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Les voyages intérieurs de Philippe Ducros

Guillaume Simoneau

Auteur, acteur et metteur en scène, Philippe Ducros est aussi un grand voyageur aux valises bien pleines. De Syrie, il a rapporté La rupture du jeune, un texte publié aux Éditions Lansman; de Palestine, un carnet de voyage, Les lanceurs de pierre, et une pièce de théâtre, L’Affiche, qu’il a mis en scène à Espace Libre en 2012, et qui a été présentée au Tarmac à Paris par le Panta Théâtre; du Congo, des photos et une installation, La Porte du non-retour, présentée au Québec et en Europe. Au Festival du Jamais Lu, Philippe Ducros présente Réserves phase 1, la cartomancie du territoire, une première étape de travail qui retrace ses voyages et séjours dans différentes communautés amérindiennes du Québec, au Saguenay, dans la baie des Chaleurs, sur la côte-Nord, en Gaspésie…

«Ce n’est pas facile d’arriver dans une réserve, raconte Philippe Ducros, des fois ça se passe bien, des fois non… J’ai rencontré beaucoup de gens et vécu des moments très forts. Écouter des gens raconter des histoires difficiles, passer à travers leur colère, cela me fait beaucoup réfléchir et me confronte à mon vécu. J’écris beaucoup quand je suis en voyage. À partir de mes expériences, de mes réflexions, des rencontres, des entrevues et des témoignages… Ces textes nourrissent le fond du projet, pour dépasser les lieux communs, pour en préciser le vocabulaire et les enjeux. Je ne sais pas encore comment je vais transmettre tout ce que je voudrais, je suis actuellement en plein processus d’écriture.»

«Je veux montrer et tenter de transgresser la blessure du colonialisme, cette blessure infligée par les Blancs, explique Ducros. Les pensionnats, les prisons, l’appropriation et la dépossession du territoire, la passation de la violence intergénérationnelle. Il faut arrêter de faire semblant que cela n’existe pas. La loi sur les Indiens est encore en cours au Québec et les autochtones n’ont eu le droit de vote qu’en 1969. Parallèlement, je parle de notre propre colonisation, qui me permet de réfléchir à quel point nous sommes colonisés, à quel point on s’auto-pille, en faisant de notre territoire un bingo ouvert, en exportant nos réserves naturelles à bas prix. Le texte que je présente est une invitation dans mon atelier. Je découvre ce que je suis en train de faire. C’est un banc d’essai, le Jamais Lu. Alors, je creuse et je présente le résultat de cette prospection interne. Ce n’est qu’une main tendue vers un dialogue, vers une tentative de guérison.»

Réserves, phase 1: la cartomancie du territoire

Texte, mise en lecture et interprétation: Philippe Ducros. Avec Marco Collin. Aux Écuries, à l’occasion du Festival du Jamais Lu, le 5 mai 2015. Suivi de Soir de scotch n°4, Carnets d’inédits, avec Naomi Fontaine.