Les rêves d’enfant de David Gauchard sont pleins de glaciers, de grands pingouins et d’aurores boréales. Le metteur en scène n’a pourtant pas grandi en régions polaires. Associé au Théâtre de l’Union, à Limoges, le fondateur de la compagnie L’unijambiste est né en France et n’avait jamais vu un igloo avant d’entreprendre la création d’Inuk, un spectacle présenté à l’occasion des 32e Francophonies en Limousin, festival dédié aux écritures théâtrales francophones.
Mémoire indirecte
À vrai dire, les rêves de Gauchard sont nourris de récits. Ceux de son grand-père, qui était Terre-Neuva et quittait sa famille pendant plusieurs mois pour pêcher la morue dans les mers de Terre-Neuve ou du Groenland. Entre temps, les récits d’hier ont perdu de leur netteté. Inuk est donc une entreprise d’archéologie de cette mémoire indirecte de l’Arctique.
Mais le spectacle n’est pas construit ainsi : l’enfance n’y est présente que par le public auquel il s’adresse et on y rencontre aucun personnage. Emmitouflés dans leur doudoune rouge, masqués parfois de têtes de phoques, d’ours polaires ou d’autres animaux des grands froids, les comédiens Emmanuelle Hiron et Nicolas Petisoff n’incarnent personne en particulier. Les rares fois où ils parlent à la première personne, leurs mots sont ceux d’Inuits anonymes, réels ou imaginaires. Ils disent le quotidien du Nunavik. Les gestes de la vie dans en paysage gelé et surtout la perte de la culture traditionnelle, du fait de la présence occidentale et de la modernité.
Onirique et décalé
Mais Inuk n’est pas une pièce documentaire. En voix off pour la plupart, les quelques textes à teneur pédagogique qui ponctuent le spectacle sont loin d’en donner le ton. Bien sûr, les questions environnementales et culturelles qu’ils soulèvent sont un enjeu central pour un spectacle jeune public. Elles sont loin d’être les seules. Avec le rappeur Arm, le photographe Dan Ramaën et le beat boxer L.O.S, David Gauchard a imaginé un univers onirique et décalé à partir du voyage en terres inuites qu’ils ont réalisé ensemble.
Portées par Emmanuelle Hiron et Nicolas Petisoff, les présences singulières qui peuplent Inuk évoluent dans une scénographie qui tourne le dos à tout effet de réel. Elles se détachent de deux points lumineux : un demi-cercle éclairé d’élégantes projections graphiques conçues par David Moreau placé en fond de scène et au sol, un cercle rempli de billes de plastique effet neige de synthèse.
Tout est permis
À quoi bon raconter une histoire avec Inuits, quand on sait qu’ « il y a plus de récits sur les Inuits que d’Inuits » ? David Gauchard et ses compagnons de L’unijambiste ont raison, pour évoquer le Nanuvik il vaut mieux éviter toute narration. Adopter la logique du rêve. Ou son absence de logique. Dans Inuk comme dans tous les rêves, tout est permis. Un pingouin bipède peut pêcher à la ligne et sortir d’une glacière un poste de radio. Un phoque peut dormir dans un sac de couchage et toute cette faune anthropomorphe composer des tableaux vivants sur le hip hop de Arm et L.O.S.
Pour qui ne connaît pas le kattajaq, chant guttural pratiqué par les femmes inuits, l’intrusion du beat boxing dans l’ambiance de banquise chimérique de la pièce peut apparaître comme un ingrédient d’absurde parmi d’autres. La poésie d’Inuk n’est jamais gratuite. Libre à chacun de rester dans l’enchantement ou de dérouler tous les sens de cette délicate évocation d’une culture en danger. Une belle preuve de confiance dans l’intelligence des plus jeunes, encore trop rarement sollicitée dans les spectacles français jeune public.
Création collective de L’unijambiste. Mise en scène et scénographie de David Gauchard. Du 24 au 26 septembre 2015 aux Francophonies en Limousin, puis en tournée à travers la France jusqu’en mai 2016.
Les rêves d’enfant de David Gauchard sont pleins de glaciers, de grands pingouins et d’aurores boréales. Le metteur en scène n’a pourtant pas grandi en régions polaires. Associé au Théâtre de l’Union, à Limoges, le fondateur de la compagnie L’unijambiste est né en France et n’avait jamais vu un igloo avant d’entreprendre la création d’Inuk, un spectacle présenté à l’occasion des 32e Francophonies en Limousin, festival dédié aux écritures théâtrales francophones.
Mémoire indirecte
À vrai dire, les rêves de Gauchard sont nourris de récits. Ceux de son grand-père, qui était Terre-Neuva et quittait sa famille pendant plusieurs mois pour pêcher la morue dans les mers de Terre-Neuve ou du Groenland. Entre temps, les récits d’hier ont perdu de leur netteté. Inuk est donc une entreprise d’archéologie de cette mémoire indirecte de l’Arctique.
Mais le spectacle n’est pas construit ainsi : l’enfance n’y est présente que par le public auquel il s’adresse et on y rencontre aucun personnage. Emmitouflés dans leur doudoune rouge, masqués parfois de têtes de phoques, d’ours polaires ou d’autres animaux des grands froids, les comédiens Emmanuelle Hiron et Nicolas Petisoff n’incarnent personne en particulier. Les rares fois où ils parlent à la première personne, leurs mots sont ceux d’Inuits anonymes, réels ou imaginaires. Ils disent le quotidien du Nunavik. Les gestes de la vie dans en paysage gelé et surtout la perte de la culture traditionnelle, du fait de la présence occidentale et de la modernité.
Onirique et décalé
Mais Inuk n’est pas une pièce documentaire. En voix off pour la plupart, les quelques textes à teneur pédagogique qui ponctuent le spectacle sont loin d’en donner le ton. Bien sûr, les questions environnementales et culturelles qu’ils soulèvent sont un enjeu central pour un spectacle jeune public. Elles sont loin d’être les seules. Avec le rappeur Arm, le photographe Dan Ramaën et le beat boxer L.O.S, David Gauchard a imaginé un univers onirique et décalé à partir du voyage en terres inuites qu’ils ont réalisé ensemble.
Portées par Emmanuelle Hiron et Nicolas Petisoff, les présences singulières qui peuplent Inuk évoluent dans une scénographie qui tourne le dos à tout effet de réel. Elles se détachent de deux points lumineux : un demi-cercle éclairé d’élégantes projections graphiques conçues par David Moreau placé en fond de scène et au sol, un cercle rempli de billes de plastique effet neige de synthèse.
Tout est permis
À quoi bon raconter une histoire avec Inuits, quand on sait qu’ « il y a plus de récits sur les Inuits que d’Inuits » ? David Gauchard et ses compagnons de L’unijambiste ont raison, pour évoquer le Nanuvik il vaut mieux éviter toute narration. Adopter la logique du rêve. Ou son absence de logique. Dans Inuk comme dans tous les rêves, tout est permis. Un pingouin bipède peut pêcher à la ligne et sortir d’une glacière un poste de radio. Un phoque peut dormir dans un sac de couchage et toute cette faune anthropomorphe composer des tableaux vivants sur le hip hop de Arm et L.O.S.
Pour qui ne connaît pas le kattajaq, chant guttural pratiqué par les femmes inuits, l’intrusion du beat boxing dans l’ambiance de banquise chimérique de la pièce peut apparaître comme un ingrédient d’absurde parmi d’autres. La poésie d’Inuk n’est jamais gratuite. Libre à chacun de rester dans l’enchantement ou de dérouler tous les sens de cette délicate évocation d’une culture en danger. Une belle preuve de confiance dans l’intelligence des plus jeunes, encore trop rarement sollicitée dans les spectacles français jeune public.
Inuk
Création collective de L’unijambiste. Mise en scène et scénographie de David Gauchard. Du 24 au 26 septembre 2015 aux Francophonies en Limousin, puis en tournée à travers la France jusqu’en mai 2016.