbi Cherkaoui. Une production de Sadler’s Wells London. Au Théâtre Maisonneuve jusqu’au 21 février 2015.