Avec Voiture américaine, Catherine Léger (également auteure de Princesses et de Opium 37) a remporté le prix Gratien-Gélinas en 2006. Il aura fallu près de 10 ans pour que ce texte soit finalement porté sur les planches, dans une version retravaillée par l’auteure (de 12 personnages, on est passé à huit).
Cette comédie noire est campée dans une société où les ressources naturelles se font rares, où l’essence n’est plus accessible qu’à une poignée de puissants qui se sont accaparé les derniers bidons, où les femmes ne font plus d’enfants ni de biscuits, et où l’alcool, qui se vend cher, semble être le seul remède à la dépression.
Dans ce monde, qui ne semble pas si fictionnel que ça, les carences matérielles causent de sérieuses carences socioaffectives, et les personnages, aussi désespérés les uns que les autres, tentent de reprendre le contrôle de leur vie en assurant leur domination sur autrui. Les relations hommes-femmes y sont particulièrement brutales, et la perte d’humanité des protagonistes, nous donnant un vague sentiment de déjà vu, fait froid dans le dos. Il y a ce barman qui échange sa femme contre une voiture ; ce propriétaire de bar qui exige de sa promise qu’elle se comporte comme une vache, docile et privée de parole ; cette femme qui craint de sortir de chez elle, ce chauffeur de taxi qui tue l’amant de celle qu’il désire en vain, etc.
Chacun essaie tant bien que mal de survivre au vide existentiel, usant l’un de ses charmes, l’autre de sa force physique, l’autre encore de la violence de ses mots. Ici, pas de zombie, pas de guerre nucléaire, la fin du monde est minable, mesquine, à l’image de ceux-là mêmes qui l’ont causée : les êtres humains. N’allez pas croire pour autant que le texte de Léger soit sans relief, ou moralisateur. L’absurdité des situations est tout à fait irrésistible, et les dialogues sont drôles et incisifs, et admirablement bien portés par les talentueux comédiens de la Banquette arrière (Amélie Bonenfant, Sébastien Dodge, Rose-Maïté Erkoreka, Mathieu Gosselin, Renaud Lacelle-Bourdon, Anne-Marie Levasseur, Lise Martin, Simon Rousseau).
La scénographie évoque un bar, sombre, avec des rangées de bouteilles alignées sur le mur du fond. Au milieu de la scène, plus large que profonde, se dresse un piano. Dans ce bar où les individus cherchent à étancher leurs désirs autant que leur soif, la musique est peut-être le seul vrai rempart contre la tristesse, la violence et la peur.
Les comédiens, habillés normalement dans ce monde qui meurt finalement normalement, sont éclairés tour à tour pour jouer leur scène. Les enchaînements sont efficaces, bien rodés, la direction d’acteurs irréprochable, bref, la mise en scène est bien pensée et tout à fait cohérente avec le texte. Mais on aurait tout de même apprécié plus d’audace de la part du metteur en scène Philippe Lambert (lequel avait déjà assuré la mise en lecture de la pièce au CEAD), afin de mieux graver ce spectacle dans nos mémoires.
Texte de Catherine Léger. Mise en scène de Philippe Lambert. Une production du Théâtre de la Banquette arrière. Au Théâtre La Licorne jusqu’au 17 octobre 2015.
Avec Voiture américaine, Catherine Léger (également auteure de Princesses et de Opium 37) a remporté le prix Gratien-Gélinas en 2006. Il aura fallu près de 10 ans pour que ce texte soit finalement porté sur les planches, dans une version retravaillée par l’auteure (de 12 personnages, on est passé à huit).
Cette comédie noire est campée dans une société où les ressources naturelles se font rares, où l’essence n’est plus accessible qu’à une poignée de puissants qui se sont accaparé les derniers bidons, où les femmes ne font plus d’enfants ni de biscuits, et où l’alcool, qui se vend cher, semble être le seul remède à la dépression.
Dans ce monde, qui ne semble pas si fictionnel que ça, les carences matérielles causent de sérieuses carences socioaffectives, et les personnages, aussi désespérés les uns que les autres, tentent de reprendre le contrôle de leur vie en assurant leur domination sur autrui. Les relations hommes-femmes y sont particulièrement brutales, et la perte d’humanité des protagonistes, nous donnant un vague sentiment de déjà vu, fait froid dans le dos. Il y a ce barman qui échange sa femme contre une voiture ; ce propriétaire de bar qui exige de sa promise qu’elle se comporte comme une vache, docile et privée de parole ; cette femme qui craint de sortir de chez elle, ce chauffeur de taxi qui tue l’amant de celle qu’il désire en vain, etc.
Chacun essaie tant bien que mal de survivre au vide existentiel, usant l’un de ses charmes, l’autre de sa force physique, l’autre encore de la violence de ses mots. Ici, pas de zombie, pas de guerre nucléaire, la fin du monde est minable, mesquine, à l’image de ceux-là mêmes qui l’ont causée : les êtres humains. N’allez pas croire pour autant que le texte de Léger soit sans relief, ou moralisateur. L’absurdité des situations est tout à fait irrésistible, et les dialogues sont drôles et incisifs, et admirablement bien portés par les talentueux comédiens de la Banquette arrière (Amélie Bonenfant, Sébastien Dodge, Rose-Maïté Erkoreka, Mathieu Gosselin, Renaud Lacelle-Bourdon, Anne-Marie Levasseur, Lise Martin, Simon Rousseau).
La scénographie évoque un bar, sombre, avec des rangées de bouteilles alignées sur le mur du fond. Au milieu de la scène, plus large que profonde, se dresse un piano. Dans ce bar où les individus cherchent à étancher leurs désirs autant que leur soif, la musique est peut-être le seul vrai rempart contre la tristesse, la violence et la peur.
Les comédiens, habillés normalement dans ce monde qui meurt finalement normalement, sont éclairés tour à tour pour jouer leur scène. Les enchaînements sont efficaces, bien rodés, la direction d’acteurs irréprochable, bref, la mise en scène est bien pensée et tout à fait cohérente avec le texte. Mais on aurait tout de même apprécié plus d’audace de la part du metteur en scène Philippe Lambert (lequel avait déjà assuré la mise en lecture de la pièce au CEAD), afin de mieux graver ce spectacle dans nos mémoires.
Voiture américaine
Texte de Catherine Léger. Mise en scène de Philippe Lambert. Une production du Théâtre de la Banquette arrière. Au Théâtre La Licorne jusqu’au 17 octobre 2015.